"Disparues de Perpignan" : du tunnel des horreurs aux errances de l'enquête

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Par Remy Zaka et Hervé Gavard - Perpignan (AFP)
Publié le 16 mars 2018 - 17:59
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Jacques Rançon dans son box d'accusé le 5 mars 2018
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© RAYMOND ROIG / AFP/Archives
Jacques Rançon dans son box d'accusé le 5 mars 2018
© RAYMOND ROIG / AFP/Archives

Après la plongée dans l'horreur des meurtres, viols et mutilations, les assises des Pyrénées-Orientales se penchent la semaine prochaine sur les 17 ans d'enquête, des errances à l'interpellation de Jacques Rançon, alias "le tueur de la gare de Perpignan".

Toute la semaine, les jurés ont été épouvantés par les détails les plus sordides des mutilations subies par Moktaria Chaïb, tuée le 20 décembre 1997 et par Marie-Hélène Gonzalez, morte le 16 juin 1998.

Ils ont été saisis d'effroi par le témoignage de Sabrina et son calvaire vécu le 9 mars 1998 face à celui qu'elle appelle "le mal incarné". Sur son ventre, une cicatrice de 32 centimètres témoigne du coup de couteau qui aurait pu la tuer. "Quand je la vois, c'est lui que je vois", a-t-elle dit, hurlant sa "haine" à son bourreau.

Originaire d'un milieu miséreux de Picardie, ce cariste-magasinier de 58 ans, est accusé du viol et du meurtre de Moktaria et Marie-Hélène, de l'agression sexuelle de Sabrina, laissée pour morte, et aussi de celle de Nadjet qui témoignera lundi.

Pour ces crimes, Rançon a failli ne jamais être inquiété.

Certes, son lourd casier judiciaire le situait comme un prédateur sexuel. Mais quand il a été interrogé après la mort de Marie-Hélène alors qu'il était mis en cause dans une autre procédure, rien n'avait pu être retenu.

Finalement, ce n'est que le 13 octobre 2014 qu'il a été identifié. Son ADN a été recoupé avec celui retrouvé sur la chaussure droite de Moktaria grâce aux progrès scientifiques et à un nouveau logiciel installé dans le fichier national des empreintes génétiques (FNEAG).

Ce coup de théâtre avait été considéré comme "un jour historique" par les policiers du SRPJ, attendus mercredi pour raconter des centaines d'interrogatoires mais aussi les méandres d'un dossier qui laisse encore les experts perplexes. Notamment en raison de la précision quasi-chirurgicale des mutilations opérées par le tueur.

"Je pensais qu'on avait pu poser un bol sur chaque sein et qu'on en avait fait le pourtour", a déclaré le Dr Francis Carlus.

- Faux suspects -

En 17 ans, les policiers sont allés de déceptions en fausses pistes. A commencer par Andres Avelino Palomino Barrios, écroué entre janvier 1998 en août 1998. Il a bénéficié d'un non-lieu en... avril 2003.

Ce Péruvien exerçait comme chirurgien mais avec de faux diplômes, habitait à 400 m du lieu de la découverte du cadavre de Moktaria et avait, selon ses voisins, lavé son fourgon blanc...

Autre mauvais suspect: Esteban Reig. Il vivait dans la cité catalane à l'époque des deux meurtres et a été appréhendé en mai 2000 à Lyon après avoir tué et découpé son colocataire. Il sera disculpé des deux crimes et se suicidera en prison en 2012.

Après la découverte de Marie-Hélène, sans tête ni mains, une énième hypothèse avait circulé, mettant les enquêteurs sur la fausse piste d'un tueur esthète, passionné par Salvador Dali. Le maître du surréalisme, auteur de deux tableaux avec les mêmes caractéristiques, ne qualifiait-il pas la gare de Perpignan de "centre du monde" ?

Depuis le début de son procès, Rançon n'a apporté aucune explication à sa violence inouïe. La plupart du temps, il reste les yeux rivés vers le sol, les bras croisés, terré dans son silence.

"Je ne sais pas" ou "je ne me souviens plus", se contente-t-il de répondre quand on l'interroge. Des propos qui agacent. "Chaque fois qu'une question vous met en difficulté, c'est facile de dire +je ne me rappelle plus+", s'énerve Me Étienne Nicolau pour les parties civiles.

Ses trous de mémoire n'ont en tous cas pas impressionné, Sabrina. "Je pense que c'est quelqu'un de normal. Il a fait ce qu'il a fait et jubile lorsqu'il entend (les témoignages)", a-t-elle affirmé, au cours d'un point de presse en marge de l'audience.

Inexistant les premiers jours, Rançon a quand même "demandé pardon". "Moktaria et Marie-Hélène n'auraient pas dû mourir. Ce que j'ai fait "est très grave", a-t-il reconnu lundi. Ce +mea culpa+ a laissé de marbre les familles des victimes. Pour elles, il n'y avait aucune sincérité mais seulement une stratégie de défense.

Réquisitions jeudi, verdict le 26 mars.

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