Le RN revient au FN historique pour remobiliser les électeurs

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Par Anne RENAUT - Paris (AFP)
Publié le 20 septembre 2018 - 12:10
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Marine Le Pen le 16 septembre 2018 à Fréjus
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© YANN COATSALIOU / AFP/Archives
Marine Le Pen le 16 septembre 2018 à Fréjus
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Comme son père, Marine Le Pen stigmatise depuis sa rentrée l'immigration pour remobiliser ses troupes, sans dire comment elle va s'y prendre pour en finir avec l'Union européenne qui, à ses yeux, encourage une "déferlante" migratoire.

C'est au nom du "changement" que le Front national est devenu en juin le Rassemblement national (RN). Mais selon le politologue Jean-Yves Camus, le discours de Mme Le Pen dimanche à Fréjus (Var) était écrit "par un cadre mégrétiste des années 1990" avec "immigration et identité à tous les étages".

Dans le sud-est, la présidente du RN a consacré près de 40 minutes sur 50 à la "folle politique immigrationniste" de l'UE et à la "soumission" à cet égard d'Emmanuel Macron.

Un discours "très bien orienté", confie à l'AFP son père Jean-Marie Le Pen, qui a présidé le parti près de 40 ans avant d'en être exclu en 2015, pourtant d'habitude très critique à l'égard de sa fille.

La dirigeante du RN fera un autre clin d'œil à son père dimanche. Elle participera à Mantes-la-Ville (Yvelines) à une "fête du drapeau", qui rappelle les fêtes BBR (bleu-blanc-rouge) organisées de 1981 à 2006.

Ce sujet "marqueur" du parti, "rapporte beaucoup plus que de s'enferrer dans des querelles d'experts sur le moment où il va falloir sortir de l'euro", question que Marine Le Pen n'a pas abordée et qui divise ses électeurs, note M. Camus.

La finaliste de la présidentielle 2017 avait fait campagne pour une sortie immédiate de la France de l'UE, avant de considérer que ce n'était plus une priorité.

- Brexit -

"Quand le parti va mal, il y a souvent une offensive sémantique pour rediriger ses électeurs vers les fondamentaux", relève l'historienne Valérie Igounet. Le RN, déjà très endetté, fait l'objet de plusieurs enquêtes dont l'une a conduit à la saisie d'une aide publique de 2 millions d'euros.

"Ayant enfin compris que la ligne de souverainisme intégral lui avait tué ses seconds tours de 2015 (élections régionales) à 2017, elle fait un retour pur identitaire-immigration", explique l'historien Nicolas Lebourg.

L'eurodéputé Nicolas Bay, cité pour conduire la liste du RN aux européennes, a admis sur RFI que la question de la "viabilité" de l'euro se posait, mais "à long terme".

"C'est compliqué pour le RN de dire que c'est facile de sortir de l'UE alors que le Brexit n'est pas véritablement un succès", souligne M. Camus. Sachant qu'en outre ses alliés en Europe ne sont pas toujours sur la même longueur d'onde. Le FPÖ autrichien n'a jamais souhaité sortir de l'Union.

L'immigration permet aussi au RN d'être en phase avec ses alliés au pouvoir en Europe. Mais dans l'isoloir, l'électeur "ne s'intéressera pas à Matteo Salvini (patron de l'extrême droite italienne et ministre de l'Intérieur, NDLR). Il votera sur des considérations plus générales", estime M. Camus.

- "Substitution" -

La dirigeante du RN n'a pas expliqué à Fréjus comment elle allait passer de l'UE, "dictature populicide" qu'elle compare à l'URSS, à "l'Union des nations européennes" qu'elle appelle de ses vœux.

Or "pour faire une autre Europe, il faut déjà détricoter celle qui existe", souligne M. Camus.

Marine Le Pen "ne va pas au bout" non plus de ce qu'elle appelle "l'autre" ou la "vraie" Europe. "Vive l'Europe, la vraie", a-t-elle conclu, sans dire si elle faisait référence à une Europe "chrétienne ou à l'Europe pluri-millénaire ancrée dans la civilisation indo-européenne", note-t-il.

Mais quand la dirigeante du RN évoque un peuple qui "organise volontairement la submersion irréversible de son territoire", qui "planifie la remise en cause de sa culture" et "la disparition de son identité", Valérie Igounet y voit un écho à la thèse controversée du "grand remplacement".

Sur son compte Twitter, Mme Le Pen évoque une immigration qui fera disparaître "par dilution ou substitution" culture et mode de vie, des mots que la cheffe du RN n'a pas prononcés sur scène.

Marine Le Pen a toujours rejeté la thèse du grand remplacement pour son "complotisme". Pourtant "les mots de substitution, d'un pays qu'on ne reconnaît plus, qui est envahi, s'inscrivent dans cette thèse. Sans avoir besoin de la nommer", selon Mme Igounet, co-auteur d'une note sur ce concept à paraître pour la Fondation Jean Jaurès.

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