La maison de correction de l'horreur a fait de cet Américain "un monstre"

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Par Leila MACOR - Fort Myers (Etats-Unis) (AFP)
Publié le 26 avril 2019 - 23:48
Mis à jour le 03 mai 2019 - 13:02
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Jerry Cooper à Fort Myers, le 23 avril 2019 en Floride
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© Leila MACOR / AFP/Archives
Jerry Cooper à Fort Myers, le 23 avril 2019 en Floride
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Les tortures et les violences ayant longtemps rythmé le quotidien d'une maison de correction du nord-ouest de la Floride ont fait de Jerry Cooper "un monstre". Soixante ans plus tard, les excuses ne suffisent pas.

"J'étais un enfant quand je suis entré là-bas. Ce n'était plus le cas quand j'en suis sorti. J'étais un monstre", raconte-t-il à l'AFP. "La violence engendre la violence. Une violence totale, 24 heures sur 24, mentale, sexuelle ou physique".

La Florida School of Boys, maison de correction surnommée Dozier, s'étendait sur près de 600 hectares à Marianna, dans une région du nord-ouest de la Floride lourdement frappée en octobre 2018 par l'ouragan Michael.

C'est sur ce terrain que des opérations de nettoyage des dégâts ont mis au jour 27 "anomalies". Vraisemblablement des restes humains, a révélé le 11 avril le quotidien local Tampa Bay Times.

Helen Ferré, porte-parole du gouverneur de Floride Ron DeSantis, a indiqué mercredi à l'AFP que la zone n'avait pas encore été fouillée car les autorités locales s'emploient à déterminer la meilleure façon de procéder concernant ces tombes potentielles.

Pour Jerry Cooper, qui a vécu l'enfer à Dozier, cette découverte est tout sauf une surprise.

Une nuit de 1961, alors qu'il avait seize ans, les surveillants l'ont sorti de sa chambre et l'ont fouetté à 135 reprises avec une ceinture en cuir, se souvient-il, disant avoir vu son sang éclabousser les murs de la pièce.

"Je ne m'en suis jamais remis", confie cet homme de 74 ans qui prend toujours des médicaments liés aux lourdes séquelles.

"Je ne pensais pas qu'une telle chose pouvait arriver dans l'Amérique moderne", ajoute-t-il en secouant sa tête couverte d'une casquette de l'armée de l'air, au sein de laquelle il a servi à sa sortie de Dozier.

Le septuagénaire vit aujourd'hui avec son épouse dans une paisible communauté pour personnes âgées du sud-ouest de la Floride et rêve de se rendre au Canada avec son chien, Blue, au guidon de sa rutilante moto à trois roues.

- "Les garçons de la maison blanche" -

Selon les témoignages d'anciens pensionnaires de la maison de correction, qui dépendait des services pénitentiaires de Floride et qui a opéré de 1900 à 2011, les actes de cruauté y étaient monnaie courante au début des années 1960.

Les parents de Floride menaçaient leurs enfants de les envoyer à Marianna s'il n'étaient pas sages. Mais la réputation de l'établissement n'était pas du folklore: certains jeunes n'y ont pas survécu.

Des anthropologues de l'université de Floride du Sud ont en effet découvert en avril 2016, à l'issue d'une enquête de quatre ans, les vestiges de 55 sépultures anonymes sur les terres de Dozier. Un chiffre qui pourrait passer à 82 avec les découvertes post-ouragan.

D'après Helen Ferré, ces mêmes anthropologues "se préparent à explorer" la nouvelle zone.

Selon un rapport de cette université, les enfants étaient envoyés dans la maison de correction pour vol ou meurtre mais aussi pour des incidents mineurs comme "mauvais comportement", "absentéisme scolaire" ou "dépendance".

Des orphelins y étaient également placés, faute de famille d'accueil.

"Les témoignages faisant état d'enfants enchaînés aux murs, de coups de fouet brutaux et d'esclavage ont commencé à surgir dès 1901", ont écrit les chercheurs.

Des survivants de Dozier ont constitué en 2008 le groupe "White House Boys" (WHB) --"Les garçons de la maison blanche"--, afin de pousser l'Etat de Floride à reconnaître sa responsabilité dans les sévices.

Le nom du groupe, qui compte environ 300 membres, fait référence à la "maison blanche" dans laquelle les surveillants emmenaient les jeunes pour leur asséner des coups de ceinture.

Beaucoup sont devenus des "criminels", selon Jerry Cooper, président du WHB. "Comment pourrait-il en être autrement?", lâche-t-il, fataliste, en haussant les épaules.

L'Etat de Floride leur a présenté des excuses en avril 2017. Mais aucune compensation financière n'a été versée, ni aucune poursuites engagées.

Et le temps presse pour Jerry Cooper et pour les autres "White House Boys", tous septuagénaires.

"Je suis inquiet pour les enfants dont nous ne connaissons pas l'identité. Sans nous, ils n'ont personne", soupire le responsable du groupe, sur le bras duquel ne restent que quelques mots d'un vieux tatouage fané: "La mort plutôt que le déshonneur".

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