Comment la police a sifflé la fin de partie du référendum en Catalogne

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Par AFP
Publié le 01 octobre 2017 - 16:53
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La garde civile espagnole près d'un bureau de vote à San Julia de Ramis, le 1er octobre 2017
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© LLUIS GENE / AFP
La garde civile espagnole près d'un bureau de vote à San Julia de Ramis, le 1er octobre 2017
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Les nuages se faisaient plus lourds sur Barcelone et les hélicoptères dans le ciel plus nombreux, quand les policiers anti-émeutes ont saisi des urnes et chargé des manifestants qui voulaient voter lors d'un référendum interdit sur l'indépendance de la Catalogne.

Vers 10H00 du matin (08H00 GMT) des tirs de sommation puis des tirs de balles de caoutchouc ont claqué dans la ville, marquant un changement de climat brutal.

La journée avait commencé par d'importants rassemblements de militants qui voulaient "défendre" ce référendum. Des centaines de Barcelonais se rassemblaient devant les bureaux de vote, croisant des fêtards tardifs en talons aiguilles ou une canette à la main.

L'exécutif régional avait préparé en secret pendant presque quatre semaines ce scrutin interdit par la Cour constitutionnelle, ignorant les avertissements du gouvernement de Mariano Rajoy.

A l'aube, de Gérone à Barcelone, et de Manresa à Figueras, des milliers de Catalans lançaient ainsi un défi sans précédent à l'Etat espagnol.

"Votarem", (nous voterons) : c'était leur cri de ralliement.

Face à la passivité de la police catalane, les Mossos d'Esquadra, déchirée entre l'obéissance à l'Etat central et ses liens avec la population, la police nationale et la Garde civile sont passées à l'action.

A Barcelone et, symbole oblige, à Gérone, le bastion du président indépendantiste Carles Puigdemont, à une centaine de kilomètres au nord.

La Garde civile a encerclé le centre sportif où il devait voter, repoussant la foule non sans bousculades, puis elle a forcé les portes pour saisir les urnes, devant des militants qui entonnaient un hymne de la résistance antifranquiste, l'Estaca, le poing levé, selon des images de l'AFP.

- Hymne catalan -

Au même moment à Barcelone, Marc Carrasco, 52 ans, en charge du bureau de vote Ramon Llull, racontait nerveusement la scène qu'il venait de vivre.

"Ils ont emporté six ou sept urnes... Ils sont entrés en défonçant la porte... Nous étions à l'intérieur en chantant l'hymne catalan et nous entendions des coups très violents sur la porte".

"Ils ont pris les urnes par la force... et ils les arrachaient littéralement pendant que nous continuions à chanter "Els Segadors", l'hymne catalan, et à crier Vive la Démocratie", a-t-il ajouté.

En sortant, les policiers se sont trouvés face à plusieurs centaines de militants assis qui leur ont coupé la route, et ils ont chargé, selon des témoins.

Ils ont tenté de les disperser par des tirs de sommation "mais comme ils ont vu que cela ne faisait rien, ils ont utilisé ça", a déclaré à l'AFP Jon Marauri, un secouriste de 22 ans, en montrant des balles en caoutchouc.

Selon lui la rue, aux abords du centre, était pleine de gens, environ 500 personnes.

- Piqué a voté -

Un témoin, David Pujol, 37 ans, a montré une blessure à la jambe reçue au cours de cet affrontement et une journaliste de l'AFP a vu un deuxième blessé dans une ambulance.

"Nous étions en train d'aider un gars qui était blessé ici et à ce moment la police a de nouveau tiré des balles de caoutchouc et j'ai été blessé à la jambe", a-t-il raconté.

Les services d'urgence régionaux disent avoir assisté 38 blessés. Le ministère de l'Intérieur a annoncé 11 blessés parmi les forces de l'ordre.

"Je me sens très fâché, ce n'est pas normal dans une démocratie", a déclaré David Pujol, venu de l'île de Majorque.

Vers 11H00 (09h00 GMT), Carles Puigdemont dénonçait la "violence injustifiée" de l'Etat espagnol.

"L'usage injustifié de la violence, irrationnel et irresponsable, de la part de l'Etat espagnol, n'arrête pas la volonté des Catalans", a-t-il déclaré. Ses services ont affirmé que 73% des bureaux de restaient ouverts.

Gerard Piqué, joueur-star du FC Barcelone, a voté, et l'a fait savoir sur Twitter.

Aux abords du campus d'un lycée professionnel où des centaines de Barcelonais de tous âges continuaient à voter, des manifestants ont dressé une barricade de grillages, de palettes en bois et de sacs de ciment.

"Je ne pensais pas voter, mais maintenant je vais voter oui à l'indépendance", commentait Gema Martinez, une laborantine âgée de 49 ans.

Pendant ce temps, bien loin de là, dans le village très indépendantiste de Llado, à 143 km au nord de Barcelone, la matinée a été ponctuée de fausses alertes: "les gardes civils approchent", "les gardes civils se sont éloignés"…

Aussitôt, les électeurs empochaient leur bulletin, l'urne était escamotée et chacun s'asseyait sur le carrelage du bureau de vote, attendant les forces de l'ordre et laissant en suspens toutes les activités festives arrosées de chocolat chaud…

"C'était une fête de la démocratie mais ils sont résolus à l'empêcher", commentait le maire de cette commune rurale aux 800 habitants, Joaquim Tremoleda, archéologue et membre du parti indépendantiste de gauche ERC.

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