Ikea peut-il perdre le nord après la mort de Kamprad ?

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Par Gaël BRANCHEREAU - Stockholm (AFP)
Publié le 02 février 2018 - 11:17
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Livre de condoléances pour Ingvar Kamprad, fondateur d'Ikéa, dans un magasin de Stockholm le 29 janvier 2018
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© Jonathan NACKSTRAND / AFP/Archives
Livre de condoléances pour Ingvar Kamprad, fondateur d'Ikéa, dans un magasin de Stockholm le 29 janvier 2018
© Jonathan NACKSTRAND / AFP/Archives

Ikea peut-il perdre le nord après la mort d'Ingvar Kamprad? De la guerre de succession aux errements stratégiques, analystes et proches de l'industriel récusent ou minimisent les périls guettant l'enseigne orpheline de son créateur.

"Ikea n'a plus de maître", s'alarmait l'économiste Magnus Henrekson cette semaine dans le quotidien de référence Dagens Nyheter après la disparition samedi à 91 ans d'Ingvar Kamprad, dont le destin se confondait avec celui de son empire fondé en 1943.

En fait de maître, ceux que ses employés, du magasinier au manager, appelaient "Ingvar" était un demi-dieu régnant avec un paternalisme bienveillant sur ses troupes, récompensées par de généreuses primes. Un mode de fonctionnement comparable "à une secte qui vouerait un culte au pin brut et aux clés Allen", écrivait The Guardian en 2004.

"Il a toujours été un guide pour nous inspirer", expliquait à l'AFP Andreas Hovare, employé depuis 17 ans, lors de la minute de silence observée lundi à la mémoire de son défunt patron dans les magasins de la marque.

Alors qui sera ce guide de substitution, doué de ce "bon sens" dont Ingvar Kamprad avait fait une méthode de management?

Aucun nom ne se détache, sinon ceux des héritiers Kamprad: Peter, 49 ans, Jonas, 47 ans, et Mathias, 44 ans.

Or si Ikea entretenait savamment auprès des employés le culte de leur père, la plupart d'entre eux n'ont "aucun lien" avec les trois frères, observe pour l'AFP Ulf Johansson, directeur du Centre de recherche sur le commerce de détail à l'université de Lund.

Dans un communiqué conjoint, ils se sont engagés à "honorer l'héritage" de leur père. Sans en présider aucune, ils occupent des postes-clés au sein des grandes divisions d'Ikea: Jonas à Ingka Holding B.V, Mathias à Inter Ikea Holding B.V, Peter à Ikano (banque, immobilier).

Pour Bertil Torekull, ami et confident du petit paysan suédois devenu l'un des hommes les plus riches de la planète, les Cassandre prédisant le crépuscule du paquet plat et du meuble en kit en seront pour leurs frais.

"On ne peut jamais exclure une guerre au sein d'une fratrie (...) mais (les fils Kamprad) sont assez intelligents pour comprendre qu'ils ont hérité d'une poule aux oeufs d'or et garder le cap", parie l'auteur d'une "Histoire d'Ikea", dans les colonnes de Dagens Nyheter.

Si les trois frères sont "de pâles copies" de leur père, leur influence est "immense", ainsi que l'était celle d'Ingvar qui n'occupait plus de mandat exécutif depuis au moins trois décennies mais conservait un titre de super conseiller, affirme à l'AFP Johan Stenebo, ancien haut responsable d'Ikea, qui fut pendant trois ans l'assistant de Kamprad.

Influents, mais certainement pas propriétaires, rappelle Lars-Johan Jarnheimer, un des hommes forts de l'enseigne, président du conseil de surveillance de la holding néerlandaise Ingka Holding B.V et président du groupe Ikea.

"Les règles sont très claires, la famille Kamprad ne peut être majoritaire au sein d'un conseil d'administration" du groupe, souligne-t-il, interrogé par le journal Svenska Dagbladet.

Ingvar Kamprad préparait sa succession depuis son 50e anniversaire en 1976. Son idée a été de diviser l'entreprise en fondations séparées et étanches pour ériger une forteresse imprenable après sa mort. Les bénéfices, eux, ne peuvent aller qu'aux oeuvres de bienfaisance ou revenir dans l'entreprise.

Seul Ikano (activité banque et immobilier) reste l'entière propriété de la famille, un confortable bas de laine qui gère 8 milliards d'euros d'actifs pour un bénéfice net de 130 millions d'euros en 2016.

In fine, pour les 190.000 collaborateurs de l'enseigne et ses cadres "élevés au biberon" Ikea, c'est "business as usual", selon Lars-Johan Jarnheimer.

Si risque il y a pour Ikea, il réside dans sa capacité à répondre aux défis du marché, le commerce en ligne par exemple: en 2017, ses ventes sur internet ont atteint 1,7 milliard d'euros, soit seulement 4,4% du chiffre d'affaires global (38,3 milliards).

"Ingvar freinait des quatre fers, il ne voulait pas de commerce en ligne", explique Johan Stenebo.

Une chose semble acquise: du fait de sa structure et de son succès, Ikea n'est pas près d'entrer en Bourse. "Ikea n'a rien à y gagner", tranche Ulf Johansson.

D'autant que le groupe dispose d'"énormes" réserves de capitaux, selon lui. Un magot qui pourrait être utile en cas de condamnation d'Ikea par la Commission européenne pour fraude fiscale, la maison-mère néerlandaise étant soupçonnée par Bruxelles d'avoir bénéficié d'avantages indus.

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