Huit Marseillais d'adoption tués rue d'Aubagne le 5 novembre 2018

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Par Olivier LUCAZEAU - Marseille (AFP)
Publié le 29 octobre 2019 - 10:00
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Banderole avec les photos des huit victimes, le 25 octobre 2019
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© GERARD JULIEN / AFP
Banderole avec les photos des huit victimes, le 25 octobre 2019
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Ouloume, mère de famille comorienne, Simona, étudiante italienne, Cherif, sans-papier algérien, mais aussi Tahar, Marie, Fabien, Julien et Pape Magatte: petite Babel au coeur de Marseille, le 65 rue d'Aubagne à Noailles a emporté huit vies dans ses décombres.

1er étage: Ouloume, mère courage

Ce lundi 5 novembre 2018, Ouloume Hassani, 54 ans, dépose son fils de huit ans à l'école. Elle rentre chez elle un peu avant 09h00. "Elle devait récupérer des documents pour un rendez-vous pour un nouvel appartement", explique Saïd, 28 ans, un autre de ses fils.

Cette mère de six enfants était arrivée en 2015, après un passage par Mayotte et Paris. Pour payer son loyer, elle faisait la plonge, aux "Portes de Damas", en haut de la rue.

2e étage: "I love Marseille"

Cherif Zemar et Tahar Hedfi ont passé la nuit chez Rachid Rahmouni. A Noailles, Tahar, 58 ans, sans-papier tunisien, s'est trouvé une seconde famille.

Parmi ses frères de galère, Cherif, Algérien de 36 ans, arrivé à Marseille en 2017: "Il avait embarqué dans un Zodiac, pour l'Italie. Il avait payé 1.500 euros, toutes les économies de sa pauvre mère", explique Saïda, sa cousine.

Père d'une fillette de 4 ans, Cherif peinait à nourrir sa famille, à Annaba (est de l'Algérie), avec sa carriole de légumes. A Marseille il ne gagne que quelques pièces en vendant des cigarettes à la sauvette.

Ce 5 novembre, Rachid qui le loge descend acheter des cigarettes. Cherif et Tahar doivent le rejoindre au bar. Mais l'immeuble s'écroule.

Quand les marins-pompiers extraient le corps de Chérif, ils trouvent dans la poche de son pantalon, un mini Opinel et un briquet jetable avec une image de "la Bonne Mère" et trois mots: "I Love Marseille".

Le Franco-Péruvien Julien Lalonde-Flores venait de fêter ses 30 ans. Après avoir bourlingué comme conférencier sur des bateaux de croisière, il s'était posé à Marseille, loin du Lima de son adolescence.

"Il aimait cette ville pour sa mixité", explique Liliana, sa mère, à l'AFP, en racontant ce fils parti à 20 ans "avec la bible, le Coran et le Talmud dans sa valise, pour mieux comprendre les gens".

"Je venais de voir son appartement, j'ai eu peur pour lui", poursuit Mme Lalonde-Flores: "Heureusement qu'il n'y a pas de tremblement de terre comme au Pérou, je lui avais dit. Mais il m'avait rassurée et promis qu'il allait déménager avant la fin novembre".

"+Il est interdit d'être triste+, c'était sa philosophie de vie", insiste Liliana, qui reviendra à Marseille pour le premier anniversaire du drame.

3e étage: Simona "Sourire" et "Fausto"

Côté rue, l'appartement de l'artiste peintre Fabien Lavieille, 54 ans, "Fausto" pour ses amis.

Veuf, père d'un garçon de 20 ans étudiant en économie à Aix-en-Provence, il vivait entouré d'amis, dont Simona, sa voisine de palier: "C'était quelqu'un de si gentil", insiste sa maman, en larmes, un an après.

"Quelques minutes avant le drame, il avait parlé à sa mère au téléphone", accuse Me Stéphanie Spiteri, l'avocate des parents et du fils de Fabien: "Il lui avait dit qu'il était bloqué chez lui, que sa porte ne s'ouvrait plus".

Simona Carpignano, 30 ans, était née à Tarente, dans les Pouilles. Diplômée en linguistique parlant français, arabe et wolof, cette Italienne était connue de tout le quartier avec ses dreadlocks. "Sorriso" (sourire) était son surnom, rappellent ses parents à l'AFP.

Titulaire depuis juin d'un Master Economie sociale et solidaire, elle voulait créer une entreprise dans le recyclage des déchets.

Cette nuit-là, Simona avait accueilli Pape Magatte Niasse, un ami Sénégalais de 26 ans. Arrivé en Europe à bord d'une embarcation de fortune il était arrivé en Italie avec son frère avant d'aller à Marseille. Son frère l'a identifié grâce à la bague qu'il lui avait offerte.

5e étage: Marie, artiste voyageuse

Artiste verrière de 55 ans, Marie Blanc vivait rue d'Aubagne depuis deux ans. "Elle adorait cette ville, ses habitants, leur gentillesse, le mélange. Elle avait beaucoup voyagé, l'Australie, les USA, la Jamaïque. A 16 ans elle avait quitté la maison, en stop, avec juste un sac-à-dos, sa chaîne hifi et ses disques de reggae! Pour elle, Marseille résumait ces endroits qu'elle avait aimés", explique Paul, son frère.

C'est à la télé que la mère de Marie a compris le décès de sa fille. En réalisant que c'est le 65 rue d'Aubagne qui s'est effondré, elle fait un AVC et s'éteint quatre jours plus tard. "J'ai perdu ma seule sœur et je suis devenu orphelin", explique Paul: "Ma mère est la neuvième victime de la rue d'Aubagne".

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