Amiante : les juges ordonnent un non-lieu dans l'affaire emblématique de Condé-sur-Noireau

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Par Eleonore DERMY - Paris (AFP)
Publié le 18 juillet 2019 - 20:22
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Nouvelle déconvenue pour les victimes de l'amiante: des juges d'instruction parisiens ont ordonné un non-lieu général dans l'affaire des usines normandes de Condé-sur-Noireau (Calvados), un dossier emblématique de plus de 20 ans.

Cette ordonnance, conforme aux réquisitions du parquet, a été rendue une semaine après un autre non-lieu prononcé pour les responsables du groupe Eternit, premier producteur français d'amiante-ciment jusqu'à l'interdiction de la fibre.

Il avait été l'un des premiers avec l'équipementier automobile Ferodo-Valeo, à qui appartenaient les usines de Condé-sur-Noireau, à être visés par des plaintes contre ce matériau cancérigène.

L'Andeva, l'association nationale de défense des victimes de l'amiante, a aussitôt annoncé faire appel de cette décision qui équivaut notamment à l'abandon des poursuites contre cinq ex-responsables des usines jusqu'alors mis en examen pour "homicides et blessures involontaires".

"Les magistrats du pôle judiciaire de santé publique ont donc décidé d'enterrer l'ensemble des affaires de l'amiante", a-t-elle dénoncé dans un communiqué, les accusant de délivrer "un véritable permis de tuer sans crainte de poursuite pénale".

Dans leur ordonnance signée le 17 juillet, consultée par l'AFP, les juges ont estimé qu'il n'était "pas possible de déterminer a posteriori une date précise d'intoxication par les fibres d'amiante".

De fait, il n'est "pas possible de mettre en corrélation le dommage et les éventuelles fautes qui pourraient être imputées à des personnes qui auraient une responsabilité dans l'exposition à l'amiante subie par les salariés des usines de Condé", soulignent-ils.

-"Interprétation erronée" -

Les magistrats se sont appuyés, comme dans d'autres dossiers auparavant, sur une expertise judiciaire définitive de février 2017, qui estimait impossible de déduire avec précision le moment de l'exposition, ni celui de la contamination.

Mais pour l'Andeva, il s'agit d'une "interprétation grossièrement erronée" de ce rapport. "L'amiante est un cancérogène sans seuil d'innocuité dont les effets toxiques sont à l'œuvre dès les premières expositions", fait valoir l'association. "Ces effets ne résultent pas d'un événement ponctuel, mais d'un processus d'accumulation des fibres inhalées tout au long de la période d’exposition", ajoute-t-elle, considérant que c'était cette période qui devait être prise en compte.

Lancée en 1996 avec les premières plaintes, l'affaire de l'équipementier automobile s'était concentrée sur les cas de 22 anciens salariés exposés entre 1952 et 2007 aux poussières volatiles de l'amiante qui entrait notamment dans la fabrication de plaquettes de frein.

Outre les ex-responsables mis en examen, dix autres personnes, dont d'anciens participants du Comité permanent amiante (CPA), structure accusée par les parties civiles d'être le lobby des industriels, avaient été placées sous le statut intermédiaire de "témoin assisté", les poursuites à leur encontre ayant été annulées. Parmi elles, Martine Aubry, un temps mise en examen en tant que directrice des relations du travail entre 1984 et 1987 au ministère du Travail avant d'être mise hors de cause.

En avril 2015, la Cour de cassation avait estimé qu'aucune négligence ne pouvait être reprochée à ces décideurs publics.

En décembre 2018, elle a entériné l'abandon des poursuites judiciaires dans deux autres dossiers emblématiques du scandale sanitaire de l'amiante, ceux du campus parisien de Jussieu et des chantiers navals Normed de Dunkerque.

Afin de permettre la tenue d'un procès, l'Association des victimes de l'amiante et autres polluants (AVA) - qui regroupe le Comité anti-amiante Jussieu et l'association régionale des victimes de l'amiante (Ardeva) - a décidé de déposer début septembre une "citation directe visant les responsables nationaux de la catastrophe sanitaire de l'amiante".

En 2012, les autorités sanitaires estimaient que cette fibre pourrait provoquer d'ici à 2025 3.000 décès chaque année causés par des cancers de la plèvre ou des cancers broncho-pulmonaires.

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