"Sorry We Missed You" : contre le capitalisme, Ken Loach ne baisse pas les bras (vidéo)

Auteur(s)
Jean-Michel Comte
Publié le 21 octobre 2019 - 10:32
Mis à jour le 24 octobre 2019 - 12:30
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Film Sorry We Missed You
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©Le Pacte
Ricky ne pensait pas que le métier de chauffeur-livreur était si difficile.
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CRITIQUE – Dans son nouveau film "Sorry We Missed You", présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, Ken Loach dénonce à nouveau les dérives du capitalisme, à travers l'histoire d'un chauffeur-livreur qui s'établit à son compte mais a du mal à s'en sortir.

SORTIE CINÉMA – Dans sa lutte contre le capitalisme, Ken Loach ne baisse pas les bras. Le réalisateur britannique dénonce une nouvelle fois les dérives de l'économie libérale et ses conséquences néfastes sur la vie privée, dans son nouveau film Sorry We Missed You, qui sort ce mercredi 23 octobre.

Ricky (Kris Hitchen) est un bourreau de travail qui accumule les petits boulots mal payés (bâtiment, plomberie, menuiserie), sa femme Abby (Debbie Honeywood) rend visite avec dévouement aux personnes âgées à domicile. Ils vivent à Newcastle avec leurs deux enfants, un fils de 16 ans et une fille de 11 ans. Leur famille est unie, ils travaillent dur, mais ils ont du mal à mettre de l'argent de côté.

Alors Ricky décide de changer de travail: il devient chauffeur-livreur pour une entreprise qui livre des colis achetés sur Internet. Pour cela il doit acheter une camionnette et le couple est donc obligé de vendre la voiture familiale.

Mais, surtout, Ricky est désormais à son compte: "tu ne travailles pas pour nous, tu travailles avec nous", lui dit son nouveau patron. Il a un contrat "zéro heure": des horaires stricts mais pas de temps de travail minimum, seules comptent les livraisons. C'est un peu comme sa femme Abby, employée par une agence privée sous-traitante des services sociaux: elle est payée à la visite et elle non plus ne compte pas ses heures.

Ricky s'aperçoit que ce nouveau travail, vrai esclavage moderne, est plus dur qu'il ne l'imaginait. Et le couple n'a plus beaucoup de temps de libre et a du mal à maintenir l'unité de la famille, avec leur fils aîné qui pique sa crise d'adolescence et sèche l'école, et leur fille cadette brillante et adorable qui voudrait voir ses parents plus souvent et que tout le monde soit heureux…

Ken Loach, 83 ans, deux fois Palme d'or à Cannes (pour Le Vent se lève en 2006 et Moi, Daniel Blake en 2016), inlassable pourfendeur de l'injustice sociale et militant anti-capitaliste, dénonce ici la manière dont les technologies modernes n'améliorent pas mais au contraire détériorent, selon lui, les conditions de travail: "la technologie est nouvelle, mais l’exploitation est vieille comme le monde".

Il met ainsi en cause les contrats "zéro heure" et le statut d'auto-entrepreneur qui ne garantit pas de pouvoir s'en sortir même en travaillant dur. "Ce qui est étonnant, c’est le nombre d’heures que les gens doivent faire pour gagner décemment leur vie, ainsi que l’insécurité de leur travail. Ils travaillent à leur compte et, en théorie, c’est leur affaire, mais si quelque chose tourne mal, ils prennent tout sur eux", dit-il.

Lire la critique – Moi, Daniel Blake: la Palme d'or sociale de Ken Loach

Plus globalement ce sont les dérives modernes du capitalisme qu'il veut illustrer: uberisation de la société, généralisation du commerce sur Internet, développement de l'auto-entreprenariat, déliquescence des contre-pouvoirs syndicaux, disparition de la solidarité ouvrière. "Ce système est-il viable?", s'interroge-t-il. "Est-il viable de faire nos courses par l’intermédiaire d’un homme dans une camionnette, qui se tue à la tâche 14 heures par jour? Est-ce finalement un meilleur système que d’aller nous-mêmes dans un magasin et de parler au commerçant? Veut-on vraiment un monde dans lequel les gens travaillent avec une telle pression, des répercussions sur leurs amis et leur famille, ainsi qu’un rétrécissement de leur vie? Ce n’est pas l’échec de l’économie de marché, c’est au contraire une évolution logique du marché, induite par une concurrence sauvage visant à réduire les coûts et à optimiser les bénéfices".

Lire aussi - Ken Loach appelle à voter pour Philippe Poutou

Ce militantisme, dans son 25e film (présenté en compétition au Festival de Cannes, comme 13 autres depuis 1981), s'exprime ici par davantage de colère et de pessimisme que d'habitude, sans les pointes d'humour qu'il avait coutume d'instiller pour alléger la noirceur du propos. Dans cette description des conditions de travail actuelles, on est davantage touché par les problèmes familiaux du couple et l'énergie, la volonté, l'amour que chacun met à essayer d'assurer aux deux enfants un avenir si possible meilleur.

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