L'affaire Grégory, une histoire sans fin ?

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Par Olivier DEVOS - Dijon (AFP)
Publié le 15 juin 2018 - 13:03
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Christine et Jean-Marie Villemin, les parents du petit Grégory, assis dans leur salle à manger devant un portrait de leur fils, le 23 novembre 1984
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© ERIC FEFERBERG / AFP/Archives
Un an après des arrestations retentissantes, l'annulation des mises en examen des époux Jacob et de Murielle Bolle a mis un coup de frein à l'affaire Grégory. Pour leurs avocats, la justice s'est une nouvelle fois fourvoyée, là où l'accusation ne voit qu'
© ERIC FEFERBERG / AFP/Archives

Un an après des arrestations retentissantes, l'annulation des mises en examen des époux Jacob et de Murielle Bolle a mis un coup de frein à l'affaire Grégory. Pour leurs avocats, la justice s'est une nouvelle fois fourvoyée, là où l'accusation ne voit qu'un contretemps.

Ce feuilleton judiciaire vieux de trois décennies a été relancé en juin 2017 quand les époux Jacob, jamais inquiétés auparavant, et Murielle Bolle, témoin clé jusqu'alors, ont été mis en cause pour le rapt mortel de l'enfant de quatre ans, le 16 octobre 1984 dans les Vosges.

Énième coup de théâtre le 16 mai dernier. Les magistrats de la chambre de l'instruction de Dijon annulaient leurs mises en examen, après avoir déjà autorisé les suspects à rentrer chez eux. Une décision "sur la procédure, uniquement sur la procédure", souligne le procureur général de la Cour d'appel de Dijon, Jean-Jacques Bosc.

Les juges ont notamment considéré que les mises en examen auraient dû être prononcées collégialement par la chambre de l'instruction et non par sa seule présidente.

"C'est un contretemps qui ne déstabilise pas le dossier", insiste le procureur général. Il demandera de nouvelles mises en examen mais attend le résultat d'un pourvoi en cassation déposé par les avocats de Murielle Bolle, qui demandent l'annulation de sa garde à vue en 1984.

Interrogée par les gendarmes à l'âge de 15 ans, celle-ci avait accusé son beau-frère Bernard Laroche d'avoir enlevé Grégory, avant de se rétracter. Ce dernier avait été incarcéré puis relâché, avant d'être tué d'un coup de fusil par son cousin Jean-Marie Villemin, le père de l'enfant, en 1985.

- "La piste Bolle est anéantie" -

A 48 ans, Murielle Bolle est désormais soupçonnée par les enquêteurs d'avoir bel et bien participé à l'enlèvement. Son revirement en 1984 s'expliquerait par des violences familiales qu'elle aurait subies et qu'elle conteste.

Le témoignage décisif et tardif d'un cousin, qui affirme avoir assisté à ces violences, "est contredit par les déclarations de sa mère", indique l'un des avocats de Mme Bolle, Me Christophe Ballorin. Pour lui, "il n'y a plus les indices graves et concordants" qui pourraient justifier une nouvelle mise en examen de sa cliente.

"La piste Bolle est anéantie", conclut-il, affirmant que "le dossier n'a pas avancé d'un centimètre" depuis bientôt 34 ans. "L'accusation a peut-être pu se fourvoyer légitimement" il y a un an, "mais aujourd'hui on n'a plus le droit de faire la même erreur."

En juin dernier, les enquêteurs avaient mis en avant de nouvelles expertises en écriture et une nouvelle analyse du dossier à l'aide d'un logiciel de la gendarmerie, Anacrim, pour étayer l'hypothèse d'un acte collectif.

Bernard Laroche aurait ainsi enlevé l'enfant, avec Murielle Bolle dans sa voiture, pour le remettre à Marcel et Jacqueline Jacob. Ce couple de septuagénaires, grand-oncle et grand-tante du garçonnet, est aussi soupçonné d'avoir été des "corbeaux", à l'origine de plusieurs lettres anonymes bien renseignées au cœur de l'intrigue. Accusations qu'ils rejettent en bloc.

Leurs avocats brandissent un alibi: les Jacob étaient, disent-ils, au travail au moment des faits. Leur emploi du temps "a été vérifié il y a plus de 30 ans" par les enquêteurs, martèle Me Frédéric Berna, l'un des conseils de Jacqueline Jacob.

- L'enquête continue -

"Il y a eu depuis de nouvelles vérifications qui ont encore renforcé cet alibi", ajoute-t-il en déplorant des mises en examen réalisées "30 ans après, sans aucun élément nouveau". Aujourd'hui, "il ne reste rien de solide, que des approximations".

Mais pour l'accusation, l'enquête suit son cours et cet alibi, "vérifié sommairement" en 1984, est loin d'être démontré.

"Je crois que nous avons des éléments tangibles et sérieux", affirme Me Thierry Moser, conseil historique des époux Villemin, les parents de Grégory, qui espère un renvoi des mis en cause, d'ici deux ans, devant une juridiction de jugement.

"Le dossier n'est pas paralysé, pas endormi, les investigations continuent, peut-être à un rythme un peu moins élevé", poursuit le conseil, pour qui l'annulation des mises en examen est "une simple péripétie procédurale, facile à régulariser".

C'est loin d'être la première. La plus spectaculaire était intervenue en juillet 1985 après la mort de Bernard Laroche, quand le juge Jean-Michel Lambert avait reporté ses soupçons sur la mère de Grégory, Christine Villemin, finalement innocentée en 1993.

Ce magistrat s'est donné la mort en juillet dernier alors que l'affaire faisait à nouveau la Une des journaux. Un drame de plus dans cette affaire que les progrès scientifiques, et des centaines de comparaisons d'ADN, n'ont pas permis de résoudre.

Mais le procureur général Bosc veut aller au bout. "Il s'agit du meurtre d'un enfant. Tant qu'il y aura des éléments à vérifier qui pourraient permettre d'identifier les auteurs, il faut les exploiter."

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