"Personne n'a été exploité" : des parents défendent la GPA

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Par Alexandre HIELARD - Paris (AFP)
Publié le 20 mai 2018 - 11:02
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Des élus manifestent leur opposition à la GPA et à la PMA, en mai 2013 à Lyon
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© PHILIPPE DESMAZES / AFP/Archives
Des élus manifestent leur opposition à la GPA et à la PMA, en mai 2013 à Lyon
© PHILIPPE DESMAZES / AFP/Archives

Nathalie et François estiment n'avoir "rien fait d'illégal". Bruno et Christophe sont lassés d'entendre "toujours les mêmes arguments". Parents de jumeaux nés de mères porteuses aux États-Unis, ils s'inquiètent pour leurs enfants "fantômes" dont la France, qui interdit la GPA, refuse d'établir la filiation.

Pour Bruno et Christophe, un couple de quadras parisiens, le recours à la gestation pour autrui n'allait pas de soi.

"On ne voulait pas exploiter une femme, commander un bébé, ça nous paraissait assez malsain", souligne Bruno, 44 ans. Son compagnon Christophe, 43 ans, réalise qu'ils avaient "les préjugés qu'ont encore certains aujourd'hui".

Puis vient "le déclic": des amis deviennent parents d'un enfant par GPA aux États-Unis. "Leur relation avec la mère porteuse était très humaine, ils vivaient une belle histoire. On s'est dit, +pourquoi pas nous+?", se souvient Bruno.

Après "deux à trois ans de maturation", le couple se lance dans l'onéreuse aventure - environ 100.000 euros - et Veronica, la mère porteuse, accouche en 2014 de leurs jumelles Olympe et Colombe dans une clinique de Portland, dans l'Oregon.

Le choix des États-Unis s'est immédiatement imposé: "c'est cadré, les agences ont pignon sur rue". Un "lien très fort" est resté avec la mère porteuse, qu'ils retrouvent une fois par an, en France ou outre-Atlantique.

Nathalie et François n'ont pas encore pu revoir Kristin, qui a donné naissance en Floride en 2012 à leurs jumeaux Matteo et Mathilde. "C'était son rêve de nous aider à devenir une famille" et les deux enfants de cette "catholique convaincue" étaient "très fiers" de leur maman, assure François, 51 ans.

La rencontre est aussi un choc des cultures. "Quand on leur a expliqué que la GPA n'était pas autorisée en France, ils nous ont regardés comme si on était encore à la préhistoire", s'amuse Nathalie, 52 ans, infertile car exposée au distilbène dans le ventre de sa mère.

- Libre-arbitre -

Les deux couples n'ont pas eu l'impression de braver un interdit. "On l'a fait aux États-Unis où c'est légal, donc on n'a pas du tout le sentiment d'être hors la loi", assume Bruno. "Ça ne s'est pas fait sur un coin de table, complète François. Il y a des avocats, un staff médical, un staff psychologique".

La question de procréation (PMA et GPA) est celle qui a le plus mobilisé lors des Etats généraux de la bioéthique, dont la phase de consultation s'est achevée fin avril.

Mais, selon François, cela "n'a pas permis de faire progresser le débat" car l'opinion publique est "très mal informée" et n'entend parler de GPA qu'à travers des "malheurs".

Les opposants à la GPA, comme la philosophe Sylviane Agacinski ou le professeur René Frydman, père du premier bébé éprouvette, mettent l'accent sur ses lourdes implications éthiques. "Une telle transaction commerciale (elle l'est toujours, même si l'on déguise le paiement en indemnité ou dédommagement) est contraire aux droits de la personne humaine", écrivaient-ils dans une tribune en janvier.

"L'objet d'un tel commerce n'est pas seulement la grossesse et l'accouchement, c'est aussi l'enfant lui-même, dont la personne et la filiation maternelle sont cédées à ses commanditaires", poursuivait la quarantaine de signataires.

"On entend toujours les mêmes arguments sur la marchandisation du corps, mais on ne parle pas du libre-arbitre de la femme", objecte Bruno.

Si les récents sondages semblent montrer qu'une majorité de Français est désormais ouverte à une légalisation de la GPA - 55% selon un sondage BVA de mars -, Emmanuel Macron s'est toujours prononcé pour le maintien de son interdiction.

Quelques centaines d'enfants naissent tout de même chaque année par ce biais dans et hors des frontières nationales, selon des estimations des associations.

En attendant, les deux couples souhaitent que leurs enfants - qui ont la nationalité française - soient reconnus en France, par la transcription de leurs actes de naissance étrangers à l'état civil français, comme s'y était engagé le président pendant la campagne.

Aujourd'hui, "ce sont les enfants de personne, ce sont des fantômes", se désole François.

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