Travail détaché : la "clause Molière" s'invite dans le débat national

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Par AFP
Publié le 14 mars 2017 - 16:26
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L'obligation pour les ouvriers de parler français, ou pour les entreprises d'employer un traducteur,
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© PHILIPPE HUGUEN / AFP/Archives
L'obligation pour les ouvriers de parler français, ou pour les entreprises d'employer un traducteur, est présentée comme un moyen de réduire la distorsion de concurrence entre les
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Le débat sur la "clause Molière", qui vise à imposer le français sur les chantiers dans certaines régions, a pris de l'ampleur mardi, à quelques semaines de la présidentielle, avec l'hostilité affichée par le gouvernement, le Medef et les syndicats.

Plusieurs régions principalement de droite (Ile-de-France, Hauts-de-France, Normandie, Auvergne-Rhône-Alpes...), des villes (Montfermeil, Chalon-sur-Saône) ou départements (Haut-Rhin, Charente) ont décidé d'imposer l'usage du français sur les chantiers dont ils sont maîtres d'œuvre. Les Alpes-Maritimes devraient suivre prochainement.

"La clause Molière participe d'un double ADN : sécurité (maîtrise des consignes, NDLR) et défense de l'emploi", résume celui qui en revendique la paternité, l'adjoint (LR) aux Finances d'Angoulême, Vincent You.

L'obligation de parler français, ou pour les entreprises d'employer un traducteur, est présentée comme une riposte aux ravages du travail détaché.

Dans le BTP, "une entreprise gagne un marché en faisant des prix anormalement bas puis fait appel à des sous-traitants étrangers pour pouvoir s'en sortir", s'est ainsi justifié Hervé Morin, président UDI de la Normandie.

- 'Nauséabond', 'électoraliste' -

Si la mesure est saluée par la Capeb (artisans du bâtiment), au nom de la lutte contre le "dumping social", elle est en revanche contestée par le Medef.

"Vous commencez comme ça, et puis après vous commencez à faire du favoritisme, et puis ensuite vous fermez les frontières françaises, et puis vous finissez par sortir de l'euro", a averti Pierre Gattaz, conspuant les dérives "communautaire ou nationaliste".

La CFDT a fustigé une mesure qui "ne règle en rien la question du travail illégal", tandis que la CGT a dénoncé une intention "purement électoraliste" visant à marcher sur "les traces du Front national", partisan de la préférence nationale.

Marine Le Pen a pour sa part estimé sur RFI que "c'est du patriotisme honteux. Comme on n'ose pas dire clairement les choses et demander la suppression de la directive détachement des travailleurs (...), on prend des chemins contournés".

En Ile-de-France, le groupe MoDem s'est opposé à cette mesure, car elle vise aussi "nombre de travailleurs étrangers issus de l'immigration légale, dont les réfugiés, pour lesquels le travail est un vecteur d'intégration et d'apprentissage de la langue française".

- 'Impasse juridique' -

Élisabeth Morin-Chartier (PPE, droite européenne), rapporteur sur la révision de la directive des travailleurs détachés au Parlement européen, a mis en garde son camp face au "piège du repli nationaliste".

Il serait "irresponsable de conduire notre pays dans cette impasse juridique", fait remarquer l'eurodéputée dans un courrier récent à François Fillon, candidat de la droite à l’Élysée.

La clause "est politiquement douteuse et juridiquement inutile", a appuyé le ministère du Travail, interrogé par l'AFP.

Les opposants à cette pratique, jugée "discriminatoire" par les ministres Myriam El Khomri (Travail) et Emmanuelle Cosse (Logement), font remarquer que les collectivités n'ont pas le pouvoir d'effectuer des contrôles, ni d'imposer des sanctions.

En Auvergne-Rhône-Alpes, l'ancien préfet a demandé à Laurent Wauquiez (LR) de revoir sa copie, ce qu'il a refusé. Dans un entretien au jdd.fr, le président de région a estimé que François Fillon, qui n'a pas inclus la clause Molière dans son programme, devait "faire attention à ne pas se couper du terrain s'il veut l'emporter".

Au-delà des questions politiques et juridiques, les opposants à la clause Molière s'inquiètent d'un possible retour de bâton "pour les travailleurs détachés français qui sont presque 200.000 à l'étranger", d'après Mme Morin-Chartier.

"Que se passerait-il si, en mesure de rétorsion, nos partenaires européens décidaient de ne plus recourir à l'expertise française sous prétexte qu'elle ne maîtriserait pas la langue nationale?" s'interroge-t-elle.

Encadré par une directive de 1996, le détachement permet à une entreprise européenne d'envoyer temporairement ses salariés en mission dans d'autres pays de l'UE, en respectant le salaire minimum du pays d'accueil notamment, mais en payant les cotisations sociales dans le pays d'origine.

Souhaitant harmoniser les conditions de travail dans l'UE, au regard des nombreux détournements constatés (non-déclaration, rémunérations très inférieures au Smic, durées maximales de travail dépassées...), la Commission européenne a entrepris de réviser la directive.

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