Maroc : les réfugiés, aussi, ont du talent

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Par Stéphanie WENGER - Rabat (AFP)
Publié le 24 juin 2018 - 12:28
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Photo fournie par le UNHCR le 19 juin 2018, montrant le musicien marocain Younes Fakher durant le concours "Refugees got talent" dans la capitale Rabat
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© - / UNHCR/AFP
Photo fournie par le UNHCR le 19 juin 2018, montrant le musicien marocain Younes Fakher durant le concours "Refugees got talent" dans la capitale Rabat
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Ils sont poètes, rappeurs, danseurs ou acteurs, professionnels ou amateurs, ils viennent du Cameroun, de Côte d’Ivoire, de Syrie, de Palestine ou de Libye. Tous réfugiés, ils se sont investis avec bonheur dans un concours de talents organisé par le Haut commissariat aux Réfugiés (HCR) au Maroc.

Arthur, un Camerounais de 27 ans, a donné le meilleur de son "coupé décalé" pour ce concours intitulé "Refugees got talent" ("Les réfugiés ont du talent") devant les quatre juges chargés de sélectionner les finalistes.

"Ca m'apporte de la joie au coeur", dit ce danseur professionnel, gay et militant de la cause LGBT (Lesbiennes, Gays, Transexuels) qui a fui son pays où l'homosexualité est punie de prison.

Au Cameroun, "c'était trop risqué pour moi, je ne pouvais plus rester au pays, il fallait que je bouge", confie-t-il avec fatalité.

Arrivé il y a deux ans au Maroc -au départ simple étape de son rêve de nouvelle vie en Europe-, Arthur a obtenu sa carte de réfugié l'an dernier.

Il ne compte pas rester là puisque l'homosexualité y est aussi traitée comme un crime passible de prison. Mais ses chances de partir ailleurs sont minces: l'an dernier, seuls 94 réfugiés enregistrés au Maroc ont obtenu leur transfert dans un pays tiers, selon le HCR.

En attendant, pour "'oublier", Arthur s'est donné à fond dans les chorégraphies syncopées de son groupe, "les Fantastiques", pendant les répétitions.

"Je n'attends pas grand-chose de cet événement, mais rien que de me produire devant des gens qui aiment ce que je fais, ça me plaît", explique le jeune homme coiffé d'une couronne de tresses qui retombent sur ses tempes rasées.

"Les réfugiés ont vécu des traumatismes sur leur parcours migratoire ou dans leur pays d'origine d'où ils sont partis pour fuir les persécutions et les conflits. Ce concours représente une opportunité de sortir d'un contexte difficile, de rencontrer d'autres personnes, de s'amuser …", détaille Gosia Bratkrajc, une responsable du HCR qui organise le concours pour la deuxième fois au Maroc.

Des shows du même type ont déjà été proposés dans des camps de réfugiés en Ouganda et en Irak.

- "Préjugés" -

Un des objectifs au Maroc est de "changer les préjugés qui existent dans la société à l'encontre des réfugiés" et "pour cela l’art est un langage universel", explique Gosia Bratkrajc.

La compétition était ouverte à tous les réfugiés enregistrés dans le royaume,soit un peu plus de 5.000 personnes originaires de 38 pays, un chiffre qui a bondi de 300% en trois ans, du fait notamment de la fermeture des frontières européennes.

Les neuf finalistes sélectionnés pendant les castings ont répété pendant plus d'un mois dans les locaux d'une association d'aide aux migrants.

"C'est une belle occasion pour nous de rencontrer du monde, de découvrir la culture d’autres pays, au lieu de rester assis à la maison avec la même routine", s'enthousiasme Mahmoud, Palestinien de 23 ans originaire de la bande de Gaza.

Comédien de profession, il présente une pièce de théâtre où il campe un vieil homme en sarouel que son fils veut convaincre de ses rêves de carrière artistique. Son ami Mohamed, 23 ans, a écrit la pièce avec lui et lui donne la réplique.

Après avoir été invités par un festival marocain, les deux jeunes Palestiniens n’ont pas pu rentrer chez eux: ils sont restés au Maroc quand ils ont appris que le poste-frontière par lequel ils avaient transité, en Egypte, avait fermé.

- "Réalité chaotique" -

La finale a été organisée cette semaine à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés, dans un palace de Rabat, devant une grosse centaine de spectateurs, officiels et diplomates, triés sur le volet.

Abir a interprété avec émotion une chanson de la diva égyptienne Oum Kalthoum, accompagnée par un virtuose marocain du oud. Cette Syrienne qui a fui la répression du régime avec son mari et ses trois enfants vit depuis cinq ans à Tanger (nord).

Elle est fière de sa performance en public. Mais l'atmosphère du gala, le décor fastueux et le buffet plantureux lui laissent un sentiment amer.

"J'aurais aimé qu'on me donne l’occasion de parler de la réalité chaotique des réfugiés syriens dans le monde et au Maroc", regrette-t-elle en soulignant que les préoccupations premières concernent le logement, l'emploi, les processus administratifs aussi complexes qu'interminables.

Pendant la soirée, les "Fantastiques", comme tous les lauréats, ont été récompensés par un bon d'achat de supermarché d'une centaine d'euros. Fabien, un des danseurs camerounais, "espérait pouvoir faire passer un chapeau pour récolter un peu d’argent". Il y a renoncé, découragé par l'ambiance officielle de l'événement.

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