Peut-on prévenir de l'emplacement des radars sur les réseaux sociaux ?

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Jean-Philippe Morel, édité par la rédaction.
Publié le 13 août 2018 - 17:45
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Un radar sur une route près d'Englos dans le nord de la France, le 15 juillet 2014
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© Philippe HUGUEN / AFP/Archives
Informer d’un contrôle de vitesse sur les réseaux sociaux est actuellement possible.
© Philippe HUGUEN / AFP/Archives
Sur les réseaux sociaux, de nombreux groupes sont organisés pour annoncer la présence des forces de l'ordre et en particulier leurs radars sur les routes. Jean-Philippe Morel, avocat au barreau de Dijon, décrypte en partenariat avec France-Soir, l’ambiguïté des "zones de danger" sur les applications et la jurisprudence concernant leur signalement sur les réseaux sociaux.

En cette période de vacances, vous avez peut-être croisé sur votre chemin le "radar mobile de nouvelle génération", qui est embarqué à bord de voitures banalisées. Ces radars ne sont pas signalés sur les routes: ces nouveaux systèmes utilisent un flash infra-rouge, non visible par les usagers flashés.

La marge technique de ces radars est de 10 km/h pour les limitations de vitesse inférieures à 100 km/h et de 10% pour les limitations de vitesse supérieures à 100 km/h (contre 5 km/h et 5% pour les autres radars vitesses). Ainsi, concrètement seront flashés les véhicules roulant à partir de 146 km/h sur autoroute, ou 61 km/h en agglomération.

Est-il utile de rappeler par ailleurs que les détecteurs de radars sont interdits en France depuis un décret du 4 janvier 2012? Leur usage est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, soit une amende pouvant aller jusqu’à 1.500 euros.

Entre détecteur de radars et assistant d'aide à la conduite, la différence est peut-être subtile, mais manifeste si l'on en croit la règlementation en vigueur. En effet, "l’assistant d'aide à la conduite" est un outil conçu pour aviser un conducteur qu'il s'apprête à traverser une zone dangereuse, et ce n'est pas considéré comme un détecteur de radar prohibé.

Les fabricants d’avertisseurs de radars sont ainsi parvenus habilement à transformer leurs produits en avertisseurs de zones dangereuses, sur lesquelles les radars sont justement souvent positionnés. Les utilisateurs peuvent notamment bénéficier d’une information bien plus large que celle liée au positionnement des contrôles routiers avec une alerte en temps réel sur l’état du trafic, les embouteillages, les accidents et tout type de dangers sur la chaussée.

On sait aussi que l’utilisation des réseaux sociaux, notamment de Facebook, permet de prévenir ses amis ou d’autres membres du groupe de la géolocalisation de radars. Ces groupes souvent intitulés "zones à risque" sont très répandus. La justice a déjà tranché la question de leur légalité. Il n'est pas (encore) interdit de communiquer la localisation des radars routiers sur les réseaux sociaux.

A la suite d’une enquête relative aux activités d'un groupe de discussion créé sur le réseau social Facebook intitulé "Le groupe qui te dit où est la police en Aveyron", le procureur de la République avait fait citer certains membres de ce groupe devant le tribunal correctionnel, sur le fondement de l'article R 413-15 du Code de la route, qui proscrit l'usage d'appareil, dispositif ou produit permettant de se soustraire à la constatation des infractions routières.

La Cour de cassation le 6 septembre 2016 (N° pourvoi 15-86412) a tranché que l'utilisation d'un réseau social sur lequel les internautes inscrits échangent des informations, depuis un ordinateur ou un téléphone mobile, ne peut être considérée comme l'usage d'un dispositif de nature à se soustraire à la constatation des infractions relatives à la circulation routière incriminée par l'article R.413-15 du Code de la route.

Il était même précisé par la Cour "que le réseau social en cause, qui n'a ni pour fonction unique de regrouper les informations relatives à l'existence de contrôles routiers en France, ni pour seul but de permettre d'éviter ces contrôles, ne peut constituer le dispositif visé par le texte pré-cité (du Code de la route)".

Informer d’un contrôle de vitesse sur Facebook, Twitter ou n’importe quel autre réseau social est donc encore possible.

Cette possibilité ne durera peut-être pas éternellement car le Premier ministre Edouard Philippe, lors du comité interministériel de la Sécurité routière, en janvier 2018, a annoncé qu’il serait bientôt, fin 2018, "possible de permettre aux forces de l’ordre, à leur demande, de suspendre temporairement la localisation de leur contrôle d’alcoolémie et de stupéfiants. Ce dispositif pourra être appliqué également pour des opérations de lutte contre le terrorisme et la criminalité. Ce dispositif a été discuté avec les opérateurs des services de navigation. Les forces de l'ordre leur communiqueront le périmètre des zones pour lesquelles leur localisation ne devra pas être répercutée".

Faut-il s’attendre aussi à l’extension prochaine de cette suspension temporaire de la localisation aux contrôles radars? On peut le penser.

Quoi qu’il en soit, à chaque instant sur la route on peut s’inspirer de ce sage adage: "La prudence ne prévient pas tous les malheurs, mais le défaut de prudence ne manque jamais de les attirer",  Joseph Sanial-Dubay, Pensées sur l'homme, le monde et les moeurs (1813).

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