L'Italie en campagne électorale néglige son pétrole : le tourisme culturel

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Par Olivier BAUBE - Matera (Italie) (AFP)
Publié le 23 février 2018 - 07:45
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Des touristes se prennent en photo devant le Colisée à Rome, le 21 juillet 2017
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© FILIPPO MONTEFORTE / AFP/Archives
Des touristes se prennent en photo devant le Colisée à Rome, le 21 juillet 2017
© FILIPPO MONTEFORTE / AFP/Archives

La campagne électorale bat son plein en Italie à moins de dix jours d'élections législatives incertaines, mais rares sont les candidats qui s'intéressent à ce que certains voient pourtant comme le pétrole du "bel paese": le tourisme et la culture.

Dans un pays béni par le climat et qui compte le plus important patrimoine culturel de l'humanité, le thème n'a pas vraiment trouvé preneur. Matteo Renzi, "père" du "pass culture" de 500 euros accordé aux Italiens de 18 ans lorsqu'il était au pouvoir, avait pourtant fait de la richesse culturelle de l'Italie son cheval de bataille.

Aujourd'hui, le chef de file du centre gauche se contente de rappeler cette mesure et de préconiser la sortie des investissements culturels du "pacte de stabilité" européen.

Et son opposant d'extrême droite, Matteo Salvini, promet de créer un ministère chargé exclusivement du Tourisme, dont l'absence actuelle lui semble aussi incongrue que "si l'Arabie saoudite n'avait pas de ministère du Pétrole".

En effet, les secteurs du tourisme et de la culture, en plein boom, "pèsent" en Italie quelque 250 milliards d'euros.

"On travaille à plein régime", se félicite Teo Arvellino, 55 ans, reconverti dans le tourisme, au coeur des Pouilles (sud-est).

Abandonnant son entreprise d'importation de matériel hifi qui périclitait, il s'est lancé en 2003. Et bien lui en a pris: sa Masseria Cervarolo, un hôtel entièrement restauré dans une ancienne ferme, est déjà complet pour cet été.

Pour Teo Arvellino, et bien d'autres qui ont fait le même choix ces dernières années, une partie du Mezzogiorno, le Sud déshérité de la péninsule, est un peu en train de prendre sa revanche sur le Nord plus favorisé.

"Les Italiens qui viennent du Nord nous prennent pour modèle", assure-t-il. Entre mer, vignes et oliviers, la région des Pouilles n'a en effet pas les monuments de Rome ou de Florence, mais son art de vivre et sa gastronomie suscitent un tourisme "haut de gamme", souvent d'origine étrangère.

Cela tire toute la région par le haut: "On produit maintenant dans les Pouilles des vins de qualité, et non plus ce vin de coupe à 18% mélangé à d'autres vins européens", assure M. Arvellino.

- 'Parc d'attractions ' -

On est loin du modèle touristique "mordi e fuggi" (on croque une bouchée et on file), déploré dans une récente étude du ministère de la Culture et du Tourisme. Autrement dit un tourisme "low cost" qui inonde quelques grandes villes comme Venise, Florence ou Rome, mais sans réel apport économique.

Ces "villes d'art" reçoivent chaque année des millions de visiteurs --près de 25 millions pour la seule Sérénissime-- qui se contentent souvent d'avaler une "pizza surgelée" après une promenade de quelques heures dans le centre, déplore Alberto Castelvecchi, professeur à l'université Luiss de Rome.

Pour le magazine 7, Venise, "la plus belle ville du monde", est en train de devenir un vaste "parc d'attractions" dont certains touristes se demandent même s'il ferme la nuit !

"Les Italiens ont des villes merveilleuses, mais ils n'ont pas la capacité de les raconter", analyse M. Castelvecchi, qui regrette qu'elles soient vues comme des lieux à visiter et non à vivre, au contraire de Londres, Berlin ou Paris.

Raffaello de Ruggieri, maire de Matera (sud), désignée capitale européenne de la culture en 2019, entend bien remédier à cela.

Si "Matera est infestée de pizzerias, on perd le sens d'une histoire millénaire", avertit le maire de cette ville dont le centre historique, constitué d'habitations creusées dans la roche, autrefois misérables et désormais classées au patrimoine de l'Unesco, a servi de décor au film "La Passion du Christ" de Mel Gibson.

Et il compte bien utiliser toutes les ressources d'une loi passée fin 2016 permettant aux maires d'interdire les commerces non compatibles avec la valorisation du patrimoine culturel.

"De Matera doit partir le modèle d'un Mezzogiorno qui fonctionne", ajoute-t-il, en expliquant travailler pour que sa ville devienne aussi un laboratoire pour les nouvelles technologies.

On en est toutefois encore loin: la ville n'est toujours pas reliée au réseau ferré national et la région de Basilicate où elle se trouve ne compte aucun aéroport.

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