Haïti : nouveaux pillages, les contestataires appellent à la grève

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Par Amelie BARON - Port-au-Prince (AFP)
Publié le 08 juillet 2018 - 21:47
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Des voitures carbonisées à Delmas, une commune de Port-au-Prince, le 8 juillet 2018
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© HECTOR RETAMAL / AFP
Des voitures carbonisées à Delmas, une commune de Port-au-Prince, le 8 juillet 2018
© HECTOR RETAMAL / AFP

De nouveaux pillages se sont produits dimanche à Port-au-Prince après deux jours de violences déclenchées par l'annonce --depuis suspendue-- d'une hausse importante des prix des carburants, les contestataires appelant à une grève générale.

Au coeur de la capitale haïtienne, dans la commune de Delmas, des commerces ont été attaqués et pillés et des protestataires exigeaient le départ du président Jovenel Moïse, ont rapporté des journalistes de l'AFP. Très agressifs, certains jeunes hommes étaient armés de couteaux.

Pour disperser la foule, des policiers d'unités spécialisées en maintien de l'ordre ont tiré en l'air et fait usage de grenades lacrymogènes.

Au moins trois personnes sont mortes depuis vendredi dans les violences, selon un décompte de l'AFP.

Des contestataires ont appelé à une grève générale de deux jours à compter de lundi.

Les troubles ont commencé après l'annonce vendredi par les autorités d'une augmentation des prix de l'essence de 38%, du diesel de 47% et du kérosène de 51% à compter du samedi 7 juillet à minuit, comme prévu par le nouveau cadre de référence entre le Fonds monétaire international (FMI) et Haïti.

Face aux violences, le Premier ministre Jack Guy Lafontant a annoncé samedi la suspension de la mesure "jusqu'à nouvel ordre".

- "Rien à perdre" -

Devant les restes d'une barricade placée sur un axe majeur de la capitale, le visage camouflé, un homme disant s'appeler Rubens a témoigné de la détermination de certains à tout faire pour obtenir le départ du président Jovenel Moïse du pouvoir.

"Si le président reste encore un jour de plus, le jeu va prendre une toute autre allure: on va couper les routes et tout brûler, parce que nous, on n'a plus rien à perdre" assure-t-il, avec l'approbation de quelques autres jeunes masqués rassemblés autour de lui.

"Tous ceux qui sont partis au Chili ont été intelligents parce que les choses n'ont fait que commencer", a-t-il ajouté en référence aux plus de 100.000 Haïtiens qui ont émigré vers le pays d'Amérique latine rien que durant l'année 2017.

Près d'un des nombreux commerces pillés et incendiés, Alphonse Charles prend quelques photos de ce qui reste de sa voiture.

"J'accuse le coup mais c'est la réalité du pays: dès lors qu'on vit en Haïti on est fâché, frustré face à la façon dont les choses sont gérées par les politiciens", dit-il calmement devant la carcasse brûlée de son véhicule. "Je dois continuer à vivre, on ne va pas se laisser emporter pour ça seulement".

- Déception -

Des habitants essayaient malgré tout de revenir à une vie normale.

Beaucoup de marchandes de fruits et légumes ont repris dimanche leur place sur les trottoirs et les taxis-motos étaient de retour à leurs carrefours habituels, même si les clients se faisaient rares. Quelques voitures tentaient de se frayer un passage au milieu des rues encore chargées de barricades.

Une allocution télévisée du président Jovenel Moïse samedi soir, appelant les manifestants à rentrer chez eux, a déçu une grande partie de la population et de la classe politique.

"Comme la quasi totalité des gens, je suis resté sur ma faim: on s'attendait à un autre discours, à une analyse sereine de la situation qui a prévalu dans le pays ces deux derniers jours et qui a provoqué tant de pertes en vies humaines et matérielles", a déclaré à l'AFP Jerry Tardieu, député de Pétionville.

Des discussions entre les blocs parlementaires sont en cours pour déterminer la suite à donner à la crise. Certains élus exigent la démission immédiate du Premier ministre.

Avant même la prise de cette mesure controversée sur les prix des carburants, Jack Guy Lafontant, nommé en mai 2017, était très critiqué pour ce que ses détracteurs qualifient d'inaction. Une séance pour statuer sur son avenir à la tête du gouvernement avait été entamée la semaine dernière à la chambre des députés, dont la majorité est acquise au président.

Plusieurs parlementaires ont appelé à une reprise de cette séance lundi matin mais les difficultés de circulation qui perdurent à travers le pays compliquent la venue sur Port-au-Prince d'un nombre suffisant d'élus pour atteindre le quorum de 60 députés.

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