Un orphelin du Brexit adopte le Danemark, champion de l'UE à la carte

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Par Camille BAS-WOHLERT - Herning (Danemark) (AFP)
Publié le 12 mars 2019 - 12:07
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Capture d'écran d'une vidéo de l'AFPTV, tournée à Herning au Danemark le 13 février 2019, filmant Andrew Tristram, un Britannique qui demande la nationalité danoise
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© Camille BAS-WOHLERT / AFP
Capture d'écran d'une vidéo de l'AFPTV, tournée à Herning au Danemark le 13 février 2019, filmant Andrew Tristram, un Britannique qui demande la nationalité danoise
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Orphelin du Brexit, Andrew Tristram n'est pas à un paradoxe près: il deviendra bientôt peut-être citoyen du Danemark, champion de l'UE à la carte et dont les habitants sont parmi les plus eurosatisfaits.

Avant le 23 juin 2016, l'idée ne l'avait jamais effleuré mais, depuis le vote en faveur du Brexit, le quadragénaire rêve de décrocher un passeport européen aux couleurs du royaume scandinave.

"Je n'avais jamais eu un passeport danois auparavant parce que c'était un peu de la traîtrise: comme si j'abandonnais la Grande-Bretagne, mais là, ils m'ont abandonné", dit-il résigné, dans la salle du théâtre d'Herning (ouest) où il travaille comme responsable de production.

En novembre 1992, amoureux d'une Danoise rencontré à Londres, il a emménagé dans le pays scandinave, où il s'est installé tout en conservant des liens forts avec le pays de Galles où il est né.

De son propre aveu, il parle désormais danois comme un pêcheur du Jutland, la région où il réside.

Comme tous les Britanniques vivant hors du Royaume-Uni et au sein de l'UE depuis plus de 15 ans, il n'a pas été autorisé à voter lors du référendum.

"Toutes ces personnes ont décidé ce qui doit se passer dans ma vie et je n'ai pas eu mon mot à dire", s'insurge-t-il.

- "Déçu" par le Brexit -

"Quand le Brexit est arrivé, j'ai perdu quelque chose", confie Andrew qui, à 47 ans, a "toujours été fier d'être Britannique".

Pourtant, "de la manière dont je vois les choses, beaucoup vient de ma vie au Danemark, notamment le fait que je pense que l'Union européenne est une bonne chose", dit-il.

Dès son entrée dans l'UE en 1973, le Danemark, très jaloux de sa souveraineté, conserve des dérogations aux traités communautaires notamment en terme de coopération judiciaire.

Champion de l'Europe à la carte, il peut se vanter d'avoir une population parmi les plus europhiles d'Europe: 75% des Danois estiment en effet que l'appartenance à l'UE est une bonne chose, contre 61% des Français ou 39% des Tchèques, les plus eurosceptiques selon un rapport de 2018 du Parlement européen.

"Furieux" et "déçu" par les résultats du référendum, le quadragénaire débonnaire, marié et père de deux fils a déposé sa demande en ligne en janvier 2018.

Mais avant, il a dû s'acquitter d'un test de langue et d'un autre de citoyenneté, censé valider ses connaissances sur son pays d'adoption.

Décriée lors de sa mise en place à cause de la difficulté du questionnaire qui couvre aussi bien les temps vikings que les législatives de 1973, cette épreuve, qui n'a lieu que deux fois par an, ne lui a pas donné de sueurs froides.

"Non que je veuille me vanter mais (...) nous avons fait le test ensemble (avec des amis danois), et (...) c'est moi qui ait obtenu le plus de bonnes réponses", s'amuse-t-il.

En situation, l'examen ne lui a pris que six minutes sur les 45, proposées aux candidats.

"Vous avez un fascicule et tout est dedans, à part les cinq dernières questions" sur 40, assure-t-il pourtant.

32 bonnes réponses sont nécessaires pour obtenir le précieux sésame et près d'un prétendant à la nationalité danoise sur deux est recalé.

- Un processus très lent -

Depuis le dépôt en ligne de sa demande, Andrew attend. C'était il y a plus d'un an.

"Si j'ai une chance exceptionnelle, je serais sur la liste (de naturalisation) de l'automne de cette année", dit-il.

En tout cas, pas à temps pour le 29 mars, date prévue pour la sortie effective de la Grande-Bretagne de l'Union européenne.

"Je ne m'attends pas à être expulsé du Danemark, mais j'ai bien peur que les vacances d'été posent problème".

Habitués de périples en voiture, il craint déjà de devoir demander "un visa pour chaque pays" qu'il va traverser.

Mais pour lui, la vraie difficulté tient à l'incertitude. "Personne ne sait ce qu'il va se passer", déplore-t-il, plus las des atermoiements politiques que de la lenteur du processus de naturalisation.

Une chose est sûre, il a hâte d'obtenir son nouveau passeport. Il restera toutefois britannique, les deux pays autorisant la double-nationalité.

"Vous avez un peu l'impression d'être un agent secret: vous ouvrez le tiroir et vous vous demandez: +quel passeport, je prends?+ Ca va être plutôt cool+", sourit-il.

Depuis 2017, 383 Britanniques ont obtenu la nationalité danoise, sur les 10.108 personnes naturalisées.

Plus d'un million de Britanniques vivent dans l'Union européenne. Ils sont quelque 15.000 au Danemark.

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