Jobbik, l'ancien parti paria qui veut détrôner Viktor Orban

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Par Peter MURPHY - Gyongyospata (Hongrie) (AFP)
Publié le 27 mars 2018 - 12:44
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Rassemblement devant le parlement hongrois pour un meeting du Premier ministre sortant Viktor Orban, le 15 mars 2018 à Budapest
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© Attila KISBENEDEK / AFP/Archives
Rassemblement devant le parlement hongrois pour un meeting du Premier ministre sortant Viktor Orban, le 15 mars 2018 à Budapest
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Jusqu'en 2013, le parti hongrois Jobbik brûlait des drapeaux européens et suggérait d'établir des listes de juifs "à risque". Aujourd'hui, son dirigeant envoie des cartes de voeux pour les fêtes juives et se présente comme le seul à même de détrôner le souverainiste Viktor Orban.

Créditée de 15 à 18% des voix à l'approche des législatives du 8 avril, cette formation nationaliste se présente comme la deuxième force du pays derrière le Fidesz de M. Orban, et son principal rival.

Et la possibilité que la gauche noue localement des accords informels avec ce parti naguère honni, en vue de faire battre le Premier ministre sortant, n'est plus considérée comme une pure fiction par les politologues.

Mais le virage politique de l'une des formations d'extrême droite les plus radicales d'Europe, qui tente de se réinventer en grand parti conservateur, ne laisse pas de déconcerter.

"Je ne crois pas que le Jobbik ait changé, quoi qu'ils disent maintenant. C'est de la dissimulation", assure Janos Farkas, un représentant des Roms de Gyongyospata, dans le nord de la Hongrie.

A 57 ans, il exclut totalement de voter pour un candidat de ce parti. Pour lui, le Jobbik, jugé infréquentable même par le Front national français et le FPÖ autrichien, reste cette formation liée aux descentes anti-Roms qui avaient traumatisé sa communauté, en 2011.

"Ils étaient des milliers, certains faisant tourner des cravaches au-dessus de leurs têtes, nous étions terrorisés", se souvient-il.

Depuis cinq ans, Gabor Vona, le dirigeant du Jobbik, n'a pas ménagé sa peine pour convaincre qu'il avait abandonné le camp des extrêmes. Outre ses voeux présentés à la communauté juive pour la fête d'Hanouka, il a demandé pardon aux Roms pour les dérapages du passé.

"Je suis prêt à m'excuser encore auprès des Juifs et des Roms s'il le faut", a-t-il assuré à l'AFP. "Si le Jobbik arrive au pouvoir, il n'y a aucune raison d'avoir peur", jure ce brun de 39 ans qui en avait 24 quand il a créé le parti, en 2003.

Il assure avoir compris ses erreurs, dénonce ceux qui "attisent l'animosité entre les cultures et les religions", prône le dialogue, la tolérance et assure avoir fait le ménage dans sa formation.

"Aujourd'hui la frange la plus extrémiste de l'électorat Jobbik vote pour le Fidesz", affirme-t-il.

- "Pour sortir Orban" -

Depuis la vague migratoire de 2015, Viktor Orban n'a en effet cessé de radicaliser son discours contre l'immigration, présentée comme une "menace vitale" pour la Hongrie et l'Union européenne, assimilant migrants et réfugiés à des "terroristes".

Le dirigeant au pouvoir depuis 2010, et en lice pour un troisième mandat, appelle à "se battre" pour une Hongrie "ethniquement homogène" et contre le multiculturalisme.

"Le Fidesz affiche maintenant des positions tellement radicales que le Jobbik paraît modéré. Même si pour les standards européens, beaucoup d'éléments de son programme restent d'extrême droite", affirme le chercheur hongrois Peter Kreko.

Pour ce spécialiste de l'extrême droite, le recentrage était une nécessité stratégique alors que la formation était débordée sur sa droite par le Fidesz.

Gabor Vona a remisé la rhétorique xénophobe et fait campagne, avec son slogan "mains propres", contre la corruption alléguée des cercles du pouvoir. Le parti fait de l'amélioration des services publics éducatifs et de santé une priorité.

Dans les sondages, le "nouveau Jobbik" semble cependant avoir du mal à convaincre. A 15-18%, il reste loin derrière le Fidesz, donné vainqueur. Et en-deçà des 20% qu'il avait recueillis aux législatives de 2014.

"Je préférais l'ancienne version, ils étaient plus durs avec les Gitans", confie dans une moue Tamas Sarudi, un sympathisant interrogé sur le marché de Gyongyospata.

Mais un autre client dit à l'inverse être prêt à passer outre ses réticences et à voter aujourd'hui Jobbik, "uniquement pour sortir Orban".

Un profil d'électeur sur lequel Gabor Vona met tous ses espoirs, alors que des voix à gauche appellent à former "un large front d'opposition". Comme à Hodmezövasarhely, un bastion Fidesz où lors de récentes municipales un candidat indépendant soutenu par tous les partis d'opposition a sèchement battu le représentant de la majorité, déjouant tous les pronostics.

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