L'indépendantisme catalan réveille la ferveur patriotique espagnole

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Par AFP
Publié le 08 octobre 2017 - 21:04
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Des manifestants tiennent des drapeaux espagnols en pour soutenir l'unité nationale face la crise dé
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Des manifestants tiennent des drapeaux espagnols en pour soutenir l'unité nationale face la crise déclenchée par les séparatistes catalans, le 8 octobre 2017 à Barcelone
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Le drapeau espagnol était cantonné aux stades. Mais avec la crise déclenchée par les séparatistes catalans, il a regagné sa place dans les manifestations, symbole d'un patriotisme décomplexé qui ne fait cependant pas l'unanimité.

Une forêt de drapeaux rouge-jaune-rougé décorés du blason en six parties de la Couronne d'Espagne a envahi ce week-end les rues de Madrid, puis de Barcelone. Des profils Facebook customisés avec le drapeau font florès et même les bazars chinois sont achalandés.

"Yo soy Espanol, espanol, espanol", scandent les manifestants.

"Nous sommes là parce qu'ils veulent détruire l'Espagne et nous voulons la défendre", résumait Fernando Gomez Fernandez de Azcarate, un Madrilène de 74 ans venu lui aussi avec son drapeau.

Depuis la fin de la dictature de Francisco Franco (1939-1975) le drapeau était resté le monopole des gens très à droite ou des fans de foot. Il s'est peu à peu normalisé, mais sans s'afficher.

Il était aussi rejeté par les électeurs les plus à gauche qui amenaient parfois leur drapeau républicain aux manifestations (rouge jaune violet).

Ailleurs, au Pays basque et en Catalogne notamment, perçu comme incarnant la répression contre les langues régionales, son usage était cantonné à la sphère privée.

Maintenant, ce n'est pas que la "fierté d'être espagnol a augmenté, c'est qu'on se montre. On dirait qu'on a perdu nos complexes", confie à l'AFP Rocío Villanueva, une Madrilène de 30 ans, un drapeau espagnol noué autour de la taille.

"Ce qui se passe en Catalogne a ramené des idées, des pensées qui étaient oubliées en Espagne", se félicite aussi Iván Espinosa, porte-parole de la Fondation DENAES pour la défense de la nation espagnole, qui a organisé la première manifestation patriotique à Madrid.

"La gauche espagnole avait peu de sentiments patriotiques depuis la guerre civile (qui avait opposé droite franquiste et gauche républicaine) et la droite avait un complexe sur ce sujet car le patriotisme restait associé à tort à des périodes de répression", explique Iván Espinosa.

"Nous devons défendre les valeurs de l'Espagne comme Nation, c'est comme si on te coupait un bras", confie aussi Joaquin Penas, 52 ans, un ancien colonel de l'armée de terre, croisé sur la place Christophe Colomb, du nom du conquérant des Amériques, symbole pour certains de la grandeur de l'Espagne.

- 'Je suis espagnol' -

Susana Cerezal, âgée de 41 ans, tranche avec le public plutôt de droite de la manifestation madrilène: elle est catalane, et socialiste et elle est lasse de se faire traiter de "fasciste" parce qu'elle souhaite rester en Espagne, une insulte de militants indépendantistes pour qui les conservateurs à Madrid descendent en ligne droite de la dictature de Franco, dont un proche a fondé en 1977 ce qui allait devenir le Parti populaire au pouvoir.

"Les gens ont le droit de dire +je suis espagnol, je suis fier de l'être+", a estimé aussi Mariano Rajoy, dans un entretien au quotidien El Pais.

Certains en Espagne y voient cependant une forme de nationalisme "castillan", face à celui des Catalans ou des Basques.

Le nationalisme catalan, prétendrait lui à incarner "la modernité face au sentiment national rance" des Castillans, notait aussi récemment le philosophe Antonio Valdecantos.

Les porteurs de drapeaux espagnols s'en défendent, préférant au contraire l'étiquette de "patriotes".

"Le nationalisme part du principe que certains sont meilleurs que d'autres, en fonction du lieu de naissance ou des idées", dit-il, assurant que les patriotes ne sont pas dans cette logique.

L'argument est contesté par l'historien Carlos Gil Andrés, qui estime qu'il s'agit bien d'une autre forme de nationalisme: "il y a une construction d'un +nous+ face aux autres", les Catalans, dit-il.

La question fait en tous cas l'objet de multiples débats et de tribunes, la crise opposant les séparatistes catalans au gouvernement central ayant obligé les Espagnols à se demander ce qui les lie, et où réside leur identité dans ce pays très décentralisé.

Elle est aussi au coeur du débat politique alors que l'indépendantisme est monté en flèche en Catalogne à partir de 2010, quand la Cour constitutionnelle a partiellement annulé un "statut" qui permettait à la Catalogne de faire usage du titre de "nation".

Le Parti socialiste, n'écarte pas d'y revenir si cela peut apaiser les Catalans, comme le parti Podemos (gauche radicale). La droite et le centre s'y refusent.

Samedi, une manifestation pour l'entente a d'ailleurs préféré le drapeau blanc, pour surmonter ceux des nationalistes de tous bords.

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