Nicaragua : accord surprise entre le gouvernement et l'opposition

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Par Blanca MOREL - Managua (AFP)
Publié le 15 juin 2018 - 20:14
Mis à jour le 16 juin 2018 - 09:04
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Un cycliste passe devant un graffiti réalisé au cours des manifestations contre le président Daniel Ortega, à Diriamba, à 40 km de Managua, le 124 juin 2018.
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© MARVIN RECINOS / AFP
Un cycliste passe devant un graffiti réalisé au cours des manifestations contre le président Daniel Ortega, à Diriamba, à 40 km de Managua, le 124 juin 2018.
© MARVIN RECINOS / AFP

Contre toute attente, le gouvernement nicaraguayen et l'opposition ont trouvé un accord vendredi soir, le premier autorisant des observateurs des droits de l'Homme à venir enquêter sur les violences qui ont fait plus de 170 morts en deux mois, selon un dernier bilan.

Dans un apparent revirement après l'impasse des négociations de la matinée, les représentants de l'opposition ont eux accepté une demande clef du pouvoir du président Daniel Ortega : un plan visant à lever les blocages qui entravent les routes pour empêcher les forces anti-émeutes de passer, selon la conférence épiscopale qui joue le rôle de médiateur dans le conflit.

Les parties devaient se retrouver samedi matin pour discuter "le processus de démocratisation du pays".

Son président, le cardinal Leopoldo Brenes, a ajouté que l'Eglise avait demandé à Daniel Ortega d'avancer les prochaines élections générales à 2019, deux ans avant l'échéance prévue.

Le président n'a pas accédé à la demande, se contentant de répondre: "Nous réitérons notre volonté totale d'écouter toutes les propositions entrant dans un cadre institutionnel et constitutionnel"

L'opposition exige le départ du président Ortega, 72 ans, "héros" de la révolution sandiniste qui a dirigé le pays de 1979 à 1990 après avoir évincé le dictateur Anastasio Somoza. Daniel Ortega est revenu au pouvoir depuis 2007.

La tension reste forte entre les deux camps: au moment même où l'Eglise organisait la réunion de concertation vendredi matin, des milices paramilitaires progouvernementales menaient l'assaut dans au moins quatre quartiers de Managua et de nouveaux affrontements étaient signalés dans les villes de Juigalpa (est) et Nindiri (sud).

- "Cesser la répression" -

Vendredi, des milliers de Nicaraguayens ont repris le travail, au lendemain d'une grève générale qui a paralysé le pays, l'un des plus pauvres du continent américain, dans une tentative de l'opposition pour faire plier le président Ortega.

Le mouvement social a encore alourdi le bilan de cette crise, quatre personnes au moins - dont un adolescent de 15 ans - ayant été tuées par balle dans des assauts donnés par les forces anti-émeutes et des milices paramilitaires contre les barricades érigées par les manifestants, selon le Centre nicaraguayen des droits de l'homme (Cenidh).

Ce dernier a relevé son bilan à plus de 170 morts en deux mois. Plus de 1.300 blessés ont été recensés.

- "Pire que la dictature" -

"Nous espérons que du positif sorte du dialogue, pour en finir avec ce massacre et que (Ortega) s'en aille, c'est le sentiment de la majorité des gens", a confié à l'AFP Mario Pérez, réparateur de radiateurs de la capitale.

"Nous avons besoin d'un changement de gouvernement car nous en avons marre", a également témoigné Isidro Obando, 66 ans.

Inquiète pour l'avenir de ses sept enfants et 45 petits-enfants, Argentina Lopez, 74 ans, est du même avis: "Ce que nous vivons, c'est pire que la dictature des Somoza" (1934-1979), soupire-t-elle tout en nettoyant le trottoir face à sa maison.

Héros de la révolution sandiniste de 1979, qui avait renversé la dictature, Daniel Ortega est soumis à une pression croissante, la mobilisation contre lui s'amplifiant.

Il a été lâché par les milieux d'affaires, son principal soutien, et ces dernières semaines le Parlement européen, Amnesty international, l'ONU ou encore la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) ont dénoncé le zèle des forces de l'ordre.

Déclenchée le 18 avril par une réforme des retraites - depuis abandonnée -, la vague de colère populaire, contre le manque de libertés et la confiscation du pouvoir par Daniel Ortega et son épouse Rosario Murillo, vice-présidente, a été envenimée par la répression des forces de l'ordre.

Et "chaque balle qui tue un jeune dans la rue frappe aussi la discussion et met fin au dialogue", prévient Juan Sebastian Chamorro, de la Fondation nicaraguayenne pour le développement social et économique (Funides).

Si la crise se prolonge, l'ardoise pour le pays pourrait dépasser les 900 millions de dollars, selon la Fondation, qui calcule que le Nicaragua pourrait perdre jusqu'à 150.000 emplois d'ici la fin de l'année.

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