"Freedom" : l'esclavage moderne, ce n'est pas que du cinéma (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 27 novembre 2019 - 18:50
Mis à jour le 03 décembre 2019 - 22:59
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Film Freedom
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©Apollo Films
Le jeune acteur cambodgien Sarm Heng interprète le rôle principal du film.
©Apollo Films

SORTIE CINÉ – Ce film représentera l'Australie aux prochains Oscars mais raconte l'histoire d'un adolescent cambodgien vendu comme esclave à un capitaine de chalutier dans le Golfe de Thaïlande. Freedom, du réalisateur australien Rodd Rathjen, présenté dans de nombreux festivals et qui sort sur les écrans français ce mercredi 27 novembre, se base sur une réalité qu'on connaît peu en Occident.

"J’ai eu l’idée de Freedom quand je suis tombé, il y a quelques années, sur un article qui parlait de l’esclavage moderne et de l’exploitation humaine dans l’industrie de la pêche thaïlandaise", explique le réalisateur, Rodd Rathjen, 38 ans, dont c'est le premier long-métrage. "J’avais du mal à croire qu’une telle barbarie était possible. J’ai commencé à entreprendre de nouvelles recherches et à échafauder un récit sur cet univers. Je me suis dit qu’un film serait un bon moyen de sensibiliser le grand public à cette question".

Un  film avec eux 

"Au départ, je n’étais pas très à l’aise à l’idée de parler de Cambodgiens car il s’agit d’une culture très éloignée de l’environnement dans lequel j’ai grandi en Australie", ajoute-t-il. Mais il a fait son enquête, a rencontré une cinquantaine de Cambodgiens et de Thaïlandais qui lui ont raconté leur histoire. "Je voulais faire ce film avec eux et non pour eux", dit-il.

Il a donc écrit un scénario sur ce fond de réalité. Le film raconte une fiction à suspense, l'histoire de cet adolescent de 14 ans qui quitte son pays pour un avenir meilleur, son passage prématuré à l'âge adulte, son combat pour conserver sa lucidité malgré le chaos et la violence qui l’entourent, ses tentatives pour sortir de cet enfer. Mais c'est aussi une mise en scène quasi documentaire, tournée au Cambodge et sur un vrai chalutier en mer, avec beaucoup d'acteurs non-professionnels et certains figurants jouant leur propre rôle.

Le plus atroce, c’est que ce monde existe

Le rôle principal de l’adolescent Chakra, qui prononce peu de paroles et garde une force intérieure impressionnante, est remarquablement interprété par Sarm Heng, 14 ans au moment du tournage, qui a joué dans des courts métrages et comme figurant dans le dernier film d'Angelina Jolie, D'abord, ils ont tué mon père (2017), sur les horreurs du régime des Khmers rouges. Le capitaine du chalutier est joué par l’acteur et réalisateur thaïlandais Thanuwut Kasro, tandis que c'est un acteur cambodgien connu, Mony Ros, qui interprète le jeune père de famille Kea.

"Au bout d’un certain temps passé au large, le spectateur peut être amené à se demander si le film est une forme de cauchemar allégorique, mais le plus atroce, c’est que ce monde existe et que des situations comme celles-ci perdurent encore aujourd’hui", conclut le réalisateur.

"Freedom", qui sort ce mercredi, raconte l'histoire d'un adolescent cambodgien qui décide d'aller travailler en Thaïlande dans une usine mais se retrouve prisonnier sur un chalutier en mer. Ce film à suspense est basé sur une réalité, l'emploi de travailleurs étrangers victimes de travail forcé dans le secteur de la pêche en Thaïlande.

Rêve de Thaïlande

Dans la campagne cambodgienne, Chakra, 14 ans, travaille dans la rizière avec sa famille. Il porte de lourds sacs, répand de l'engrais, s'épuise quotidiennement sans être payé. Il rêve d'une vie meilleure et de plus d'indépendance et, sans rien dire à ses proches, contacte donc un passeur pour trouver un emploi rémunéré dans une usine en Thaïlande.

Il passe la frontière avec une vingtaine de ses compatriotes, dont Kea, un jeune père de famille trentenaire parti pour nourrir sa famille et avec qui il se lie d'amitié. Tous ces migrants arrivent à Bangkok où, en pleine nuit, ils sont conduits par camion dans un port.

Chakra, Kea et quelques autres Cambodgiens et Birmans vont se retrouver non pas dans une usine mais sur un chalutier, en pleine mer, pour la pêche intensive. Ils vont vite comprendre qu'ils y sont prisonniers, qu'ils ne seront jamais payés, et qu'il n'y a pas moyen de fuir. "C'est votre maison maintenant. Pour toujours", glisse à l'oreille de Chakra le capitaine du bateau, cruel et effrayant…

 

Lire aussi: En Thaïlande, la précarité des travailleurs birmans face à des agents peu scrupuleux

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), "le secteur de la pêche commerciale et des produits de la mer compte pour environ 6 milliards de dollars dans les exportations du pays, qui figure parmi les principaux exportateurs mondiaux de produits de la mer. En Thaïlande, les secteurs de la pêche et de la transformation des produits de la mer employaient en 2017 plus de 600.000 travailleurs, parmi lesquels 302.000 travailleurs migrants enregistrés. Le secteur thaïlandais de la pêche enregistrait en 2017 à lui seul plus de 57.000 pêcheurs migrants travaillant sur quelque 10.550 navires de pêche commerciale".

Le pire : ne pas être payé

De son côté l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch, qui a mené pendant deux ans en 2016 et 2017 des entretiens avec 248 pêcheurs et anciens pêcheurs en provenance de Birmanie et du Cambodge mais aussi avec des responsables politiques thaïlandais, des propriétaires de bateaux, des militants locaux et des personnels des Nations unies, en a tiré la conclusion que "le travail forcé est une pratique commune. Les pêcheurs que nous avons interrogés racontent qu’ils ont été amenés de force sur ces bateaux et mis au travail sans sommation. Ils souffrent de violences physiques, du manque de nourriture et de conditions de travail atroces"  Mais le pire pour nombre d’entre eux est encore autre chose : de ne pas être payé.  

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