Indonésie : la tâche titanesque des chasseurs d'infox avant les élections

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Par Moses Ompusunggu - Jakarta (AFP)
Publié le 08 avril 2019 - 14:29
Mis à jour le 09 avril 2019 - 13:08
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Meeting électoral pour Prabowo Subianto et Sandiaga Uno, candidats pour la présidence et la vice-présidence indonésiennes, le 29 mars 2019 à Bogor, dans l'ouest de Java
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© BAY ISMOYO / AFP
Meeting électoral pour Prabowo Subianto et Sandiaga Uno, candidats pour la présidence et la vice-présidence indonésiennes, le 29 mars 2019 à Bogor, dans l'ouest de Java
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Face à la vague de désinformation qui enfle en Indonésie, des fake news aux photos truquées, une petite armée de chasseurs d'infox tente d'y faire barrage à l'approche de l'élection présidentielle dans la troisième plus grande démocratie au monde.

Si le problème de la désinformation en ligne touche de nombreux pays, l'appétence des Indonésiens pour les réseaux sociaux associée à une faible culture numérique rend l'élection du 17 avril particulièrement vulnérable à ces attaques.

Quelque 130 millions d'Indonésiens, soit la moitié de la population, passe plus de trois heures par jour sur les réseaux sociaux, ce qui fait du pays le troisième plus gros marché pour Facebook et le quatrième pour Instagram.

Mais les analystes estiment que plus de la moitié des informations qu'ils lisent sur l'élection présidentielle et législative sont problématiques.

Le feu d'infox est particulièrement nourri contre le président sortant Joko Widodo, qui se représente pour un deuxième mandat, et son adversaire Prabowo Subianto.

La désinformation a commencé à se faire sentir au cours des élections de 2014, a souligné Ari Nurcahyo, un analyste politique du centre de réflexion Para Syndicate.

"Mais maintenant c'est beaucoup plus difficile a endiguer et l'effet est plus destructeur, non seulement pour les candidats mais aussi pour la société", a-t-il noté.

"Si on ne s'en occupe pas suffisamment, on va avoir de sérieux problèmes même après les élections", a-t-il noté.

- Accentuer les divisions -

La désinformation risque d'accentuer les divisions entre communautés ethniques ou religieuses dans ce pays d'Asie du Sud-Est de 260 millions d'habitants, en majorité musulman, mais qui a aussi d'importantes minorités hindoues, chrétiennes ou bouddhistes.

Longtemps connue pour sa tolérance religieuse, l'Indonésie a pris un tournant vers un islam plus conservateur ces dernières années et des groupes fondamentalistes gagnent de l'influence sur une frange de la population.

"Ce qui m'inquiète c'est quand les infox sont teintées de discours de haine (...) contre certaines ethnies, races ou religions", relève Ferdinandus Setu, porte-parole du ministère indonésien de la Communication et de l'Information.

Le ministère a créé une task force de 80 personnes qui se relaient jour et nuit pour débusquer les fausses informations.

Dans tout l'archipel, l'association Mafindo rassemble elle plusieurs centaines de volontaires pour chasser les infox.

L'ONG fait partie de CekFakta, une alliance des principaux médias indonésiens qui font du fact-checking et publient leur travail sur un site commun.

Le président Joko Widodo, qui a une avance de 13 à 20 points de pourcentage dans les sondages, s'est ouvertement inquiété de l'influence de la désinformation sur le scrutin.

Sur internet, il est régulièrement accusé de vendre son pays à des puissances étrangères. Un article mensonger partagé des centaines de fois sur Facebook indique par exemple que la ville de Bogor a été "offerte" à la Chine.

D'autres publications prétendent que le président sortant est secrètement communiste, chrétien ou chinois. Une vidéo affirme encore qu'il veut interdire l'appel à la prière ou légaliser le mariage homosexuel, des infox destinées à inquiéter les musulmans les plus conservateurs.

Son adversaire Prabowo Subianto, un ancien général, est aussi une cible. Un article affirme ainsi qu'il portait des lunettes intelligentes pour l'aider au cours des débats télévisés et une photo trafiquée le montre aux côtés de descendants de leaders communistes bannis dans le pays.

"Les deux camps jouent sur les rumeurs et altèrent les faits et les chiffres", observe Syamsuddin Haris, un analyste politique à l'Institut des sciences indonésien.

- Incitation à la haine -

Devant le risque d'interférences dans les élections, Facebook a interdit toute publicité politique en Indonésie financée depuis l'étranger et a fermé des centaines de comptes liés à des groupes accusés de répandre des messages d'incitation à la haine ou des infox.

La police a arrêté des membres de la "cyber armée musulmane", une nébuleuse de groupes qui attaquent le gouvernement et qui encouragent l'extrémisme religieux sur les réseaux sociaux.

Mais malgré une série d'arrestation, les trolls et les fabriques d'infox continuent à travailler à plein régime.

Un article récent affirme ainsi que le président turc Erdogan, un leader populaire chez les musulmans indonésiens, a apporté son soutien officiel au candidat Prabowo Subianto. Mais la photo présentée comme preuve de cette information a été trafiquée, comme l'ont démontré l'AFP sur son blog de factchecking et plusieurs médias locaux.

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