Très critiqués, les tests osseux pour les jeunes migrants jugés constitutionnels

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Par Caroline TAIX - Paris (AFP)
Publié le 21 mars 2019 - 21:24
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Des jeunes migrants dans un centre de Médecins sans Frontières, le 3 juillet 2018 à Pantin, près de Paris
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© Christophe ARCHAMBAULT / AFP/Archives
Des jeunes migrants dans un centre de Médecins sans Frontières, le 3 juillet 2018 à Pantin, près de Paris
© Christophe ARCHAMBAULT / AFP/Archives

Le Conseil constitutionnel a validé jeudi les examens osseux réalisés sur les jeunes migrants pour déterminer s'ils sont mineurs ou majeurs, suscitant la déception d'associations pour qui ces tests sont "aussi fiables qu'une boule de cristal".

Les "sages" ont admis que ces examens "peuvent comporter une marge d'erreur significative". C'est d'ailleurs l'une des principales critiques contre ces tests, car cette marge d'erreur est estimée entre dix-huit mois et trois ans.

"Un adolescent de 14 ans peut présenter une maturation osseuse d'un adulte", avait dit une avocate à l'audience, le 12 mars. Or selon le résultat du test, le jeune migrant aura droit ou non à la protection de l'Etat.

Mais les juges constitutionnels ont estimé que la loi prévoyait suffisamment de garanties. Elle impose notamment la mention de cette marge d'erreur dans les résultats des tests. De plus, selon la loi, ces examens ne peuvent à eux seuls permettre de déterminer si l'intéressé est mineur.

"Le doute profite à l'intéressé", selon le texte. "La majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux", lit-on aussi dans la décision du Conseil constitutionnel.

"Il appartient aux autorités administratives et judiciaires compétentes de donner leur plein effet à l'ensemble de ces garanties", écrivent les "sages".

A l'origine de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), un jeune Guinéen, Adama S., qui avait assuré avoir 15 ans à son arrivée en France en 2016.

Renvoyé vers le conseil départemental de l'Ain, Adama S. avait refusé de se soumettre à ces examens radiologiques. Un juge des enfants en avait déduit en 2017 qu'il n'était pas mineur et avait levé son placement auprès de l'Aide sociale à l'enfance (ASE). Le jeune homme avait fait appel en acceptant cette fois les tests osseux. En juillet, la cour d'appel de Lyon avait estimé son âge entre 20 et 30 ans et confirmé qu'il ne bénéficierait pas de l'ASE.

- "Mineurs à la rue" -

Sa défense a déposé une QPC visant l'article 388 du Code civil, qui encadre depuis 2016 le recours à ces examens radiologiques - souvent de la main ou du poignet - pour déterminer l'âge d'un jeune migrant. Des milliers de tests seraient pratiqués chaque année.

"Je ne peux être que déçue", a réagi Isabelle Zribi, l'avocate d'Adama S. auprès de l'AFP. Mais c'est "une défaite en demi-teinte", a-t-elle ajouté. Les "sages" ont donné, selon elle, "des précisions" à la loi pour en assurer une meilleure application. "Ils ont pris acte que la loi n'était pas appliquée correctement par les juges du fond", a estimé l'avocate.

Dans cette décision, le Conseil constitutionnel "consacre une exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant". Les "sages" imposent "que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge".

"Si nous n'obtenons pas l'interdiction du recours aux tests osseux, ce qui est une déception, pour autant le Conseil affirme clairement que l'intérêt supérieur de l'enfant est une exigence constitutionnelle", a réagi l'avocat de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), Patrice Spinosi. "Il demande par conséquent aux autorités judiciaires et administratives de s'assurer que le doute sur sa minorité lui profite bien", a ajouté l'avocat.

Mais la colère domine chez plusieurs ONG qui se sont associées au recours. "Ces tests osseux n'ont rien à voir avec l'intérêt supérieur de l'enfant, ils sont aussi fiables qu'une boule de cristal", et "on continuera à demander leur interdiction", a déclaré à l'AFP Clémentine Bret, référente enfance vulnérable au sein de Médecins du monde.

"On leur a démontré que les garanties très formelles prévues par la loi n'étaient pas respectées, et le Conseil constitutionnel nous dit de nous en remettre à la vigilance des juges!" s'est indigné auprès de l'AFP Jean-François Martini, du Gisti, en déplorant "une espèce de pragmatisme cynique" et une "occasion ratée".

Pourtant "il ne s'agit pas de justiciables comme les autres mais de mineurs à la rue, qui ont un accès au droit et une capacité à le faire respecter extrêmement limité", a-t-il critiqué.

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