Les familles de l'école musulmane d'Echirolles espèrent encore son maintien

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Par Odile DUPERRY - Échirolles (AFP)
Publié le 01 mai 2019 - 12:56
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Une femme se tient devant le portail de l'école musulmane Philippe-Grenier, à Echirolles, près de Grenoble, le 30 avril 2019
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© JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP
Une femme se tient devant le portail de l'école musulmane Philippe-Grenier, à Echirolles, près de Grenoble, le 30 avril 2019
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"M. Blanquer n'a qu'à venir voir lui-même"... "une visite de M. Blanquer, ce serait bien" : à l'école musulmane Philippe Grenier d'Echirolles (Isère), en plein bras-de-fer avec le ministre de l'Education nationale, parents et institutrices espèrent encore le convaincre de renoncer à la fermeture.

L'école hors contrat accueille depuis 2016 110 enfants en maternelle et élémentaire. En février, le tribunal correctionnel de Grenoble a prononcé sa fermeture, pour manquements éducatifs. Le parquet l'avait qualifiée de "nocive", porteuse "d'obscurantisme" et pratiquant "le lavage de cerveau".

Sur le même site que la mosquée, elle fonctionne toujours, en attendant le procès en appel le 1er juillet, mais les familles ont été mises en demeure de rescolariser leurs enfants ailleurs.

La situation s'est tendue cette semaine : l'école veut porter plainte pour diffamation contre Jean-Michel Blanquer, pour l'avoir décrite comme "d'inspiration salafiste". En retour, le ministre a affirmé que les enfants seraient rescolarisés "dès cette semaine".

Comme de nombreux parents, Imène, 35 ans, ne souhaite pas obtempérer avant la fin de l'année scolaire, explique-t-elle devant l'école où cavalent les enfants.

- "Le problème, c'est la ZEP" -

"J'ai une licence de droit; j'ai étudié le commerce. Mes enfants ne seraient pas ici si je n'étais pas sûre du programme", relève la jeune femme, qui gère une entreprise de bâtiment avec son mari.

L'enseignement coranique, remarque-t-elle, "transmet mes valeurs aux enfants: respect de l'autre, honnêteté, excellence, bienveillance...". "S'il y avait plus d'écoles comme celle-ci, moins de personnes commettraient des attentats, car elles comprendraient que ça ne fait pas partie de la religion", s'avance-t-elle.

Assia, 40 ans, dont le visage doux tranche avec la tenue noire, "n'a rien contre le public". "Le problème, c'est que nous habitons en ZEP", relève-t-elle. Si son plus jeune fils est scolarisé à l'école, sa fille, plus âgée, est elle dans un collège privé catholique de Grenoble.

Aurelia, 36 ans, qui assure le secrétariat de l'école, doit trouver un collège pour accueillir l'an prochain sa fille, actuellement en CM2. Ce sera probablement un autre établissement catholique.

Vincent Bove, 61 ans, et Monique, 64 ans, commerciale dans l'aéronautique, ont chacun un fils converti à l'islam, et viennent chercher leurs petits-fils. "Le gamin avance bien", remarque Vincent.

Monique, très maîtresse-femme, assure qu'elle n'aurait jamais laissé son fils maintenir les enfants dans l'école "si ce qu'on dit était vrai", et souligne l'avantage des classes à très petits effectifs.

Elle n'est toujours pas revenue d'entendre un des enfants lui annoncer : "Mamoune, hier on a appris les valeurs de la République!". "Mamoune" ne s'autorise d'ailleurs plus le moindre écart de langage devant eux, "car dans cette école, même +punaise!+ est un gros mot", sourit-elle.

- "L'eau a coulé sous les ponts" -

Les salles de classe, que l'AFP a vues, ne ressemblent pas à la façade jaune délavé. Meublées, selon la direction, grâce à du mobilier scolaire acheté aux enchères sur internet, elles sont pimpantes.

Peintures vives, bureaux ordonnés, les dessins d'enfants côtoient au mur, comme dans n'importe quelle école, des tableaux d'apprentissage colorés pour les sons, les nombres, les mots (ici en arabe), les conjugaisons, ou des planches d'exposés sur le Japon, la devise "liberté-égalité-fraternité" ou encore la laïcité.

Les enseignantes sont voilées sauf le professeur d'arabe, Dalila. Elles annoncent toutes un niveau bac+5, et défendent le sérieux de leur enseignement. "Je me base sur le manuel Nathan; je n'improvise pas", assure ainsi Aya, maîtresse en petite section de maternelle.

Discrètes au premier procès, qui reposait sur des inspections de 2017, quand la plupart d'entre elles n'étaient pas encore en poste, elles voudraient pouvoir expliquer en appel que "l'eau a coulé sous les ponts", remarque Salwaa, 29 ans.

Elles reconnaissent qu'il peut y avoir "des lacunes", "des imperfections". Et la direction a reconnu devant l'AFP faire l'objet de poursuites pour non-paiement des cotisations d'URSSAF. Mais Marie Ali, la maîtresse de CM2, espère encore timidement qu'on "laissera l'école faire ses preuves".

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