Misère, précarité et passion : les jockeys, tâcherons du hippisme algérien

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Par AFP - Alger
Publié le 30 juillet 2018 - 06:57
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Un jockey algérois à l'hippodrome du Caroubier, le 24 mars 2018 à Alger
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© RYAD KRAMDI / AFP/Archives
Un jockey algérois à l'hippodrome du Caroubier, le 24 mars 2018 à Alger
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Les pur-sang qu'ils montent sont l'objet de toutes les attentions mais les jockeys algériens forment, eux, un prolétariat miséreux, mal payé et sans protection sociale, sillonnant le pays au rythme des courses, poussés par leur passion.

Les jockeys ne sont pas salariés mais embauchés à la course par un propriétaire. Ceux qui amènent leur monture à une place payée récupèrent 10% des gains attribués au propriétaire du cheval. Les autres repartent sans rien.

Trente ans de déclin du hippisme algérien ont réduit le nombre de courses - deux quotidiennes désormais sur un hippodrome différent du pays - et le montant des dotations, appauvrissant la filière et "précarisant" davantage les quelque 150 jockeys d'Algérie qui carburent à la passion.

Un jockey prend généralement le départ de quatre courses par semaine et les meilleurs terminent placés dans une trentaine par an, explique à l'AFP Abdelhakim Chaabi, 30 ans, membre d'une fratrie de cinq jockeys.

Résultat, "un bon jockey gagne en moyenne 120.000 dinars par an" (environ 870 euros)", moins que le salaire minimum de 18.000 dinars par mois et "pas assez pour vivre", ajoute Abdelhakim Chaabi.

Les déplacements sont payés par le propriétaire qui prête aussi la casaque à ses couleurs, mais le reste du coûteux équipement est à la charge du cavalier: pantalon, bottes, cravache, casque, selle..., le tout coûte environ 130.000 dinars et s'use vite.

Les jours de courses, sur des chevaux bouchonnés et bichonnés, on voit souvent des culottes usées, des bottes grossièrement rapiécées et des selles réparées au papier adhésif... Malgré les risques, certains avouent courir avec un casque abîmé, car trop cher à remplacer.

Hors des courses, la plupart des jockeys travaillent comme "lads" (soigneur-entraîneur). La paie est maigre: de 10.000 à 25.000 dinars mensuels, "au noir".

Logés par leur employeur, plusieurs s'entassent à l'hippodrome du Caroubier d'Alger dans une petite chambre humide, non chauffée et sans eau chaude, près des boxes des chevaux.

Sans sécurité sociale, une blessure peut coûter cher en frais médicaux. Et stopper du jour au lendemain une carrière déjà courte, sans pension de retraite et avec peu de perspectives de reconversion.

La plupart des jockeys n'ont pas fait d'études. L'unique centre de formation des métiers du cheval, à Zemmouri (60 km à l'est de l'Alger), est fermé depuis 1992.

"On commence à monter avec la fougue de la jeunesse, sans penser au lendemain", se souvient Mohamed, 39 ans, ancien jockey reconverti peintre en bâtiment.

Nés près d'un champ de courses de M’sila (240 km au sud-est d'Alger) qui leur a donné le "virus du cheval", les cinq frères Chaabi faisaient dès 10-12 ans l'école buissonnière pour monter.

"Je ne me vois pas faire autre chose", confie le benjamin, El Hadi, 24 ans.

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