Tristesse et amertume devant le site d'assemblage de l'A380

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Par Marisol RIFAI - Toulouse (AFP)
Publié le 14 février 2019 - 17:37
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Des pièces de l'Airbus A380 MSN 266 sur le site de construction de Blagnac, le 14 février 2019
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© REMY GABALDA / AFP
Des pièces de l'Airbus A380 MSN 266 sur le site de construction de Blagnac, le 14 février 2019
© REMY GABALDA / AFP

Amertume syndicale, salariés peu enclins à s'épancher: devant le site d'assemblage de l'A380 d'Airbus en périphérie toulousaine, l'annonce jeudi de la fin de la production de l'appareil suscite plus de regret pour la fin d'une aventure que d'inquiétude sur l'emploi.

Pressant le pas et baissant la tête devant les journalistes, des grappes d'employés sortent de la cantine: "on ne peut pas parler à la presse", finit par lâcher l'un d'eux.

Un peu plus loin, devant le Comité d'entreprise (CE) d'Airbus, les représentants syndicaux, eux, ne mâchent pas leurs mots.

"Même si la rumeur courait depuis un certain temps, tout le monde espérait un miracle", affirme à l'AFP Jean-François Knepper, délégué syndical central de Force ouvrière (FO), premier syndicat à Airbus.

Il évoque un "traumatisme, une blessure, pour l'ensemble des salariés". L'emblématique géant des airs entré en service en 2007, en bout de course faute de commandes, cessera d'être livré en 2021.

L'avionneur européen a promis que les 3.000 à 3.500 salariés concernés d'ici trois ans par la fin du programme seraient aisément reclassés en interne, mais M. Knepper reste prudent.

"On sait qu'Airbus ne manque pas de ressources et les salariés pourront être recasés", dit-il. Mais il y a "toujours une inquiétude sur l'emploi car la concurrence est féroce avec les États-Unis".

"C'est aussi un drame pour les sous-traitants, les fournisseurs, les entreprises assurant la logistique", relève le représentant FO. Le plus important pour lui, aujourd'hui, est de "faire l'autopsie de cet échec, pour que ça ne se reproduise plus".

- "Grande part d'affect" -

Pour Françoise Vallin, coordinatrice du deuxième syndicat à Airbus, la CFE-CGC (Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres), le constat est similaire.

"C'est un moment difficile et douloureux, même si ce n'est pas vraiment une surprise, car nous sentions la menace planer, à cause de la fragilité des commandes", indique-t-elle à l'AFP.

Boudé par les compagnies, le programme avait été maintenu en vie ces trois dernières années grâce à un ralentissement du rythme de production et à la bouffée d'oxygène offerte il y a un an par une nouvelle commande du principal client de l'A380, Emirates.

Mais la compagnie du Golfe a finalement décidé de réduire ses achats, douchant définitivement les espoirs de survie du plus gros avion de ligne au monde.

"Nous attendons maintenant des rencontres avec la direction pour mesurer les conséquences sociales", explique Mme Vallin.

Elle se dit toutefois "confiante sur la bonne santé d'autres programmes devant permettre de redéployer les salariés, en France en tout cas". Même si, "en Espagne ou en Angleterre ce sera peut-être différent".

Sur un parking du site, Jean-Luc se dit "triste comme tout le monde aujourd'hui" même s'il n'est pas directement concerné par cette production.

"Les employés d'Airbus sont attachés aux avions, il y a une grande part d'affect dans notre travail", lance-t-il avant de poursuivre rapidement vers les installations de l'avionneur.

Du côté des acteurs institutionnels régionaux, on accuse aussi le coup.

"Je regrette beaucoup que le marché n'ait pas été pas au rendez-vous de tout ce qui avait été conçu, réfléchi, préparé, et qui a demandé un investissement considérable", a souligné lors d'une réunion municipale le maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole, Jean-Luc Moudenc.

L'Etat et les collectivités locales avaient aidé à l'envol de l'A380, avec notamment le grand chantier de 250 km d'itinéraire routier à grand gabarit (IGG), lancé en 2002 pour permettre à l'avionneur d'acheminer les pièces.

Mais M. Moudenc s'est aussi voulu rassurant sur l'impact social: "j'ai une pensée pour ceux qui travaillent sur cette chaîne, mais nous savons que la surface du groupe Airbus lui permet de proposer des repositionnements et redéploiements sur d'autres chaînes de fabrication".

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