Islam de France : une concertation, des questions et des frictions

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Par Benoît FAUCHET - Paris (AFP)
Publié le 27 juin 2018 - 11:40
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La Grande mosquée de Paris le 18 mai 2018
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© Philippe LOPEZ / AFP/Archives
La Grande mosquée de Paris le 18 mai 2018
© Philippe LOPEZ / AFP/Archives

Le gouvernement vient d'annoncer le lancement d'"assises territoriales" destinées à réformer l'organisation et le financement du culte musulman: l'initiative n'est pas neuve dans le chantier au long cours de "l'islam de France", et suscite scepticisme voire critiques.

Cette "grande concertation" devra être organisée par chaque préfet "d'ici au 15 septembre" en vue d'améliorer la représentation institutionnelle du culte musulman, le financement des mosquées et la formation des imams et aumôniers, a précisé lundi le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb.

"Il est temps (...) qu'en partant de la base, du terrain, on puisse faire converger des propositions à partir desquelles le président de la République serait en mesure de prendre des initiatives fortes", avait lancé Gérard Collomb lors du repas de rupture du jeûne du ramadan du Conseil français du culte musulman (CFCM), le 12 juin.

Emmanuel Macron avait confié en février son intention de "poser les jalons de toute l'organisation" de la deuxième religion de France, forte de près de six millions de fidèles et quelque 2.500 lieux de culte.

- Une histoire de près de vingt ans -

L'initiative du gouvernement rappelle l'"istichara" ("consultation" en arabe) lancée en 1999 par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l'Intérieur.

C'est sur cette base que naîtront en 2003 - Nicolas Sarkozy est alors installé place Beauvau -, le Conseil français du culte musulman (CFCM) et ses déclinaisons régionales, les CRCM, instances élues et considérées comme représentatives par les pouvoirs publics.

En 2015, alors que la France est frappée par une vague d'attentats jihadistes sans précédent, le gouvernement fait le constat des faiblesses du CFCM, sans moyens ni efficacité pour opposer des contre-discours à la radicalisation. Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve lance une "instance de dialogue" qui réunit place Beauvau un large panel de musulmans, salafistes exceptés. Trois "instances" se sont tenues jusqu'à fin 2016.

Gérard Collomb n'a pas caché que ses "assises" s'inscrivaient "dans la continuité" des "instances de dialogue". Différence notable: elles se dérouleront non pas au niveau national mais dans les départements, où les préfets sont priés d'identifier des "acteurs de terrain", dont des voix "plus jeunes et plus féminines" que les habituels gestionnaires de mosquées.

- Et une, et deux, et trois consultations ? -

Le gouvernement n'est pas le seul à lancer une consultation des musulmans. Il a été devancé par Marwan Muhammad, ancien directeur du très militant Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), qui a mené une "grande consultation", revendiquant 24.000 réponses en ligne et la rencontre de 2.600 personnes sur le terrain pendant cinq semaines. Il doit en annoncer les résultats "début septembre".

Cette initiative d'un activiste considéré par ses détracteurs comme proche de l'islam politique des Frères musulmans ressemble à une pierre dans le jardin du CFCM. Un CFCM qui annonce lui aussi depuis des semaines le lancement de sa propre consultation, sans l'avoir concrétisée à ce jour.

"Le ministère de l'Intérieur annonce des assises pour se positionner contre la consultation de Marwan Muhammad", analyse le président du CFCM, Ahmet Ogras. "Nous, nous avons notre propre agenda, pas médiatique ni politique".

- Critiques tous azimuts -

Sans surprise, les "assises" de Gérard Collomb ont été vivement critiquées par Marwan Muhammad: "Qu'on laisse enfin les musulmans en paix" et "s'organiser par eux-mêmes", a-t-il tweeté.

"On constate encore une fois que l'initiative ne vient pas du CFCM mais de l'Etat. C'est donc que sans l'Etat, le CFCM n'y arrive pas", a déploré de son côté un bon connaisseur du dossier "islam de France" sous couvert d'anonymat. En regrettant que la circulaire ministérielle envoyée aux préfets "abandonne en creux" la piste d'une formation publique en théologie islamique à Strasbourg, souhaitée par plusieurs spécialistes pour mieux former les cadres musulmans.

"Nous participerons aux assises, mais si nous ne sommes pas d'accord avec ce qui s'y fait, nous en sortirons", prévient pour sa part Abdallah Zekri, délégué général du CFCM. Lequel assure que le CFCM est au travail: pour preuve, assure-t-il, les statuts de l'association cultuelle qui doit voir converger demain de nouvelles ressources financières (halal, pèlerinage...) seront publiés cet été, après de longs mois de tergiversations.

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