Le Polonais Tomasz Mackiewicz, un "esprit libre" de l'himalayisme

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Par Bernard OSSER - Varsovie (AFP)
Publié le 02 février 2018 - 16:57
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L'alpiniste Tomasz Mackiewic, à Varsovie, le 20 mai 2016
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© Tomasz URBANEK / Dzien Dobry TVN/AFP/Archives
L'alpiniste Tomasz Mackiewic, à Varsovie, le 20 mai 2016
© Tomasz URBANEK / Dzien Dobry TVN/AFP/Archives

Le Polonais Tomasz Mackiewicz, 43 ans, le compagnon de cordée de l'alpiniste française Elisabeth Revol, qu'elle a dû abandonner inconscient à plus de 7.000 m d'altitude sur le Nanga Parbat pour sauver sa vie, était "un esprit libre", soulignent ceux qui l'ont connu.

Pour Wojciech Kurtyka, un des plus grands alpinistes polonais, la disparition de Mackiewicz "est celle d'un des hommes les plus libres, les plus indépendants" qu'il ait connus. "Il était hors normes. C'était invraisemblable ce qu'il faisait dans l'himalayisme. (...) C'était un art".

Malgré une escalade extraordinaire menée de nuit par deux Polonais, qui a permis de sauver la Française, Mackiewicz est resté bloqué sur la "montagne tueuse" (8.125 mètres) dans la partie pakistanaise de l'Himalaya.

"Si nous avions laissé Eli et étions partis chercher Tomek, elle serait morte", a expliqué au quotidien polonais Gazeta Wyborcza Denis Urubko, d'origine kazakhe, qui avec Adam Bielecki est parti à leur secours.

Le Nanga Parbat était une histoire d'amour et de passion pour Tomek.

"Il est en communion, il se passe quelque chose entre lui et cette montagne", expliquait mercredi à l'AFP Elisabeth Revol.

Pour Leszek Cichy, alpiniste de légende polonais, "Mackiewicz voulait appréhender la montagne de la façon la plus humble possible".

"Il était une personnalité, un homme à part, très surprenant. Bon, chaleureux, ouvert, c'était un homme d'un autre monde, pour lequel les biens matériels ne comptaient pas", déclare à l'AFP Cichy, premier homme à avoir escaladé en hiver, avec Krzysztof Wielicki, le toit du monde, le mont Everest (8.848 mètres).

Avant de s'attaquer aux sommets de l'Himalaya, Mackiewicz, né en 1975, touche le fond dans les années 1990. Adolescent, il plonge dans l'héroïne.

Puis il fait une cure de désintoxication de plus de deux ans dans un centre spécialisé connu pour son régime presque militaire.

- Sans argent, en autostop -

Il s'achète un petit bateau avec lequel il sillonne les lacs de Mazurie, dans le nord-est de la Pologne. Puis, sans argent, il part en autostop pour l'Inde. Pendant six mois, il y enseigne l'anglais dans un centre pour enfants lépreux.

Après avoir fait un peu d'escalade et de spéléologie dans sa jeunesse, c'est là où il voit pour la première fois les hautes montagnes.

Il voyage en Irlande, rentre en Pologne et gagne sa vie entre autres en installant des pylônes d'éoliennes.

Avec Marek Klonowski, autre "esprit libre", il part sur le mont Logan, le plus haut sommet du Canada (5.959 mètres).

Pendant six semaines, ils parcourent à pied en plein hiver 250 km par -40°C. Pour cet exploit, ils recevront en 2008 en Pologne un Prix du voyage.

Puis Mackiewicz escalade tout seul Khan Tengri (7.010 m) au Kazakhstan. Nanga Parbat réunit à nouveau les deux hommes. L'idée est d'escalader cette montagne en hiver, ce que personne n'avait encore fait.

Et puis de "montrer que tout le monde peut rêver, que l'Himalaya est accessible à tous", disait plus tard Klonowski.

"Lorsqu'il arrivait dans les villages au pied de Nanga, tout le monde le connaissait, il s'y sentait comme chez lui", raconte Leszek Cichy.

Pour leur première expédition sur Nanga, Mackiewicz et Klonowski partent sans argent, avec des cordes à usage agricole, achetées en solde sur internet.

Ils n'ont ni soutien officiel ni reconnaissance du milieu élitiste des alpinistes polonais, pour qui ils restent longtemps des outsiders. Ils rentrent la tête basse, mais ne renoncent pas.

- 'La vie est belle' -

Lors d'une nouvelle expédition, ils atteignent 7.200 mètres. Au total, Mackiewicz se sera attaqué à Nanga Parbat à sept reprises.

La sixième et avant-dernière expédition, avec Elisabeth Revol, provoque chez lui un choc.

Les deux ont peur et rebroussent le chemin tant les conditions sont extrêmes. "Eli, c'est impossible", dit-il alors, "Pour la première fois j'ai vu qu'Eli avait peur. Et lorsque tu as peur, la motivation se meurt".

"Tu as le choix d'aller et voir. Mais c'est de la folie car tu ne veux pas mourir. Qu'est ce qui arrivera à tes enfants? Je suis content d'avoir rebroussé le chemin. La vie est belle", racontait-il.

Marié à deux reprises, Mackiewicz avait trois enfants.

"Il voulait vraiment gravir cette montagne. Et il l'a gravie", dit Elisabeth Revol.

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