Peter Brook l'infatigable, de nouveau à l'assaut de la scène

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Par Rana MOUSSAOUI - Paris (AFP)
Publié le 04 mars 2018 - 11:56
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Peter Brook le 27 février 2018 au théatre des Bouffes du Nord où se jouera à partir du 6 mars sa nouvelle pièce "The Prisoner"
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© Lionel BONAVENTURE / AFP
Peter Brook le 27 février 2018 au théatre des Bouffes du Nord où se jouera à partir du 6 mars sa nouvelle pièce "The Prisoner"
© Lionel BONAVENTURE / AFP

A l'image de son chef-d'oeuvre le "Mahabharata", la carrière de Peter Brook ressemble à une épopée: à 92 ans, le légendaire maître de théâtre britannique présente une nouvelle pièce inspirée d'un vieux voyage en Afghanistan.

Où va-t-il chercher toute cette énergie ? "J'aimerais moi-même le savoir" plaisante-t-il, en recevant l'AFP dans son appartement à Paris, où il vit depuis les années 70.

L'artiste iconoclaste a monté plus de 100 pièces et développé la théorie de l'espace vide qui laisse libre cours à l'imagination du public et qui est considérée comme une "bible" pour les amoureux du théâtre avant-gardiste.

Il y a deux ans, avec "Battlefield" - une suite du "Mahabharata" basé sur le grand poème indien -, on aurait pu croire que le grand metteur en scène tirait sa révérence.

Mais les questions existentielles humaines le hantent encore: après la guerre, la mort, la justice, il explore la rédemption dans "The Prisoner", présentée à partir de mardi au théâtre parisien des Bouffes du Nord qu'il a dirigé pendant des décennies.

"Les gens me suggèrent tout le temps ce que je dois faire comme nouvelle pièce", dit-il d'une voix frêle.

"Comme pour le Mahabharata, (l'idée) s'est faufilée, je ne suis pas allé à la recherche de quelque chose", affirme l'homme aux yeux d'un bleu perçant qui a monté la pièce avec sa collaboratrice de longue date Marie-Hélène Estienne.

- 'Purifié' -

Cette fois-ci, c'est le souvenir d'un voyage en Afghanistan avant l'invasion soviétique (en 1979) qui l'a rattrapé.

"The Prisoner" met en scène un jeune homme qui tue son père et doit subir un châtiment singulier: non pas croupir en prison, mais purger sa peine en faisant face à sa geôle.

Peter Brook affirme que cette histoire vraie lui a été racontée en Afghanistan par un maître soufi qui avait suggéré à un juge une punition autre que l'incarcération.

"Tout dépendait du fait que le jeune homme reconnaisse la nécessité d'être puni afin d'être purifié. Graduellement, en faisant face à la prison, il faisait face à ce qu'il était vraiment", explique Peter Brook qui a rencontré le vrai prisonnier concerné.

"Nous ne nous sommes pas parlés mais j'ai vu dans ses yeux qu'un processus était en cours".

Peter Brook renoue ici non seulement avec un souvenir mais avec un maître à penser: Georges Gurdjieff, ce mystique influent du début du XXe siècle qui préconisait un travail de méditation permettant à l'homme de passer à un état supérieur de conscience.

"A l'ONU, ils se réunissent et cela aboutit à un drôle de mot: une résolution. Alors que rien n'est réglé, tout le monde rentre chez soi en ayant bonne conscience", dit Peter Brook. "Ce prisonnier n'a pas droit à ça, il doit vivre avec la réalité".

La pièce résonne avec une autre oeuvre de Brook, "Tierno Bokar" (2004), du nom d'un mystique et soufi malien du XXe siècle qui prônait l'amour universel.

- 'Tendance à prêcher' -

Peter Brook, qui a perdu en 2015 celle qui a été son épouse pendant 64 ans, l'actrice Natasha Parry, espère insuffler de l'espoir, "quelque chose de plus fort que le désespoir, la maladie, l'horreur, comme ce qu'on voit par exemple dans les infos, en Syrie".

Entend-il pour autant "prêcher" un nouveau modèle de sanctions ? Le mot "prêcher" le hérisse. "Certains journalistes viennent me demander +alors, vous pensez pouvoir changer le monde ?+ Cela me fait rire. Je n'ai jamais eu cette prétention, c'est ridicule".

Il a toujours refusé de faire du théâtre engagé, préférant un théâtre qui invite à la réflexion ou à la spiritualité, que ce soit avec des pièces shakespeariennes ou des adaptations comme Carmen.

"Il y a toujours une tendance à prêcher, Trump en est le meilleur exemple, celui d'un homme qui prêche tout le temps, sans se rendre compte qu'il doit se regarder lui-même". "Il se prend pour Dieu Tout-puissant. C'est lui qui doit être ce prisonnier et se regarder soi-même", ajoute-t-il.

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