En Corse, les désillusions de retraitées modestes qui "n'y arrivent plus"

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Par Maureen COFFLARD - Ajaccio (AFP)
Publié le 14 février 2022 - 18:35
Mis à jour le 15 février 2022 - 23:44
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Gabrielle Peraldi, 70 ans, bénévole à la Croix-Rouge, charge des colis alimentaires pour des bénéficiaires le 1er février 2022 au centre de la Croix-Rouge à Ajaccio
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© Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP
Gabrielle Peraldi, 70 ans, bénévole à la Croix-Rouge, charge des colis alimentaires pour des bénéficiaires le 1er février 2022 au centre de la Croix-Rouge à Ajaccio
© Pascal POCHARD-CASABIANCA / AFP

"Qu'on nous écoute!": en Corse, entre colère et fatalisme, Gabrielle, Yvette ou Marylise, retraitées aux revenus plus que modestes, attendent sans trop y croire une augmentation de leurs pensions par le prochain président de la République.

"Avec 900 euros par mois" de ressources et "440 euros de loyer", Yvette, couturière retraitée de 70 ans, "n'y arrive plus" malgré le colis alimentaire hebdomadaire de la Croix-Rouge qu'elle obtient pour 1,20 euros. Une pauvreté difficile à vivre pour cette femme qui préfère taire son nom.

Avec 18,5% de la population vivant sous le seuil de pauvreté - 1.080 euros net mensuels pour une personne seule -, la Corse est la région la plus pauvre de France métropolitaine, selon un rapport de l'Institut national des statistiques (Insee) de 2021.

Les seniors sont particulièrement touchés sur l'île de 340.000 habitants: 35% des personnes pauvres vivent dans un ménage dont le référent fiscal a 62 ans ou plus. Parmi les retraités pauvres, 40% sont des personnes seules et sept sur dix des femmes.

Yvette ne votera pas à la présidentielle, les 10 et 24 avril. "Jamais, pour quoi faire? C'est pas la peine. Ou alors, si je vais voter, je n'ai pas honte, je vote Le Pen et paf! Mais comme elle ne passera pas... C'est encore lui (Emmanuel Macron: NDLR) qu'on va avoir", lance-t-elle.

- Le Pen "pour changer" -

Son penchant pour la candidate d'extrême droite, c'est "pour changer, pas plus, je ne sais pas ce qu'elle ferait... comme les autres probablement, parce qu'il n'y a plus d'argent", lâche-t-elle. "On est dans la gadoue et on va y rester".

Pour Gabrielle Peraldi, 70 ans, bénévole à la Croix-Rouge, les fins de mois sont aussi un casse-tête.

"Comment voulez-vous qu'on s'en sorte avec 900 euros?", interroge cette septuagénaire dynamique qui a géré une société de plomberie-chauffage pendant 38 ans mais ne reçoit que 150 euros de retraite et 750 euros d'allocation adulte handicapé (AAH).

"J'avais quand même 22 ouvriers mais je n'ai jamais cotisé pour moi, j'étais gérante et les charges étaient exorbitantes", explique cette bénévole qui "pourrait être bénéficiaire" des aides alimentaires mais "ne le veut pas", préférant être "de l'autre côté, aider les gens".

Elle attend du prochain président "que le minimum retraite soit de 1.200 euros" contre 916 euros actuellement pour l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa).

Aujourd'hui, "ils donnent des milliards qui partent à l'étranger et, en France, regardez tous les migrants qui sont entrés, ils ont 1.200 euros par mois, il y a un sentiment d'injustice", soutient-elle, doutant que les aides aux demandeurs d'asile soient en réalité d'un maximum de 440 euros par mois et que nombre de migrants n'aient droit à aucune aide publique.

"Et puis, qu'on nous écoute", il faut "repasser au franc parce que l'euro nous a tués". "Ca marchait bien du temps de De Gaulle, Pompidou et Chirac", estime celle qui ira voter sans savoir encore pour qui mais "pas pour Macron!"

Marylise Roussel-Campagne, 69 ans, retraitée et secrétaire bénévole de la Croix-Rouge, n'a elle aussi qu'"une centaine d'euros" pour finir le mois.

- Une Merkel en France -

"690 euros de retraite, 48 euros de complémentaire, 400 euros de pension de réversion, et à payer 582 euros et 40 centimes de loyer", détaille celle qui vit avec son fils de 48 ans. "Heureusement que je l'ai parce que je ne sais pas, parfois, comment je ferais pour manger".

"J'ai toujours été de droite mais je vais essayer d'élire la gauche cette fois-ci", explique cette "fille du Nord, fille, petite-fille et arrière-petite-fille de mineur de fond" qui compte bien voter, par respect "pour les tripes qu'ils y ont laissées", mais exclut d'emblée "M. Macron et Mme Taubira".

Parmi les candidats, Jean Lassalle, qui "avait fait la grève de la faim pour garder une usine dans sa ville", lui "plaît". L'iconoclaste Béarnais était en tête des parrainages des maires en Corse au 10 février avec 20 sur 52.

"J'étais de droite jusqu'à M. Chirac parce que les messieurs qui l'ont précédé étaient tous d'anciens combattants qui savaient ce que c'était que de mener un vrai combat pour le bien commun", explique celle qui serait "preneuse d'une Merkel en France". L'ex-chancelière allemande "fonctionne un peu comme le général De Gaulle, ça me plaît".

Quant au prochain président, elle souhaite "qu'il ne soit pas là pour se remplir les poches au détriment du petit peuple".

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