Crise au Soudan : l'armée traversée par d'importants débats internes

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Par AFP - Paris
Publié le 08 avril 2019 - 15:57
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Des manifestants soudanais rassemblés devant le quartier général de l'armée, le 8 avril 2019 à Khartoum
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Des manifestants soudanais rassemblés devant le quartier général de l'armée, le 8 avril 2019 à Khartoum
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L'armée soudanaise, qui n'est pas directement intervenue depuis le début de la contestation au Soudan en décembre, est "traversée par d'importants débats internes", mais rien ne dit encore qu'elle basculera du côté des manifestants, estime le chercheur Roland Marchal, spécialiste des conflits en Afrique.

Q - Des milliers de manifestants sont rassemblés depuis trois jours devant le QG de l'armée à Khartoum et réclament le soutien des militaires. Que peut-il se passer?

R - "Il y a d'importants débats au sein de l'armée. Les échelons supérieurs ont été nommés par le président Omar el-Béchir. Mais ce sont aussi des officiers qui ont des familles. Or l'élément déclencheur de la crise actuelle c'est la situation économique.

Il y a des débats aussi sur la corruption du régime, sur la situation personnelle de Béchir, sur l'intervention au Yémen: Khartoum a envoyé des troupes, des paramilitaires de la Force de soutien rapide, qui sont certes contrôlés par l'armée, mais qui ne sont pas l'armée. Il y a des sentiments corporatistes.

Il y a eu le 22 février le limogeage de Bakri Hassan Saleh (vice-président, proche de Béchir, il avait participé au coup d'Etat militaire qui a porté ce dernier au pouvoir en 1989, ndlr). Il était perçu comme le grand représentant de l'armée depuis 1989.

Et puis il y a également la question des groupes armés en périphérie; les mouvements darfouri (du Darfour, province de l'ouest du Soudan, ndlr) impliqués en Libye, ce qui se passe au Sud-Soudan... et donc de nombreuses questions sur ce que vont faire les pays voisins, quel est leur jeu?

Mais cela ne veut pas dire que l'armée va forcément basculer du côté des manifestants".

Q - Le Soudan est-il à un tournant?

R - "C'est peut être un tournant car la question du départ de Béchir est ouvertement posée. Mais de là à espérer qu'on va aller rapidement à des élections démocratiques...

Les manifestants ne sont pas structurés politiquement. Les gens sont très mécontents mais ça ne suffit pas. L'offre politique de l'opposition est très faible. Et les islamistes sont en position d'accusés mais ils restent très forts et très implantés socialement.

Il n'en reste pas moins que le gouvernement a un choix très limité dans cette crise.

Tirer dans le tas? Les gens qui manifestent sont aussi les enfants du régime. Et une répression sanglante ferait réagir. L'UE, par exemple, serait forcée de sortir de son silence. Jusqu'à présent, elle a eu une position très prudente, car elle craint le chaos, les migrations, l'islamisme radical... et le Soudan de Béchir, au moins, on le connaît. On ne l'aime pas mais c'est une relation sans surprise".

Q - Peut-on dresser un parallèle entre ce qui se passe en Algérie et au Soudan?

R - "Ce sont deux régimes très différents. (Abdelaziz) Bouteflika, c'était un peu le président d'un conseil d'administration composé de plusieurs intérêts, de factions commerçantes, militaires... Au Soudan, c'est beaucoup plus monolithique et vertical.

En Algérie, on avait un dirigeant vieux et malade qui a fait son temps. Béchir (né en 1944) est plus jeune que Bouteflika (83 ans).

Mais il est vrai que les manifestants soudanais veulent s'inspirer de la maturité politique dont font preuve les Algériens".

Propos recueillis par Cécile FEUILLATRE

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