Grèce : des réfugiés se mettent au vert pour mieux s'acclimater

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Par Catherine BOITARD - Kapparélli (Grèce) (AFP)
Publié le 14 avril 2018 - 14:59
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Une réfugiée d'Irak prépare des plats dans la cuisine du restaurant "Roots, farm to table" à Athènes, le 9 mars 2018 avec des légumes récoltés dans une ferme par d'autres réfugiés
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© LOUISA GOULIAMAKI / AFP
Une réfugiée d'Irak prépare des plats dans la cuisine du restaurant "Roots, farm to table" à Athènes, le 9 mars 2018 avec des légumes récoltés dans une ferme par d'autres réfugiés
© LOUISA GOULIAMAKI / AFP

Persil, roquette, oignons et pommes de terre, la récolte du jour a été bonne pour Suzan, une Syrienne d'Afrine. De quoi fournir le restaurant collectif où elle travaille à Athènes, et améliorer le quotidien d'autres exilés échoués en Grèce.

Tout sourire, au milieu des champs fleuris et ensoleillés, cette quadragénaire respire le bonheur de retrouver le contact avec la terre, après des mois passés de camps de réfugiés en centres d'accueil, dernièrement un lycée transformé en squat du centre d'Athènes.

"L'idée est de sortir de la charité, d'aider les nouveaux arrivants à rompre leur inaction forcée et de montrer à ceux qui veulent rester qu'il y a des débouchés", explique à l'AFP son compatriote, Salman Dakdouk, dit "Kastro", pour sa part installé de longue date en Grèce.

A 49 ans, il anime ce retour à la nature en combinant une expérience agricole acquise en Crète où il a longtemps travaillé, et un savoir faire autogestionnaire hérité d'années d'activisme.

Le projet a été lancé il y a un an dans le village de Kaparelli, à 70 km au nord d'Athènes, avec l'aide d'un compagnon de route originaire du cette localité, qui a négocié les premières locations de champs.

- Économie réfugiée en cycle court-

Au fil des contacts, des habitants ont aussi prêté des friches, notamment des vignes, dont les feuilles sont prisées pour la cuisine orientale, et des oliveraies.

La ferme compte désormais 16 hectares, surtout de cultures potagères, "toutes bio" se félicite Kastro, et accueille brebis, pour le fromage, et poules, dans l'attente de vaches.

Producteurs, rémunérés, et consommateurs: tous sont des hôtes de la demi-douzaine de centres d'accueil autogérés de la capitale ralliés au projet par Kastro.

Sur un total de quelque 50.000 exilés laissés en Grèce par le grand exode de 2015-2016, environ un millier, notamment Syriens, Irakiens, Afghans, sont actuellement hébergés dans ces structures, qu'ils soient de passage, en attente d'un regroupement familial ou d'un réseau de trafiquants qui leur fera quitter la Grèce, ou en voie au contraire de s'y installer.

C'est le cas de Salik, un Iranien de 23 ans venu aider au chargement des pommes de terre en attendant une réponse à sa demande d'asile. Même si "la campagne ce n'est pas vraiment (son) truc".

Des salades fraîches aux pots de concentré de tomates ou de piments au vinaigre, la production est aussi écoulée sur le marché dominical d'Exarheia, le quartier contestataire du centre d'Athènes, et dans les cuisines du restaurant "Roots, farm to table", que Suzan fait tourner avec quatre autres familles de réfugiés.

- L'intégration par les champs -

"Nous aidons également sept familles" du village, frappées par la crise économique qui plombe la Grèce depuis huit ans, précise Kastro. De quoi huiler les rapports avec les paysans locaux, au départ assez méfiants.

Dans un pays où le marché de l'emploi, sinistré, offre peu d'opportunités aux nouveaux venus, l'initiative fait figure de possible modèle d'intégration. Le gouvernement a récemment annoncé s'orienter vers un développement des activités agricoles pour absorber la main d'oeuvre exilée.

Pour Fahed Abo Aguz, réfugié depuis trois ans et demi en Allemagne, près de Stuttgart, le projet doit toutefois passer à la vitesse supérieure s'il veut durer.

Mis en contact avec Kastro grâce au passage par Athènes de sa femme et ses cinq enfants, qui l'ont depuis rejoint en Allemagne, il fait désormais un aller et retour par mois entre son nouveau pays et la ferme de Kaparelli.

"Ici le climat est bon, la main d’œuvre accessible", explique ce trentenaire originaire de la région d'Alep. Fils d'exploitants agricoles, il s'est lancé dans l'export de produits frais pour des épiceries orientales du nord de l'Europe, depuis Kaparelli, et veut y développer une unité de production de boulgour, de la culture à la transformation.

"Actuellement tout vient de Turquie, il y a un créneau", juge-t-il. "Mais ce qui est vraiment difficile, pour nous les réfugiés, c'est de trouver des investisseurs".

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