La Cour de cassation se penche sur la question des "contrôles au faciès"

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 04 octobre 2016 - 17:29
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La police française est régulièrement accusée de pratiquer des contrôles au faciès.
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Treize citoyens face à l’État: pour la première fois, la Cour de cassation s'est penchée ce mardi sur la question des contrôles d'identité "au faciès".
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Treize citoyens face à l’État: pour la première fois, la Cour de cassation s'est penchée ce mardi sur la question des contrôles d'identité "au faciès" et rendra sa décision le 9 novembre.

Tout a commencé en 2013, lorsque treize hommes d'origine africaine ou nord-africaine ont dénoncé des contrôles abusifs, parfois associés à des palpations, des insultes ou du tutoiement, espérant faire condamner l’État.

Après avoir perdu en première instance en octobre 2013, les plaignants avaient interjeté appel, soutenus cette fois par le Défenseur des droits. En juin 2015, la cour d'appel de Paris a donné raison à cinq d'entre eux, condamnant l’État à verser 1.500 euros de dommages et intérêts à chacun. L’État s'est pourvu en cassation pour les cinq dossiers dans lesquels il a été condamné, et les huit hommes qui n'ont pas obtenu gain de cause en ont fait autant. Ce mardi 3, c'était donc au tour de la Cour de cassation de se pencher sur l'affaire en examinant si, lors des décisions en appel, les règles de droit avaient été correctement appliquées, notamment la question de la charge de la preuve.

Me Thomas Lyon-Caen, au nom des huit hommes déboutés en appel, a rappelé que selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, il ne revient pas à la personne qui dénonce une discrimination d'en apporter la preuve complète mais seulement un "commencement de preuve". Il s'agit ensuite à la partie mise en cause d'apporter des "éléments ou des faits objectifs" prouvant qu'il n'y a pas eu discrimination.

Si l'avocate générale, Nathalie Ancel, s'est appuyée sur la même jurisprudence, tous deux n'ont pas tiré les mêmes conclusions. Sur les huit cas dans lesquels l’État avait obtenu gain de cause en appel, Mme Ancel a estimé que trois jugements devaient être cassés. Pour les cinq autres, en revanche, elle a considéré que l’État apportait des "éléments objectifs" motivant le contrôle, comme par exemple la "dangerosité de la zone" où celui-ci s'est produit. Et qu'il n'y avait donc pas lieu de revenir sur la décision de la cour d'appel.

En ce qui concerne les cinq hommes qui avaient gagné en appel, l'avocate générale a demandé que soit confirmée la condamnation de l’État. De son côté, l'avocate de l'agent judiciaire de l’État, Me Alice Meier, a rappelé que dans chacun des treize cas, "les règles légales encadrant ces contrôles (avaient) été parfaitement respectées".

Au sujet des cinq dossiers dans lesquels l’État a été condamné, Me Meier a considéré que l'existence de rapports et de statistiques prouvant que les personnes noires ou arabes étaient plus contrôlées que les autres ne suffisait pas à constituer un "faisceau d'indices graves, précis et concordants", de même qu'une seule attestation, comme cela a été retenu.

Elle a fait valoir qu'il revenait à la personne contrôlée d'apporter des "éléments concrets, circonstanciés" prouvant que la motivation raciale était la seule motivation du contrôle. "L'agent judiciaire de l’État ne prétend pas que les contrôles au faciès n'existent pas", a souligné son avocate. Toutefois, elle a mis en garde les magistrats contre la tentation de "prendre une position de principe": "Il ne faut pas que la décision ait pour conséquence de jeter sur tout policier, voire tout représentant de l’État, une suspicion."

A la sortie de l'audience mardi, l'un des 13 plaignants, prénommé Régis, qui avait obtenu gain de cause en appel, a espéré que la future décision de la Cour de cassation puisse, au-delà de son cas, "changer les choses". "Ça me ferait mal que mes enfants subissent ce que j'ai subi. C'est humiliant de se faire contrôler à la vue de tout le monde en n'ayant rien commis", a-t-il expliqué. Avec une décision favorable, "on se sentirait plus Français".

 

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