Coronavirus : éviter le crash des hôpitaux, un combat collectif

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Par Paul RICARD - Paris (AFP)
Publié le 10 mars 2020 - 12:31
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Un médecin examinant une patiente au CHU Pellegrin de Bordeaux, le 9 mars 2020
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© GEORGES GOBET / AFP
Un médecin examinant une patiente au CHU Pellegrin de Bordeaux, le 9 mars 2020
© GEORGES GOBET / AFP

Le coronavirus menace d'abord les plus fragiles et pour la majorité des gens, la vraie question n'est donc pas "suis-je en danger?" mais "comment éviter que les autres le soient?", car le gros risque est la saturation des hôpitaux, dont les conséquences seraient dramatiques.

"Chaque journée qui ralentit l'épidémie est une journée supplémentaire accordée aux hôpitaux pour se préparer", a martelé le patron de l'OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Des craintes que le grand public a parfois du mal à comprendre, car la maladie est bénigne dans 80% des cas et menace avant tout les plus de 80 ans ainsi que les personnes qui souffrent d'autres pathologies graves.

"Jusqu'à présent, les gens ont l'impression que cette maladie est un danger individuel, alors que c'est un danger populationnel: à de très rares exceptions près, les jeunes ne vont pas en mourir, mais par contre, ils vont participer au blocage des hôpitaux qui va faire que d'autres en mourront", explique à l'AFP le médecin réanimateur belge Philippe Devos.

C'est la hantise des autorités sanitaires mondiales: une explosion brusque des cas, qui conduirait à un afflux massif de patients dans des hôpitaux inexorablement débordés.

Cela compliquerait non seulement la prise en charge des malades atteints de formes graves du Covid-19, mais aussi de tous les autres. Et ce serait encore pire si les soignants venaient à manquer, en cas de contamination d'un grand nombre d'entre eux.

"A cause de ce double facteur - une surcharge de travail avec moins de personnel - les malades atteints de pathologies urgentes ne seraient plus soignés dans les temps et risqueraient de décéder", redoute le Dr Devos.

- "Aplatir la courbe" -

Sur les réseaux sociaux, nombre de médecins du monde entier s'alarment du risque de saturation des hôpitaux, renforcé par le fait que l'épidémie de grippe toujours en cours bloque déjà des lits.

Pour éviter le crash, ils insistent sur l'importance des mesures de lutte contre le coronavirus (se laver les mains, tousser dans son coude, s'isoler si on est malade, etc.).

Ces alertes sont résumées sur Twitter par le mot-clé #FlattenTheCurve ("aplatir la courbe").

Il signifie que chacun a son rôle à jouer en appliquant ces mesures, non pas pour réduire le nombre total de cas, mais plutôt pour freiner l'épidémie en l'étalant dans le temps. Objectif: faire en sorte que le pic soit moins brusque (c'est la fameuse courbe à aplatir) et que le nombre de cas simultanés ne dépasse pas les capacités du système hospitalier.

"Si la courbe n'est pas aplatie, les patients arriveront en masse à l'hôpital et on devra en refouler alors qu'ils devraient être hospitalisés parce qu'ils sont trop malades", prévient le Dr Devos.

Selon la solidité du système de santé du pays, cela pourrait également amener les médecins à faire des choix éthiquement très lourds, en triant les malades à soigner parmi les plus graves, qu'ils soient atteints du nouveau coronavirus ou d'autres pathologies.

Les médecins du nord de l'Italie, région particulièrement touchée, y sont déjà confrontés, selon des témoignages.

"On décide en fonction de l'âge et l'état de santé", comme "dans les situations de guerre", a assuré un anesthésiste-réanimateur de Bergame, Christian Salaroli, au quotidien Il Corriere della Sera.

- Médecins "broyés" -

"Comme il y a malheureusement une disproportion entre les ressources hospitalières, les lits en réanimation et les malades en stade critique, tout le monde ne peut pas être intubé", reconnaît le médecin italien.

"Si une personne entre 80 et 95 ans a une grave insuffisance respiratoire, il est vraisemblable qu'on ne poursuivra pas", détaille M. Salaroli, en assurant que des médecins sortent "broyés de cette situation".

Deuxième pays le plus touché en Europe, la France "surveille les réanimations et les services de soins intensifs", a affirmé le ministre de la Santé Olivier Véran. "Ce sont des services que nous préparons".

"Choisir qui on doit admettre dans les derniers lits de réanimation, c'est malheureusement des choix que les réanimateurs font déjà une ou deux fois tous les deux ou trois ans, par manque de place, lorsqu'une grippe saisonnière un peu plus virulente fait son apparition", commente le Dr Devos.

Avec le nouveau coronavirus, "c'est indéniable qu'on va y arriver, et nous, réanimateurs, on voudrait que cette période où on doit faire des choix dure le moins possible, quelques jours et pas plusieurs semaines", renchérit-il.

D'où l'importance que chacun applique les mesures: "C'est une responsabilité qu'on a pour les autres".

Comprendre cette "logique collective" permet d'éviter deux attitudes opposées mais toutes deux injustifiées, pense le Dr Devos: d'une part "la psychose", et de l'autre la sous-estimation de l'épidémie.

Mais cela nécessite de la pédagogie envers le grand public: "Les gouvernements communiquent beaucoup sur ce qu'ils font, mais pas sur pourquoi ils le font".

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