Carlos Ghosn retrouve la liberté, mais sous strictes conditions

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Par Karyn NISHIMURA, Anne BEADE - Tokyo (AFP)
Publié le 25 avril 2019 - 07:33
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Le centre de détention à Tokyo où se trouve l'ex-président de Nissan Carlos Ghosn, qui a fait l'objet lundi 22 avril 2019 d'une quatrième mise en examen pour abus de confiance aggravé
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© CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Le tribunal de Tokyo a annoncé jeudi avoir approuvé la libération sous caution de Carlos Ghosn.
© CHARLY TRIBALLEAU / AFP

L'ex-PDG de Renault-Nissan Carlos Ghosn est sorti de prison dans la soirée de jeudi à Tokyo, libéré sous caution mais dans des conditions strictes, avec notamment l'interdiction de voir son épouse sans l'autorisation préalable du tribunal.

"Restreindre les communications et le contact entre ma femme et moi est cruel et inutile", a à cet égard réagi vendredi M. Ghosn dans un communiqué en anglais diffusé par ses avocats.

Le tribunal de Tokyo chargé de l'affaire avait à la mi-journée accepté sa requête en vue de sa libération, mais le bureau des procureurs avait aussitôt fait appel, jugeant "regrettable" que le juge ait donné son feu vert "en dépit de craintes de destruction de preuves".

Ce recours a été rejeté quelques heures plus tard et sa libération est devenue effective peu après.

L'ex-PDG de Renault-Nissan est sorti à 22H22 (13H22 GMT) d'un pas assuré, encadré par des gardiens, portant un costume sans cravate, sous les flashes des appareils photo, avant de monter dans un véhicule noir, selon des journalistes de l'AFP sur place.

L'image tranchait avec celle de sa première libération sous caution le 6 mars : il était alors apparu déguisé, coiffé d'une casquette bleue, dans un uniforme d'ouvrier de voirie, le visage barré de lunettes et d'un masque de protection blanc, un accoutrement qui avait fait de lui la risée des médias alors même qu'il visait à duper les journalistes massés devant la prison.

L'avocat à l'origine de ce scénario avait dû ensuite présenter ses excuses pour cet "échec" qui avait terni la réputation de son illustre client.

- Strictes conditions -

Le magnat de l'automobile déchu de 65 ans, qui était retourné dans le centre de détention de Kosuge (nord de Tokyo) début avril après une nouvelle arrestation surprise, a dû payer une deuxième caution, cette fois de 500 millions de yens (quatre millions d'euros).

Carlos Ghosn s'était déjà acquitté d'une grosse somme -un milliard de yens- pour obtenir le droit de quitter le 6 mars la prison, où il avait passé 108 jours dans la foulée de son interpellation initiale le 19 novembre dernier pour des malversations financières présumées.

L'ancien grand patron est désormais à l'air libre mais soumis à de strictes conditions : "assignation à résidence, interdiction de quitter le Japon et autres conditions visant à empêcher destruction de preuves et fuite", a précisé le tribunal.

Surtout, il n'a le droit de voir son épouse que "si le tribunal approuve une requête" en ce sens, a expliqué son avocat, Me Junichiro Hironaka, à la presse. Carole Ghosn, dans le viseur des procureurs pour son rôle supposé dans un des volets de l'affaire, est en outre soupçonnée par le parquet d'avoir contacté des protagonistes du dossier.

Au cours de sa précédente remise en liberté, Carlos Ghosn avait pu retrouver sa famille dans un appartement de location à Tokyo, enregistré auprès du tribunal et dont il n'avait pas le droit de s'absenter plus de trois jours. Il retournera dans le même logement, selon Me Hironaka.

Si un nouveau rebondissement n'est pas à exclure dans cette affaire hors normes, qui a vu la chute d'un des plus puissants PDG de la planète au moment où il s'apprêtait à tirer sa révérence, la dernière mise en examen de Carlos Ghosn semble clore les investigations du parquet.

- La justice critiquée -

Ce dirigeant franco-libanais-brésilien est sous le coup de quatre inculpations : deux pour des dissimulations de revenus dans des documents boursiers et deux pour des cas différents d'abus de confiance aggravé.

La dernière affaire, la plus sérieuse aux yeux des experts, porte sur des détournements présumés de fonds de Nissan, d'un montant de cinq millions de dollars, selon le bureau des procureurs.

Face à ce qu'il qualifie d'"acharnement judiciaire", M. Ghosn a usé de plusieurs moyens - entretien avec quelques médias dont l'AFP, communiqués, comparution à sa demande devant un tribunal - pour clamer son innocence et dénoncer un "complot" ourdi par Nissan à son encontre.

Dans une récente vidéo, enregistrée la veille de sa ré-arrestation le 4 avril mais rendue publique quelques jours plus tard, il a encore insisté sur la thèse du piège tendu par les dirigeants du groupe japonais afin de le faire tomber et de stopper ainsi le processus de fusion Renault-Nissan qu'il préparait.

Sa épouse Carole se mobilise depuis des semaines pour dénoncer le traitement dont fait l'objet son mari.

Sa campagne est soutenue par plusieurs avocats étrangers comme japonais et des organismes internationaux, qui estiment que le système judiciaire nippon ne respecte pas les droits de la défense, dénonçant des interrogatoires répétés, sans avocat, pendant la garde à vue.

Maintenant qu'il a la possibilité de passer autant de temps qu'il le souhaite avec ses avocats, Carlos Ghosn va pouvoir se consacrer activement à la préparation de son procès qui n'est pas attendu avant plusieurs mois.

mis-kh-anb-kap/bds

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