"Les plus belles années d'une vie" : le devoir de mémoire de Claude Lelouch (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 20 mai 2019 - 09:24
Mis à jour le 21 mai 2019 - 21:07
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Jean-Louis Trintigant et Anouk Aimée dans le film de Lelouch Les Plus Belles Années d'Une Vie
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©Metropolitan Films
Jean-Louis Trintignant, Anouk Aimée: un homme et une femme, 53 ans après.
©Metropolitan Films

CRITIQUE – Ils ont 256 ans à eux trois: Claude Lelouch réunit à nouveau Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée dans son dernier film "Les plus belles années d'une vie", plus d'un demi-siècle après "Un homme et une femme". Le film sort sur les écrans ce mercredi, après sa présentation hors-compétition au Festival de Cannes.

SORTIE CINÉ – C'est un devoir de mémoire en forme de chabadabada que propose Claude Lelouch dans son 49e film, Les plus belles années d'une vie, qui sort dans les salles ce mercredi 22 mai quelques jours après sa présentation hors-compétition au Festival de Cannes. Plus d'un demi-siècle plus tard, il réunit à nouveau Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée, les acteurs de son film le plus célèbre, Un homme et une femme, pour une plongée émouvante dans les souvenirs.

Ils ont donc 53 ans de plus. Le pilote automobile Jean-Louis Duroc et la scripte de cinéma Anne Gauthier s'étaient connus et aimés en 1966, mais l'histoire d'amour n'a pas duré. Aujourd'hui Jean-Louis Duroc est dans une maison de retraite luxueuse ("le meilleur de ce qu'il y a de pire", dit-il) et, atteint de la maladie d'Alzheimer, lutte contre la perte de sa mémoire en récitant par cœur des poèmes de Paul Verlaine et de Boris Vian. Dans son fauteuil roulant qu'il surnomme "ma voiture de course", il est ronchon et solitaire, a un sale caractère, mais est le chouchou de la responsable de l'établissement (Marianne Denicourt), à qui il demande sans arrêt: "Vous êtes sûre que vous ne voulez pas coucher avec moi?"

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Il ne se souvient pas de grand-chose mais a gardé le souvenir de la femme de sa vie. Pour l'aider dans ses exercices de mémoire, son fils Antoine a donc l'idée de retrouver Anne Gauthier, qui tient une boutique en Normandie. "Vous êtes son meilleur souvenir", lui dit-il, en lui demandant d'aller rendre visite à son père. "Ça ne s'est pas très bien terminé avec votre papa. Il n'était pas seulement coureur automobile, il était aussi coureur", lui répond-elle.

Mais elle accepte. Elle se rend à la maison de retraite et revoit Jean-Louis Duroc. Il ne la reconnaît pas: "vous êtes nouvelle?". Mais…

"Il n’est pas question de la suite d’un film qui aurait marqué les esprits. Je me suis dit qu’il fallait que ce film intéresse même ceux qui n’ont pas vu Un homme et une femme. Qu’il se suffise à lui-même, qu’il soit autonome et libre. Il fallait absolument que ce film soit compact, entier. Je pars d’une histoire d’amour qui a eu lieu voilà 53 ans et qui a laissé des traces. C’est un film sur les empreintes que nous laissons", dit Claude Lelouch, qui était devenu célèbre (Palme d'or, Oscar) grâce à son 6e film, Un homme et une femme (revoir ici la bande-annonce).

Pourtant l'émotion sera plus grande pour ceux qui ont vu et aimé le film de 1966, notamment parce que Lelouch, 81 ans, a gardé les mêmes acteurs (Jean-Louis Trintignant, 88 ans, Anouk Aimée, 87 ans, mais aussi les deux enfants qui couraient sur la plage de Deauville à l'époque: Antoine Sire et Souad Amidou), parce qu'il est revenu filmer dans la chambre de l’hôtel Normandy de Deauville (maintenue intacte et devenue culte) où les deux amants avaient fait l’amour la première fois, et parce qu'il a entrelacé son film d'extraits du film de 1966, avec le rappel du fameux air chabadabada.

Lelouch, dont le dernier film Chacun sa vie était sorti en 2017, se fait plaisir en redonnant aussi à voir, en surimpression de l'image, son court-métrage de 1976 C'était un rendez-vous tourné en caméra subjective (aujourd'hui on dit POV) dans lequel, en un plan-séquence de neuf minutes, il fonce dans les rues de Paris au volant d'une voiture à 6h du matin, de la Porte Dauphine au Sacré-Cœur, en brûlant 18 feux rouges (exploit technique à revoir en intégralité ici).

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Ce montage et les aphorismes et mots d'auteur dont est friand Lelouch, imaginés par lui ou empruntés à l'écrivain Grégoire Lacroix, spécialiste des citations réelles ou inventées ("La mort c'est l'impôt de la vie", "On est fidèle tant qu'on n'a pas trouvé mieux", "Il est plus facile de séduire 1.000 femmes que de séduire 1.000 fois la même", "Toutes les histoires d'amour finissent mal, il n'y a qu'au cinéma qu'elles finissent bien", etc.) ne sont pas ce qu'on retiendra de meilleur de ce nouveau film, qui doit son titre à une citation de Victor Hugo: "Les plus belles années d'une vie sont celles que l'on n'a pas encore vécues".

Non, on retiendra plutôt tous les moments où apparaît à l'écran Jean-Louis Trintignant, souvent en gros plan, fabuleux de rides et de sourire charmeur, avec cette voix moqueuse et nostalgique, et qui tire vers le haut Anouk Aimée dans les nombreuses scènes de dialogue à deux –notamment celle de leurs retrouvailles, qui dure 19 minutes. Parmi les autres jolies surprises que réserve le film, il y a l'apparition de Monica Bellucci et, après le générique de fin, un clin d'œil plein d'optimisme.

Dans ce film-testament, plus réussi et plus attachant que celui dans lequel il avait déjà réuni Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée en 1986 pour le 20e anniversaire (Un homme et une femme: vingt ans déjà), Lelouch livre ses réflexions sur ce qui lui tient à cœur, avec candeur et sincérité: la vie, la mort, l'amour, le cinéma –et ici la mémoire, les souvenirs, le passé, le temps qui passe.

"J’ai pensé que jouer les prolongations dans une totale liberté pourrait être le pari de ma vie de cinéaste", conclut le réalisateur, ravi de ses retrouvailles avec l'un des couples de cinéma les plus mythiques, aux dialogues ici plus directs, plus authentiques, plus sereins. "Je me suis dit qu’à l’âge que nous avions, je pourrais tout leur faire dire. Il y avait prescription! Anouk et Jean-Louis sont dans la 3e mi-temps, moi aussi. On peut enfin dire ce que l’on pense… Alors que dans la vie de tous les jours, on a tendance à modérer nos propos".

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