Affaire Neyret : un ancien policier dénonce dans un livre "le bal des hypocrites"

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La rédaction de FranceSoir.fr avec AFP
Publié le 18 avril 2016 - 15:48
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Gilles Guillotin policiers livre
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©Jean-Pierre Clatot/AFP
Ancien numéro 2 de la PJ grenobloise, Gilles Guillotin, renvoyé en correctionnelle dans l'affaire Neyret, dénonce dans un livre "l’hypocrisie" qui entoure ce retentissant dossier de corruption policière.
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Ancien numéro 2 de la PJ grenobloise, Gilles Guillotin, renvoyé en correctionnelle dans l'affaire Neyret, dénonce dans un livre "l’hypocrisie" qui entoure ce retentissant dossier de corruption policière et parle de son amertume d'avoir dû abandonner sa "passion" après 33 ans de service.

Cette affaire, "c'est le bal des hypocrites", répète cet homme de 58 ans, cheveux ras, chemise noire et silhouette d'athlète, attablé dans un bar face à l'ancien palais de justice de Grenoble. C'est là, en 1978, que ce fils de CRS a commencé sa carrière, en pleine affaire des filles de Grenoble, premier grand dossier de proxénétisme en France.

Dans 33 ans flic pour rien? (éditions Temporis, à paraître le 22 avril), il raconte "cette belle époque", ses années de flic en région parisienne et à Grenoble, les règlements de comptes entre caïds, les interceptions de "Go Fast" et la difficile gestion des "indics" dans les affaires de stups.

Un récit ponctué par sa mise en cause dans l'affaire Neyret, en septembre 2011, et qu'il dit avoir écrit en pleurant, devant le "gâchis": "pendant 30 ans, t'as fait des tas de choses pour que tout le monde soit fier de toi, et puis voilà..."

Michel Neyret, ancien numéro 2 de la PJ de Lyon et huit autres personnes, dont Gilles Guillotin, seront jugés du 2 au 24 mai par la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Sur la base d'écoutes téléphoniques, la justice reproche à Gilles Guillotin et à son chef de l'époque Christophe Gavat d'avoir détourné plusieurs kilos de résine de cannabis, placés sous scellés, afin de rémunérer un informateur. Eux affirment avoir fait croire à Michel Neyret qu'ils agissaient de la sorte, sans jamais s'exécuter. Aucun enrichissement personnel ne leur est reproché.

Dans son livre, Gilles Guillotin voit à l'origine de cette affaire un règlement de comptes au sein de la police doublé d'un écran de fumée lancé par le pouvoir politique pour faire oublier l'affaire Bettencourt.

Mis en examen pour trafic de stups, suspendu de la police, il passe six mois "au fond du trou" puis prend sa retraite à l'automne 2012. "Cela ne serait pas arrivé, je serais resté encore dix ans dans la police", raconte-t-il.

Interdit d'entrer en contact avec ses anciens collègues, il laisse arme, menottes, gilet pare-balles "sur le coin d'une table d'un bar". Ses affaires personnelles sont déposées peu après dans son jardin: "33 ans de police, deux cartons", s'étrangle-t-il.

Aujourd'hui responsable de la sécurité des Brûleurs de Loups, l'équipe de hockey de Grenoble, il a toujours du mal à "décrocher" de sa "passion", et admet revoir d'anciens informateurs qui "me sont restés relativement fidèles, eux".

"Les relations police-indics c'est pas comme on dit dans les manuels, très froid, très glacial, chacun de son côté. Ça marche à l'affectif", raconte-t-il. Dans son livre, il consacre de longues pages à cette gestion compliquée des "tontons", qu'il faut protéger tout en se protégeant soi.

Quant à Neyret, il lui a gardé "une admiration certaine" mais "un peu moindre quand même parce que, depuis cinq ans, je suis dans la merde".

"Neyret a été encensé par sa direction pendant des décennies pour des résultats qui fonctionnaient, atteints avec des méthodes que tout un chacun connaissait. Sa hiérarchie bien sûr mais aussi les magistrats, les parquetiers, les politiques", écrit-il.

"Toute cette hypocrisie m'a rendu fou", ajoute l'ancien commandant de police, qui reconnaît une certaine "appréhension" à l'approche du procès: "Trois semaines sur le banc des accusés quand on a été flic pendant 30 ans, ça va être compliqué".

Mais "la sanction, je l'ai déjà eue", assure-t-il: "j'ai perdu ma passion, mes amis, mon travail, le goût des choses, la foi en l'être humain. Au pire, on me reconnaît coupable, j'ai fait quoi?"

A l'hôtel de police de Grenoble, beaucoup lui gardent leur amitié. "Sincèrement, il ne méritait pas de finir comme ça", lâche un ancien collègue.

 

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