Pakistan : la Cour suprême ouvre la voie à un départ d'Asia Bibi

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Par Gohar ABBAS - Islamabad (AFP)
Publié le 29 janvier 2019 - 06:51
Mis à jour le 30 janvier 2019 - 00:00
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La Pakistanaise Asia Bibi, chrétienne condamnée à mort pour blasphème en 2010 après une dispute avec des femmes de son village, puis acquittée en 2018, sur une photo non datée fournie le 1er novembre
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© Handout / British Pakistani Christian Association/AFP/Archives
La Pakistanaise Asia Bibi, chrétienne condamnée à mort pour blasphème en 2010 après une dispute avec des femmes de son village, puis acquittée en 2018, sur une photo non datée four
© Handout / British Pakistani Christian Association/AFP/Archives

La Cour suprême pakistanaise a ouvert mardi la voie au départ du pays de la chrétienne Asia Bibi en rejetant un dernier recours contre son acquittement, à l'issue d'une longue saga judiciaire au retentissement international.

La plus haute instance judiciaire pakistanaise, qui avait acquitté Asia Bibi le 31 octobre 2018, s'est opposée à l'ouverture d'une procédure en appel contre cette décision, réclamée par Qari Saalam, l'imam du village où elle avait été accusée de blasphème.

"Ce recours est rejeté", a déclaré le juge Asif Saeed Khosa, chef de la Cour suprême, au terme d'une audience bondée d'un peu plus d'une heure à Islamabad.

Plus rien n'empêche désormais Asia Bibi, condamnée à mort en 2010 pour blasphème, de quitter ce pays musulman très conservateur où elle vit actuellement sous haute protection dans un endroit inconnu, étant de longue date une cible pour les extrémistes.

On ignorait dans l'immédiat si Mme Bibi entendait quitter immédiatement le pays mais son avocat Saif-ul-Mulook a laissé entendre mardi que cette option était sur la table.

"Je crois que pour le moment elle est ici, mais qu'en sera-t-il ce soir, je ne sais pas", a-t-il dit à des journalistes. "Elle est libre de quitter le Pakistan, de vivre où elle veut et de profiter de la vie", a souligné l'avocat.

"Asia Bibi doit enfin obtenir sa liberté et la fin de son épreuve. (...) Elle doit être libre de retrouver sa famille et d'être en sécurité dans le pays de son choix", a renchéri Amnesty International.

La France, dans un communiqué de sa secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a salué "une bonne nouvelle" et s'est dite "prête à accueillir Asia Bibi et sa famille si elles le souhaitent".

La cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini a salué une "conclusion longuement attendue (et) positive", et appelé Islamabad à continuer "d'assurer la sécurité d'Asia Bibi et de sa famille".

On lui prête l'intention de demander l'asile dans un pays européen ou au Canada où ses enfants se trouveraient déjà selon des informations de presse non confirmées.

- Colère -

La Cour suprême avait décidé le 31 octobre d'acquitter Mme Bibi et de la libérer après huit années passées dans le couloir de la mort. Ce verdict avait provoqué la fureur des milieux islamistes radicaux.

Des milliers d'entre eux, notamment des sympathisants du parti islamiste Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), étaient descendus dans les rues pour exiger sa pendaison, bloquant le pays trois jours durant et poussant le gouvernement du Premier ministre Imran Khan à signer un accord controversé avec eux.

L'exécutif s'était alors engagé à lancer une procédure visant à interdire à Asia Bibi de quitter le territoire et à ne pas bloquer la requête en révision du jugement examinée mardi.

Le verdict rendu mardi pourrait à nouveau attiser la colère des islamistes radicaux.

"Nous n'accepterons en aucun cas un jugement contre le Coran", a averti le TLP dans un communiqué, promettant "un mouvement qui sera vu par le monde entier" si la justice rendait une décision favorable à "la blasphématrice".

Mais le TLP apparaît affaibli après l'arrestation à l'automne de son chef Khadim Hussain Rizvi et de centaines de ses partisans. Ils étaient peu nombreux mardi à protester devant la Cour suprême, a constaté l'AFP.

"Elle mérite d'être tuée, conformément à la Charia", a lancé l'un d'eux, Hafiz Ehtisham Ahmed, un militant islamiste lié la très radicale Mosquée rouge d'Islamabad. "Si elle part à l'étranger, n'y a-t-il pas des musulmans qui vivent là-bas ? Si elle quitte le Pakistan, n'importe qui peut la tuer là-bas", a-t-il menacé.

De petites manifestations étaient rapportées dans plusieurs villes du pays mardi soir.

- Dérives de la loi -

Pour les experts en droit, la décision de la Cour suprême était largement attendue.

Le recours de l'imam Saalam était "frivole", "ni en accord avec les précédents verdicts de la Cour suprême, ni en accord avec la loi", avait estimé l'avocat Saif-Ul-Mulook avant la décision.

Le cas de Mme Bibi, ouvrière agricole chrétienne âgée d'une cinquantaine d'années, a eu ces dernières années un retentissement international, obtenant le soutien des papes Benoît XVI et François.

Au Pakistan même, où le blasphème est un sujet extrêmement sensible et où des accusations suffisent à provoquer des lynchages meurtriers, l'affaire divise profondément l'opinion.

Les défenseurs des droits de l'homme dénoncent des lois instrumentalisées selon eux pour régler des conflits personnels. Le sujet est si incendiaire que de simples appels à la réforme peuvent entraîner des violences.

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