Le Femina couronne "le justicier" Philippe Jaenada pour "La serpe"

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Par AFP
Publié le 08 novembre 2017 - 16:12
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Philippe Jaenada, le 8 novembre 2017 à Manosque
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© JOEL SAGET / AFP
Philippe Jaenada, le 8 novembre 2017 à Manosque
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Une injustice est réparée. Philippe Jaenada, l'écrivain régulièrement salué par la critique mais systématiquement oublié des prix littéraires, a enfin reçu mercredi l'un des plus convoités, le Femina, pour "La Serpe" (Julliard), livre sombre et plein d'empathie.

"Je suis profondément touché. A l'extérieur, ça ne se voit pas mais à l'intérieur, je frétille, je sautille, je galope, je bondis... C'est un grand plaisir", a réagi Philippe Jaenada en recevant son prix.

Le romancier, âgé de 53 ans, a été choisi par le jury, exclusivement féminin, au 5e tour de scrutin par six voix contre quatre à Véronique Olmi ("Bakhita", Albin Michel), déjà finaliste malheureuse du Goncourt lundi.

Le jeune romancier franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy, auteur de "Sucre noir" (Rivages) "a également obtenu des voix", a précisé Danièle Sallenave, la présidente du jury Femina (et par ailleurs membre de l'Académie française).

Le Femina étranger a été attribué au romancier américain John Edgar Wideman, 76 ans, pour "Écrire pour sauver une vie, le dossier Louis Till" (Gallimard), récit basé sur un fait divers raciste survenu aux États-Unis en 1955 tandis que le Femina essai a été décerné à Jean-Luc Coatalem, 58 ans, pour "Mes pas vont ailleurs" (Stock) qui revient sur la figure de l'écrivain voyageur Victor Segalen.

Pour la première fois, le Femina a remis un prix spécial pour l'ensemble de son œuvre attribué à Françoise Héritier, qui vient de publier "Au gré des jours" (Odile Jacob).

Jaenada reste en lice pour le Goncourt des lycéens et le prix Interallié.

Après "La petite femelle", son précédent roman où l'écrivain-justicier réhabilitait Pauline Dubuisson, condamnée lourdement en 1953 pour le meurtre de son petit ami sans bénéficier de circonstances atténuantes, Philippe Jaenada s'intéresse dans son nouveau roman à un triple meurtre particulièrement sordide commis à coups de serpe dans un château de Dordogne en octobre 1941.

De prime abord, l'affaire semble limpide. Le criminel ne peut être que le fils de famille dévoyé, un certain Henri Girard. Est-ce si sûr? Contre toute attente, Henri Girard sera acquitté lors de son procès en 1943. Mais le soupçon lui collera toujours à la peau. Même acquitté, ce type "antipathique" était forcément coupable du meurtre atroce de son père, de sa tante et de la bonne.

- 'Le salaire de la peur' -

A peine blanchi des trois crimes qu'on lui reprochait, Henri Girard dilapide l'héritage familial. Il s'embarque pour l'Amérique du Sud d'où il reviendra miséreux, sans dents, mais avec un manuscrit, "Le salaire de la peur", qu'il publiera sous le nom de Georges Arnaud. Le livre sera adapté au cinéma par Henri-Georges Clouzot.

Girard/Arnaud passera le reste de sa vie (il est mort en 1987) à lutter contre toutes les injustices et notamment contre la vétusté des prisons.

"Je ne veux pas devenir le sauveur des causes perdues", confiait récemment à l'AFP l'écrivain. N'empêche, confiez une enquête à Jaenada et vous connaîtrez enfin la vérité.

Comme à son habitude l'écrivain s'est littéralement plongé dans les archives de l'époque, il s'est rendu sur les lieux du crime, a payé de sa personne pour se convaincre et convaincre ses lecteurs que finalement oui Henri Girard/Georges Arnaud était bien innocent du crime dont on l'a accusé.

Le roman fait 650 pages mais se lit avec une facilité inouïe tant Jaenada sait subjuguer ses lecteurs.

A la fin de son récit, l'écrivain nous met sur la piste du probable coupable mais qu'on ne compte pas sur lui pour lancer des accusations hâtives.

Philippe Jaenada, physique d'ours et cœur d'artichaut, parsème son texte de ses fameuses digressions (souvent hilarantes) racontant ce qui se passe pendant son enquête (voyant lumineux inquiétant sur le tableau de bord de la voiture de location, incompréhension mutuelle avec une serveuse dans un restaurant chinois de Périgueux, allusions pleines de tendresse à sa femme Anne-Catherine et à son fils Ernest...).

En épluchant les archives, l'écrivain a découvert les lettres bouleversantes entre Henri Girard et son père. Le roman sombre devient lumineux et se transforme en ode à l'amour paternel et filial.

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