Etats-Unis - Loi bâillon : une grande avancée pour les défenseurs des animaux

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Jean-Marc Neumann, édité par la rédaction
Publié le 10 janvier 2019 - 13:45
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Une balance de la justice
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© LOIC VENANCE / AFP
La décision de justice de l'Iowa est une avancée majeure pour les intérêts des animaux et de ceux qui les défendent.
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Le 9 janvier, la cour fédéral d'Iowa a reconnu inconstitutionnelle la "loi bâillon" qui permet de poursuivre les militants animalistes qui s'introduisent dans des lieux privés pour filmer les maltraitances contre les animaux. Jean-Marc Neumann, juriste en droit de l'animal à l'université de Strasbourg, revient pour France-Soir sur cette décision majeure pour les intérêts des animaux et de ceux qui les défendent.

Les intérêts humains et ceux des animaux peuvent parfois converger. Tel est le cas aux Etats-Unis au sujet des lois dites "bâillons" ou "Ag-gag Laws". Ces dernières permettent de poursuivre toute personne s'introduisant clandestinement dans une exploitation agricole afin d'en dénoncer les pratiques et/ou prenant des clichés ou enregistrant des vidéos à l'intérieur des sites concernés.

Les toutes premières lois bâillons ont été mises en place il y a près de 30 ans par quelques Etats (Kansas dès 1990, Montana, Dakota du Nord) dont l'élevage est un acteur puissant de leur économie. Aujourd’hui, ce sont au total huit Etats qui se sont dotés de cet outil répressif pour les animalistes et protecteurs de l’agro-business: Kansas, Dakota du Nord, Montana, Missouri, Caroline du Nord, Idaho, Iowa et Utah.

Les lois bâillons constituent une atteinte grave à la liberté d'expression reconnue aux citoyens américains en vertu du 1er amendement de la Constitution lequel stipule que "Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre".

Ces lois ont pour objet, notamment, de rendre toute prise d'images, vidéos illégales et susceptibles de peines d'amendes voire d'emprisonnement. Ceci, afin de faire en sorte que des images montrant des actes de maltraitance animale ne puissent être diffusées ensuite et nuire ainsi à l'économie. Elles ne sont pas le fruit du hasard. Les lois bâillon constituent une volonté délibérée du très puissant lobby de l’agro-business de soustraire les pratiques d’élevage aux yeux des citoyens et consommateurs qui ne doivent pas savoir de quelle façon les animaux qu’ils consomment sont élevés et abattus.

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Compte-tenu des incidences considérables de telles lois tant sur le bien-être des animaux que sur la liberté d’expression des citoyens américains, un certain nombre d’ONG et d’avocats en droit des animaux dont notamment l’ALDF (Animal Legal Defense Fund) ont introduit des procédures pour faire déclarer ces lois contraires à la constitution américaine.

Dans les Etats de l'Idaho et de l'Utah ces lois ont, dans un passé récent, déjà été jugées contraires à la constitution américaine à la suite de "civil rights" complaints.

La première fois qu'une loi bâillon a été jugée contraire à la constitution fédérale concerne celle mise en place dans l'Idaho. Par décision (Affaire ALDF/Otter) en date du 3 août 2015, la Cour fédérale de district (US District Court) avait prononcé l'inconstitutionnalité de la loi. En appel, la cour d'appel fédérale (en l'occurrence celle du 9ème circuit) avait confirmé en janvier 2018 la décision rendue en première instance.

S’agissant de celle de l’Utah, elle avait également été jugée inconstitutionnelle le 7 juillet 2017 (Affaire ALDF/Herbert). L'Etat de l’Utah n'ayant pas interjeté appel, la décision est donc devenue définitive. 

Il restait deux autres procédures, celles engagées en Caroline du Nord et dans l’Iowa. Celle en Caroline du Nord est toujours pendante, celle dans l’Iowa vient de faire l’objet le 9 janvier 2019 d’une décision confirmant l’inconstitutionnalité de la loi bâillon.

Selon la cour, la loi de l’Etat de l’Iowa contrevient au 1er amendement de la Constitution américaine relatif à la liberté d’expression.

La décision est un immense succès (le 3ème en l’espèce contre une loi bâillon) pour la coalition constituée par l’Animal Legal Defense Fund, l’Iowa Citizens for Community Improvement, le Bailing Out Benji, la People for the Ethical Treatment of Animals (Peta) et le Center for Food Safety .

La victoire remportée par la coalition animaliste devant la "Federal court for the Southern District of Iowa" est d’autant plus remarquable qu’elle concerne un Etat qui est le premier producteur aux Etats-Unis de porcs et de poules pondeuses: 20 millions de porcs et 45 millions de poules pondeuses y sont élevés chaque année!

Il s’agit en l’espèce non seulement d’une victoire pour les animaux car les pratiques jugées abusives pourront continuer à être légalement documentées et rapportées aux autorités et communiquées au public mais aussi d’une victoire pour les citoyens dont la liberté d’expression garantie par le 1er amendement est ainsi préservée.

Il reste toutefois à surveiller l’évolution éventuelle de la procédure, l’Etat de l’Iowa ayant la possibilité d’interjeter appel de la décision. A suivre donc. Pour l’instant, toutes les lois bâillon qui ont été attaquées ont été jugées inconstitutionnelles.

Il reste deux autres procédures en cours, celle en Caroline du Nord ainsi que celle introduite très récemment (le 4 décembre 2018) à l’encontre de la plus ancienne loi bâillon (1990), celle du Kansas appelée "Farm Animal and Field Crop and Research Facilities Protection Act" (chapitre 47 "Livestock and Domestic Animals" article 47-1827).

En conclusion, on ne peut que se réjouir des résultats obtenus par la coalition des ONG contre les lois bâillon dans le cadre des différentes procédures engagées car celles-ci sont contraires au bien-être animal et à la liberté d’expression des citoyens garantie par la Constitution.

Il faut souligner le travail et l’indépendance remarquables des juges fédéraux pour faire respecter ce droit fondamental qui indirectement bénéfice également aux animaux. Intérêts humains et intérêts des animaux peuvent tout à fait converger et être défendus conjointement.

Voir:

Etats-Unis: l'éléphante Happy pourrait être reconnue comme une "personne non-humaine"

Les animaux "doués de sensibilité"? La souffrance du cheval Saphir non reconnue par la justice

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