Avec le sportif controversé Colin Kaepernick, Nike joue la carte des jeunes

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Par Luc OLINGA - New York (AFP)
Publié le 05 septembre 2018 - 02:02
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Le quarterback des San Francisco 49ers Colin Kaepernick (g) genou à terre lors de l'hymne américain, avant un match, le 2 octobre 2016 à Santa Clara
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© Thearon W. Henderson / AFP/Archives
Le quarterback des San Francisco 49ers Colin Kaepernick (g) genou à terre lors de l'hymne américain, avant un match, le 2 octobre 2016 à Santa Clara
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En choisissant comme visage Colin Kaepernick, footballeur américain devenu militant contre les violences policières à l'encontre des Noirs, Nike cible les jeunes jugés plus sensibles aux inégalités sociales, un geste audacieux qui pourrait lui coûter cher à court terme mais rapporter gros à long terme.

"C'est une stratégie risquée car elle prend position sur un sujet hautement politisé", estime Neil Saunders, expert chez GlobalData Retail. D'autant que la marque à la virgule (The Swoosh) court le risque d'"aliéner et de perdre certains clients".

Depuis la révélation lundi que Colin Kaepernick était un des ambassadeurs de la campagne publicitaire fêtant les trente ans du célèbre mot d'ordre "Just Do It", les appels au boycott de produits Nike se sont multipliés sur les réseaux sociaux, accompagnés d'images de clients brûlant leurs baskets ou vêtements Nike.

En Bourse, le titre a perdu 3,16% mardi, les investisseurs redoutant que les bénéfices du groupe ne pâtissent de cette controverse.

Colin Kaepernick a lancé en 2016 un mouvement pour protester contre les violences policières à l'encontre des Noirs, en posant un genou à terre lors de l'hymne américain.

Ce faisant, il est devenu une personnalité controversée, célébrée par les uns et détestée par les autres, notamment par Donald Trump qui est entré en guerre ouverte à l'automne 2017 contre les joueurs protestataires.

"Je pense que c'est un terrible message" que Nike envoie, a réagi mardi le président américain dans un entretien au site conservateur The Daily Caller, ajoutant toutefois que: "Nike est un de mes locataires. Ils paient un bon loyer".

L'équipementier possède un magasin situé dans un immeuble, géré par la Trump Organization, jouxtant la Trump Tower sur la 5e Avenue de Manhattan. Il envisageait au printemps d'en partir.

C'est la première fois qu'une entreprise opposée aux prises de position du magnat de l'immobilier échappe à ses foudres. Donald Trump a pourtant éreinté récemment des fleurons américains tels Google, Harley-Davidson, Amazon ou encore Ford.

"C'est l'essence de ce qu'est ce pays. Vous avez la liberté de faire les choses que d'autres personnes estiment que vous ne devriez pas", a encore déclaré Donald Trump mardi sur un ton apaisé, tranchant avec les invectives auxquelles il a habitué les milieux d'affaires.

- Rupture -

Nike prend position sur une question qui divise le pays, rompant avec la neutralité ayant marqué les années de gloire du basketteur Michael Jordan, son plus illustre ambassadeur. Ce revirement pourrait s'avérer payant à terme, avance Kelly O'Keefe.

"C'est un choix judicieux", explique cet enseignant de la Virginia Commonwealth University, car il est susceptible de renforcer la cote de Nike auprès des "millenials" (18-35 ans), des minorités et en particulier de la population noire et des stars de basketball et de football américain que se disputent les équipementiers sportifs.

En face, le rival Adidas a comme visage la star du rap Kanye West, un soutien du président Trump.

"You don't have to change who you are to change your world" --Tu n'as pas besoin de changer qui tu es pour changer le monde-- est l'un des messages de la campagne de Nike et vise à répondre au besoin d'authenticité largement répandu chez les millenials américains, selon les experts.

Deux-tiers des clients de Nike aux Etats-Unis ont moins de 34 ans, selon le cabinet NPD.

Le groupe estime que les moins de 25 ans constituent 45% de sa clientèle, ce qui devrait limiter l'impact financier du boycott, selon M. O'Keefe.

En outre, Colin Kaepernick reste très populaire auprès des jeunes. En 2017, son maillot était le 39e plus vendu aux Etats-Unis alors qu'il n'a plus joué depuis la saison 2016.

Contacté par l'AFP, Nike n'a pas donné suite.

Le choix de Nike intervient au moment où la marque fait face à une plainte d'anciennes salariées pour discrimination et harcèlement, après un exode sans précédent de dirigeants, dont le numéro deux de l'entreprise à la suite de témoignages d'employés, en majorité des femmes, dénonçant un environnement "toxique".

Il s'inscrit par ailleurs dans un mouvement général ayant vu récemment un grand nombre d'entreprises américaines prendre position, souvent sous la pression des réseaux sociaux, sur des sujets sociétaux comme le port d'armes à feu, l'immigration, l'environnement et l'homosexualité.

Ces sociétés n'hésitent plus à mettre en avant les initiatives engagées pour renforcer leur responsabilité sociale et les actions entreprises pour davantage de diversité.

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