Au procès du financement du FN, son trésorier défend l'ingéniosité d'un parti fauché

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Par Benjamin LEGENDRE - Paris (AFP)
Publié le 08 novembre 2019 - 00:05
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Wallerand de Saint-Just arrive au tribunal de grande instance de Paris le 6 novembre 2019
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© DOMINIQUE FAGET / AFP
Wallerand de Saint-Just arrive au tribunal de grande instance de Paris le 6 novembre 2019
© DOMINIQUE FAGET / AFP

Le trésorier du FN, premier prévenu à s'exprimer au procès pour escroqueries, a défendu jeudi un système de "kits" de campagne "absolument merveilleux", imaginé par un parti criblé de dettes après "la catastrophe politique et financière" de la présidentielle et des législatives de 2007.

Malgré les irrégularités soulevées la veille par la défense, le tribunal de Paris a décidé de poursuivre le procès de la formation d'extrême droite, jugée notamment pour "complicité d'escroqueries" au préjudice de l’État lors des législatives de 2012.

Ancien avocat du FN, Wallerand de Saint-Just, 69 ans, se présente avec l'aisance des habitués, devant le tribunal qui examine la validité des "kits" de campagne -- tracts, affiches, site internet.... -- vendus aux candidats par Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, et fournis par la société de communication Riwal d'un de ses proches conseillers.

"Nous ne prétendons pas qu'il s'agit d'un procès politique mais d'un procès pénal d'un parti politique", précise d'emblée M. de Saint-Just, marquant sa différence avec la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon et ses accusations d'une instrumentalisation de la justice par le pouvoir.

Pendant 2H30, le trésorier tente de justifier le "mécanisme opérationnel et financier" qu'il a mis en place avec le juriste historique du parti, Jean-François Jalkh, derrière lui sur le banc des prévenus.

Tout part de l'échec de Jean-Marie Le Pen à la présidentielle de 2007: aux législatives qui suivent, près de la moitié des candidats sont sous la barre des 5% des suffrages, synonyme de non-remboursement des frais de campagne.

"Depuis toujours, le FN prend à sa charge les dépenses qui resteraient à la charge de ses candidats" issus de "milieux peu fortunés", se félicite le trésorier. Résultat: quelque neuf millions d'euros de dettes. Ce qu'il reste de financement publique, amputé pour cinq ans par l'effondrement des suffrages, est saisi par le créancier. En 2011, le FN doit vendre le "Paquebot", son siège historique à Nanterre.

Face à l'hostilité des médias, du "spectre politique (qui) ne nous aime pas" et des banques françaises qui refusent tout prêt, le FN doit se débrouiller seul, justifie le conseiller régional d'Ile-de-France.

- "Peut-être violé une règle" -

Fin 2010, sur le point de succéder à son père à la tête du FN, Marine Le Pen crée son micro-parti Jeanne. Car "Jeanne n'a pas de dette, peut travailler avec des imprimeurs et des gens ont prêté un fonds de roulement", explique le trésorier.

Avec ce fonds de quelque 900.000 euros, Jeanne prête en 2012 le montant du kit -- 16.650 euros -- à 525 candidats qui lui rendent immédiatement l'argent en achetant le matériel. Celui-ci est fourni par Riwal, société d'un proche conseiller de l'ombre de la nouvelle présidente, Frédéric Chatillon.

Cet aller-retour comptable permet à Jeanne d'avancer presque 9 millions d'euros, en attendant que les candidats soient remboursés par l’État pour obtenir de quoi payer Riwal, unique intermédiaire entre le FN et ses fournisseurs.

Pour les juges d'instruction, ce système cachait des prestations de Riwal "très largement surévaluées", destinées à maximiser le remboursement obtenu de l’État.

Pour le trésorier, au contraire, le système est plus vertueux que celui validé dès 2007 par la Commission des comptes de campagne (CNCCFP), quand Fernand Le Rachinel, figure historique du FN, fournissait le matériel de campagne à 25.000 euros pour des "prestations scandaleusement surfacturées" selon lui.

"En 2007, je me dit +Le Rachinel c'est trop cher+. En 2012, Riwal c'est exactement ce qu'il me faut. C'est très bien fait, professionnel, et le prix est moitié moindre. C'est absolument merveilleux. Vous n'avez plus qu'à faire campagne", s'enthousiasme-t-il.

"Peut-être avons nous violé une règle, mais avons-nous eu l'intention de commettre une infraction pénale et de détourner l'argent de l’État (…) ? Au contraire", conclut-il. "Nous sommes de bonne foi, nous avons cru agir de la meilleur façon possible".

Le procès, prévu jusqu'au 29 novembre, se poursuit vendredi.

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