Dopée par les déboires du nucléaire, la centrale de Saint-Avold meurt en bonne santé

Auteur:
 
Par Margaux BERGEY - Saint-Avold (France) (AFP)
Publié le 15 février 2022 - 18:06
Image
Un tas de charbon à la centrale Emile Huchet de GazelEnergie, le 14 février 2022 à Carling, en Moselle
Crédits
© JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
Un tas de charbon à la centrale Emile Huchet de GazelEnergie, le 14 février 2022 à Carling, en Moselle
© JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Au milieu des tonnes de charbon dont il a la charge, Sylvain Krebs avoue avoir un "petit pincement au coeur" devant une page de l'histoire de la Moselle qui se tourne avec la fermeture annoncée, le 31 mars, de la centrale de Saint-Avold.

En attendant sa mise à mort, cette centrale - l'une des deux dernières fonctionnant au charbon sur le sol français avec celle de Cordemais (Loire-Atlantique) - tourne pourtant à plein régime afin de pallier l'arrêt impromptu de plusieurs réacteurs nucléaires d'EDF.

Un regain d'activité permis par un décret ministériel du 5 février qui l'autorise à fonctionner 1.600 heures jusqu'à son arrêt définitif, au lieu des 700 heures prévues initialement.

Dans la salle des commandes de la centrale Emile Huchet, à cheval sur les communes de Saint-Avold et Carling, David George ne lâche pas les écrans du regard. "Tout est informatisé maintenant, avant c'était des boutons", dit-il en montrant une photo prise dans les années 1980.

"Ce n'est pas qu'une industrie qui ferme mais une page qui se tourne" dans une région, la Lorraine, qui a déjà fait le deuil de ses mines de charbon et de ses gueules noires, relève ce cadre technique de 49 ans.

S'il reconnaît une pointe de "nostalgie", Sylvain Krebs, tout comme ses collègues, était bien conscient que le charbon, "ça finirait" un jour, et bien conscient aussi des "effets nocifs" sur l'environnement avec des émissions massives de CO2. Mais tout de même : "Pendant 150 ans, on en a profité".

Désormais, les salariés de la centrale entendent devenir des "pionniers" des énergies vertes en France. "J'espère qu'on va recréer une activité pour 200 ans comme ce qui s'était passé avec le charbon, mais cette fois-ci avec l'hydrogène" qui devrait être produite sur le site à l'avenir, s'enthousiasme Sylvain Krebs, 46 ans.

- Du charbon à la biomasse -

En attendant, les installations vont être démantelées pour permettre la construction d'une chaudière fonctionnant avec la biomasse, un projet que l'Etat entend soutenir à hauteur de 12,7 millions d'euros, avait indiqué en décembre la ministre de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher.

"On va développer une chaudière biomasse de 20 mégawatts qui va brûler du bois à la place du charbon", explique ainsi Camille Jaffrelo, porte-parole de GazelEnergie, l'entreprise propriétaire de la centrale Emile Huchet.

Cette future chaudière devrait permettre de fournir de la "chaleur verte" aux industriels de la plateforme chimique voisine de Carling, précise-t-elle.

L'environnement y trouvera-t-il son compte ? Comme d'autres associations, France Nature Environnement en doute. Pour Michel Dubromel, responsable des questions énergétiques au sein de l'ONG, la nouvelle installation sera certes "moins polluante" que la centrale à charbon, mais à condition de ne pas "raser des forêts" pour la faire fonctionner.

- Inquiétudes sur l'emploi -

Le directeur de la centrale, Philippe Lenglart, espère, lui, voir le chantier débuter dans les premiers mois de 2023.

Sur les 87 salariés de la centrale à charbon, 49 vont partir à la retraite, huit ont reçu des promesses d'embauche au sein de la nouvelle installation et deux restent "sans solution", précise-t-il, expliquant que les autres, qui ont bénéficié d'un plan de départs volontaires, ont trouvé des emplois "à l'extérieur de l'entreprise".

La future chaudière devrait employer à terme une vingtaine de salariés auxquels devraient s'ajouter ceux oeuvrant à la production d'hydrogène. Mais pas de quoi rassurer pleinement Pascal Bernardi, délégué syndical de Force Ouvrière de la centrale. Le projet, remarque-t-il, n'est pas encore "gravé dans le marbre".

L'article vous a plu ? Il a mobilisé notre rédaction qui ne vit que de vos dons.
L'information a un coût, d'autant plus que la concurrence des rédactions subventionnées impose un surcroît de rigueur et de professionnalisme.

Avec votre soutien, France-Soir continuera à proposer ses articles gratuitement  car nous pensons que tout le monde doit avoir accès à une information libre et indépendante pour se forger sa propre opinion.

Vous êtes la condition sine qua non à notre existence, soutenez-nous pour que France-Soir demeure le média français qui fait s’exprimer les plus légitimes.

Si vous le pouvez, soutenez-nous mensuellement, à partir de seulement 1€. Votre impact en faveur d’une presse libre n’en sera que plus fort. Merci.

Je fais un don à France-Soir

Dessin de la semaine

Portrait craché

Image
Lula
Lula Da Silva : une barbe cache-misère politique ou masque de l’autoritarisme ?
Luiz Inácio Lula da Silva est un personnage simple en apparence mais complexe en substance. Sous sa barbe blanche, ses fossettes et son sourire aux dents refaites, le ...
27 avril 2024 - 14:36
Politique
Soutenez l'indépendance de FS

Faites un don

Nous n'avons pas pu confirmer votre inscription.
Votre inscription à la Newsletter hebdomadaire de France-Soir est confirmée.

La newsletter France-Soir

En vous inscrivant, vous autorisez France-Soir à vous contacter par e-mail.