Repenti à la française : des failles malgré un premier test judiciaire réussi

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Par Pauline TALAGRAND - Paris (AFP)
Publié le 29 mars 2018 - 15:58
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"Sous-utilisé" et affaibli par "des lacunes préjudiciables": le statut de repenti à la française doit bénéficier "d'une amélioration législative" afin de briser davantage l'omerta dans les affaires criminelles, estime le haut magistrat qui chapeaute ce dispositif.

Si cet outil importé des États-Unis et d'Italie peut s'avérer redoutablement efficace, les textes actuels sont "un frein puissant" à sa généralisation en France, écrit Bruno Sturlèse, président de la Commission nationale de protection et de réinsertion des repentis, dans un courrier adressé le 9 février aux ministres de la Justice et de l'Intérieur et consulté jeudi par l'AFP.

Créé en 2004 par la loi Perben, ce statut a passé son premier test judiciaire en mars devant les assises d'Aix-en-Provence pour le procès de l'assassinat en bande organisée d'Antoine Nivaggioni en octobre 2010 à Ajaccio.

Le nombre de "programmes" ouverts est confidentiel mais, de source proche du dossier, ils sont toutefois moins d'une dizaine à avoir obtenu la protection de l'État en échange d'informations.

Ce statut, qui vise à lutter contre "le haut du spectre" de la criminalité organisée, "est sous-utilisé", déplore Bruno Sturlèse dans son courrier à Nicole Belloubet et Gérard Collomb. "Plus préoccupantes, sont les lacunes préjudiciables voire incompréhensibles dans le contexte actuel", juge l'avocat général à la Cour de cassation, rappelant que "certaines infractions particulièrement graves" sont exclues du dispositif en vertu de limites légales.

Une personne impliquée dans un acte ayant abouti à la mort ou à l'infirmité permanente d'une victime ne peut ainsi pas prétendre au statut de repenti.

"Nous y travaillons actuellement et la Chancellerie doit rencontrer M. Sturlèse très prochainement", a déclaré à l'AFP le porte-parole du ministère de la Justice, Youssef Badr.

Financé par l'argent du crime confisqué par la justice, ce dispositif "d'exception" permet au repenti, voire aux membres de sa famille, de bénéficier d'une identité d'emprunt, d'une protection policière, d'une aide financière qui diminue au fil des années et d'exemptions ou de remises de peine. Depuis la loi antiterroriste de juin 2016, il a été élargi aux témoins.

Pour en bénéficier, la personne doit consentir à une "certaine mort sociale", "être solide au vu des lourds moyens affectés" et pouvoir donner des informations qui apporteront une "véritable plus-value judiciaire", explique un haut responsable de la lutte contre la criminalité.

C'est le Bureau de protection des repentis (BPR) du Service interministériel d'assistance technique (Siat) qui se charge d'évaluer la fiabilité des informations mais aussi de protéger ces personnes "en danger de mort". "Un service qui n'a rien à envier au +Bureau des légendes+ (série d'espionnage sur les services secrets français, ndlr)", explique une source policière.

- "Bon signal" -

Depuis l'envoi de ce courrier, ce dispositif a passé son épreuve du feu judiciaire "avec brio", estiment des sources proches du dossier.

Le 3 mars, la cour d'assises d'Aix-en-Provence a condamné à trente ans de réclusion criminelle Éric Coppolani pour l'assassinat en bande organisée d'Antoine Nivaggioni en octobre 2010 à Ajaccio, en s'appuyant notamment sur le témoignage du premier repenti français.

Ancienne petite main de cette bande de malfaiteurs, Patrick Giovannoni --qui avait obtenu le statut de repenti dans une autre affaire-- a été condamné à 5 ans de prison avec sursis pour complicité d'assassinat.

"C'est un bon signal envoyé aux praticiens mais aussi aux criminels aspirant à un changement de vie, qui ont la preuve qu'il est possible de survivre en dehors des groupes criminels", estime le haut responsable de la lutte anti-criminalité, convaincu que "ce premier procès va délier les langues".

"Les magistrats qui hésitent à se lancer ont eu la preuve que la parole d'un repenti peut déboucher sur une vérité judiciaire. Le repenti est arrivé vivant au procès, a su résister au choc des assises et a démontré qu'il était sorti de la logique criminelle", se félicite cette source.

Avant d'admettre: "Si le repenti avait été tué avant son procès, c'était tout la crédibilité du programme qui s'effondrait". Il a fallu attendre octobre 2017 pour punir de 5 ans de prison le fait de révéler tout élément permettant l'identification ou la localisation d'un repenti. La peine est portée à 10 ans si cette révélation a pour conséquence la mort de cette personne ou de ses proches.

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