A Agen, les soldats du paracétamol "au taquet", en espérant "qu'on s'en souvienne"

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Par Philippe BERNES-LASSERRE - Bordeaux (AFP)
Publié le 08 avril 2020 - 10:08
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Chaîne de fabrication de médicament au paracétamol à Agen, en 2018
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© GEORGES GOBET / AFP/Archives
Chaîne de fabrication de médicament au paracétamol à Agen, en 2018
© GEORGES GOBET / AFP/Archives

"Au taquet", les salariés d'Upsa à Agen sortent chaque jour jusqu'à un million de boîtes de médicaments à base de paracétamol, principal remède aux symptômes du Covid-19. Avec l'espoir qu'on se souviendra, après la crise, de l'importance d'une pharmacie "made in France".

Avec le débat sur la chloroquine, on en oublierait presque que le paracétamol est expressément recommandé pour traiter fièvre, maux de tête et douleurs, symptômes du Covid-19 quand il reste bénin, la grande majorité des cas.

"On n'a aucune prétention à soigner la maladie. On traite les symptômes, et c'est déjà très important en cette période où les gens vont avoir de la fièvre, parfois très forte", pose François Duplaix, PDG d'Upsa, premier employeur privé du Lot-et-Garonne. "Le paracétamol est la molécule en première intention pour la fièvre, et on voit la reconnaissance éclatante de son importance".

Des usines d'Agen et du Passage d'Agen, où Upsa produit notamment Dafalgan et Efferalgan (N.2 et 3 du marché derrière le Doliprane de Sanofi) sortent entre 800.000 et un million de boîtes par jour. Le paracétamol, d'ordinaire 80% de la production, est "actuellement proche du 100%", estime M. Duplaix.

Les chaînes, en 3X8 sur le paracétamol, tournent au maximum et le turbo a été mis sur la distribution "avec ajout d'une équipe de nuit, des expéditions de 1,6 voire 2 millions de boîtes/jour, deux fois le rythme habituel". Sur les stocks, "en général un à deux mois sur la France, on tient pour le moment", assure la direction.

800 personnes, sur les 1.300 habituels, travaillent sur les sites, héritier du laboratoire de l'Union de pharmacologie scientifique appliquée (Upsa) créé en 1935 par un radiologue agenais inventeur d'un effervescent pour douleurs gastriques.

Les autres salariés sont en télétravail, jugés vulnérables, empêchés (enfants), ou victimes du Covid-19, avec une douzaine de cas suspects et deux avérés selon la direction.

Tous sont "bien conscients du rôle capital qu'ils jouent dans cette crise, et sur plusieurs pays", souligne Bruno Bouthol, délégué FO. La marque est présente dans 60 pays, leader en Belgique, Suisse, forte en Grèce, Italie, Espagne.

- Hier dans la rue, aujourd'hui cruciaux -

Mais beaucoup viennent travailler "avec la boule au ventre", assure un autre délégué. Même si la culture de sécurité, du masque, des gants, des blouses, est dans l'ADN du laboratoire. Récemment 6.500 masques ont été débloqués par l'Etat, 12.000 sont en cours d'acheminement par le Japonais Taisho, qui a repris Upsa en 2019 à l'Américain Bristol-Myers Squibb.

Du vestiaire au restaurant d'entreprise, au nettoyage renforcé entre rotations, la direction assure être en situation de sécurité. "Certaines chaînes sont grandes avec de l'espace, mais d'autres sur 20 m2, il y a trois personnes. Forcément il y a des interactions...", tempère un délégué qui souhaiterait des dépistages pour "rassurer".

Personnel, comme direction, perçoivent parfaitement l'importance du moment. "Il y avait des signes (que) les gouvernements commençaient à prendre conscience de l'importance de l'indépendance sanitaire de la France. La crise du Covid a fait +exploser+ la problématique", souligne M. Duplaix.

Il y a une dizaine d'années, rappelle-t-il, Upsa se fournissait en France en matière première, un composé chimique, auprès d'une filiale de l'ex-Rhône-Poulenc. "Tout cela a été délocalisé". Upsa s'approvisionne à présent à 85% aux Etats-Unis, 15% en Chine.

"On peut penser que ce thème du made in France, de l'indépendance sanitaire, sera au coeur du prochain CSIS" (Conseil stratégique des industries de santé, qui réunit gouvernement et industriels du secteur) début 2021, avance sans risque le dirigeant. Qui d'ici là appelle à "un report ou une annulation" de la baisse des prix du paracétamol remboursable, prévue en juin.

Les syndicats, eux, espèrent que l'Etat "se souviendra que les salariés d'Upsa ont travaillé pour le bien commun". Et reverra sa copie sur les prix, mais aussi sur... les retraites. "Ceux qui sont au taquet pour produire du paracétamol, c'est ceux qui étaient dans la rue hier", grince un délégué.

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