Engorgement aux affaires familiales : à Nantes des avocats prêts à attaquer l'Etat

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Par AFP
Publié le 26 octobre 2017 - 14:45
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A Nantes, où il faut compter 17 mois pour avoir accès à un juge aux affaires familiales, des justici
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© KENZO TRIBOUILLARD / AFP/Archives
A Nantes, où il faut compter 17 mois pour avoir accès à un juge aux affaires familiales, des justiciables et leurs avocats "démunis" promettent d'assigner l’État s'ils n'obtiennent
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Un "triste record" de France "intolérable" : à Nantes, où il faut compter 17 mois pour avoir accès à un juge aux affaires familiales, des justiciables et leurs avocats "démunis" promettent d'assigner l’État s'ils n'obtiennent pas rapidement des renforts de magistrats.

Ces actions en responsabilité à l'égard de l’État seront engagées, assure le bâtonnier de Nantes, Jean-René Kerloc'h, à moins que la Chancellerie envoie "une force d'intervention rapide" dans les "quinze jours". "Il faut au moins deux magistrats placés" en plus des six juges aux affaires familiales du tribunal de grande instance (TGI) pour "attaquer le stock" d'affaires non traitées, précise-t-il.

La récente condamnation de l’État pour "déni de justice" envers des justiciables du ressort du tribunal de Bobigny, qui détenait avant Nantes le "triste record de France en terme d'affaires familiales" selon Jean-René Kerloc'h, a décidé les avocats, "complètement démunis" face à l'allongement des délais.

"On ne voulait pas mettre à mal les magistrats qui sont de bonne volonté, mais ils sont eux aussi à bout", avance Me Elisabeth Cadiot.

Dans l'imposant palais de justice noir anthracite, les droits de visite et d'hébergement et les pensions alimentaires se fixent dans un minuscule couloir, en moyenne 17 mois après la demande auprès des juges. Ceux-ci siègent à huis clos trois à quatre matinées par semaine, avec souvent une douzaine de dossiers à traiter chacun, voire dix-sept dans l'un des cabinets ce mardi.

"C'est de la folie ! Nos clients se retrouvent dans des situations dramatiques et ce sont les enfants qui en souffrent les premiers", s'exclame Émilie Moussion, avocate spécialisée dans le droit de la famille depuis treize ans, qui a connu des convocations "en deux trois mois".

"J'ai une mère de trois enfants dont l'ancien compagnon a décidé d'arrêter de verser une pension pour l'un des trois parce qu'il est majeur. Elle attend depuis février que je trouve une date pour pouvoir vivre décemment", cite en exemple Laurence Coquelet, présidente de la commission Famille et patrimoine du barreau de Nantes.

- 'délais totalement anormaux' -

"Tout ce qui est pension alimentaire n'est pas considéré comme une urgence. On ne peut arguer d'urgence que quand il y a des violences, entre les parents ou sur un mineur, et là on a une convocation à un ou deux mois", explique sa consœur, Élisa de Bernard.

"Ces délais totalement anormaux pour faire valoir ses droits sont générateurs de contentieux parasites, sur le plan pénal en raison de violences, mais aussi au regard du logement, de l'endettement", affirme le bâtonnier.

"Une mère peut être condamnée pour non représentation d'enfants, un père pour abandon de famille car il ne peut plus payer la pension alimentaire", des "contentieux artificiels qui n'auraient pas dû exister", renchérit le président du TGI, Rémi Le Hors.

De douze mois à son arrivée à Nantes en 2015, les délais ont grimpé à 17 mois. Parmi les causes : un "flux migratoire positif" dans le département, qui entraîne une augmentation du nombre de saisines, parallèlement à un élargissement des compétences des juges dont les effectifs ne grossissent pas, dans une juridiction déjà "sous-dimensionnée", souligne le président.

"Six magistrats, ce n'est pas suffisant. A mon avis, il faudrait être huit. Mais je n'ai pas de marge pour dégager des magistrats, sauf à laisser sombrer un service et je m'y refuse", confie M. Le Hors. Le président ne peut que "saluer la mobilisation des magistrats et des greffiers qui malgré une tâche lourde ne baissent pas les bras car ils savent que derrière il y a des situations humaines dramatiques".

Face à cet engorgement et au manque de moyens, le tribunal de Nantes s'est porté volontaire, avec dix autres, pour expérimenter, jusqu'à fin 2019, la tentative de médiation familiale préalable obligatoire, pour résoudre à l'amiable les litiges familiaux sans passer devant le juge. "Mais les premiers effets ne seront pas visibles avant plusieurs mois", reconnaît Rémi Le Hors.

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