Barbie Caverne découvre la réforme du RSA

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Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 25 août 2023 - 10:30
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barbie
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Photo de Elena Mishlanova sur unsplash.com
"Barbie : est-ce que ce serait pas un peu la caverne de Platon ?"  (Amélie Zimmerman)
Photo de Elena Mishlanova sur unsplash.com

ÉDITO - Je ne parle pas de la caverne du Captain Caveman and the Teen Angels, cette série télévisée d’animation américaine des années 70-80, mais de la caverne platonicienne. Et j’évoque bel et bien la poupée Barbie, conçue et produite par la société Mattel, qui a récemment produit un film éponyme.

Sorti dans les salles françaises depuis le 19 juillet et toujours en tête du box-office, ce dernier a été réalisé par l’américaine Greta Gerwig, jadis adepte du mouvement cinématographique mumblecore. Il constitue la première production en prise de vues réelles issues de l'univers de la poupée, après plusieurs longs métrages, séries et dessins d'animation. Pour autant, il est loin de s’adresser seulement aux enfants. Au-delà du "conte de poupée", il aborde certains thèmes philosophiques intemporels.

Barbie et... Platon

Ce qui n’a pas échappé à la créatrice de contenus Amélie Zimmerman (voir sa chaîne YouTube), qui s’est posé la question pour le média Konbini : "Barbie : est-ce que ce serait pas un peu la caverne de Platon ?"  Cet audacieux rapprochement évoque bien sûr l’allégorie de la Caverne (1)

Lointain souvenir pour beaucoup, sous la forme d’une vague citation "tarte à la crème" utilisée au baccalauréat, sa relecture attentive propose évidemment des enseignements bien plus profonds, hérités de la parole de Socrate. 

 Je retiens de mon côté cette Barbie qui "ouvre les yeux" sans s’aveugler, une fois introduite dans "le monde réel". Et d'autres idées présentes dans le scénario qui semblent aussi avoir été empruntées à la La République de Platon, comme celle d'une stricte égalité entre les hommes et les femmes. 

Ainsi, une fois sortie de son "monde idéal", la poupée découvre "la réalité" ignorée de ses semblables "enfermés dans la boîte" et bercés d’images lisses et stéréotypées. Devenue humaine, elle comprend qu’elle a été "sous influence" et soumise à diverses stratégies de manipulation (dont je vous faisais état lors d’un précédent éditorial). Ken n'est pas en reste non plus. Il découvre un monde dans lequel existe... le patriarcat, qui ne le cantonne pas à un second rôle, et prend du galon !

Le spectateur dans la Caverne

La femme-poupée se rend compte, avec son compagnon-pantin Ken, qu’ils ne sont que des serviles volontaires au service de maîtres d’un monde dont ils ne connaissent pas la finalité. Ce qui les maintient dans une forme de soumission consentie au sein d’un carcan psychologique : ils ignorent qu’une autre existence est possible et s’en satisfont très bien. 

Un peu comme le spectateur exclusif de TF1 et BFMTV. Une autre actualité, avec cette fois-ci des informations au service de son intelligence, l’aveuglerait-il ? Peut-être. Il y a comme des faits et des vérités qu'il ne paraît pas être prêt à entendre. Rappelons les propos de Céline Pigalle, ancienne journaliste à BFMTV, nommée depuis février à la tête des radios locales publiques de France Bleu : "ll ne faut pas trop aller à rebours de la parole officielle, puisque ce serait fragiliser un consensus social !"

C’est ainsi que Barbie et Ken auraient pu trouver insupportable d’essayer de survivre dans cet autre monde, à l’extérieur de la caverne. Ils auraient pu se considérer comme indignes de pouvoir bénéficier des avantages de la réalité, une vraie vie avec des émotions et un but autonome, une réalité réservée aux sachants, à certaines élites - dans le film, aux propriétaires de Mattel. 

Sans vous raconter toute l’histoire, Barbie fait le choix du réel pour de bon et Ken comprend qu'être auprès de sa blonde sans rouler des mécaniques, c'est pas si mal.

Crossover

Mais tentons un périlleux crossover. Demandons à Gérard Larcher d’expliquer et de résumer le tout. Je paraphrase l'une de ses citations : Barbie "a besoin de retrouver confiance en elle. Elle doit se réconcilier avec son passé pour bâtir son avenir." 

M. Larcher - à qui je ne ferai pas l’offense de dire qu’il a un petit air de Capitaine Caverne - s’y connaît bien en happy ending. Surtout pour lui. Président du Sénat de 2008 à 2011, puis de 2014 à nos jours, l’homme aime les petits-déjeuners qui ne redoutent pas l’inflation - aux frais du contribuable, bien entendu.

En avril 2023, ce dernier déclare qu’il "faut retrouver de la proximité avec les Français". C’est sans doute pour cela que la majorité du Sénat (du même bord que M. Larcher) a voté en juillet dernier, via l’ajout de deux articles à la loi pour le plein-emploi, la création d’un "contrat d’engagement".

Réservé aux bénéficiaires du RSA, le contrat inscrit ces derniers automatiquement sur la liste des demandeurs d’emploi et définit "une offre raisonnable d’emploi" que chacun d'entre eux est tenu d’accepter.

Toujours plus loin... sans solutionner les problèmes

Et pourquoi pas faire travailler les allocataires du RSA, dont la précarité est patente, quelques heures par semaine ? C'est prévu, avec une proposition en ce sens de la rapporteure Pascale Gruny (LR). Une initiative saluée par le ministre du Travail, Olivier Dussopt, qui a confirmé que "l’objectif du gouvernement est bien qu’un maximum d’allocataires puissent bénéficier des 15 à 20 heures d’activité par semaine".

Il s’agit donc de travailler gratuitement, dans le cadre de travaux d’intérêt général qui leur seront affectés à ce titre, s’ils veulent pouvoir continuer de "bénéficier", pour reprendre mot, du RSA, soit 607,75 euros par mois.

Une charmante décision décidée par une Assemblée qui coûte au contribuable chaque année environ 330 millions d’euros, avec des élus qui émergent à 5652,57 euros par mois. Passons sur les multiples avantages dont ils "bénéficient" (remarquez, c’est toujours le même mot), dont on se demande en quoi ils servent l’intérêt de leurs concitoyens. 

Ah ça oui ! On comprend mieux pourquoi tous ceux qui en profitent finissent chacun des discours publics qu'ils tiennent par "Vive la République !" On se demande s’ils ne devraient pas plutôt s’écrier "Vive la caverne !"

Note :

(1) Le "mythe" de la caverne, et non pas La "mite" dans la caverne d’un étonnant analyste politique, qui sévit sur YouTube avec un certain succès. 

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