Dys sur Dys

Auteur(s)
Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 20 septembre 2023 - 15:10
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dyslexie
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Rob Hobson sur unsplash.com
Selon un article de 2019 de l’Inserm, 15 à 20 % des élèves sont confrontés à des troubles de l’apprentissage.
Rob Hobson sur unsplash.com

EDITO - Peut-être est-ce la note que vous me donnerez pour cet édito... si vous daignez me pardonner le fait, qu'avec mon jeu de mots en titre, je ne fais que poursuivre une tradition de la presse parisienne. Il ne s'agit donc pas d'un dysfonctionnement de ma part, bien au contraire.

Le talentueux Pierre Desproges, à la fois psychotique et névrosé, s'était lui-même défini en ces mots antinomiques comme "dyslexique intellectuellement" :

"Un psychotique c'est quelqu'un qui est persuadé que deux et deux font cinq, et qui en est pleinement satisfait. Alors qu’à l'inverse, un névrosé, c'est quelqu'un qui sait pertinemment que deux et deux font quatre, et ça le rend malade !"

L'origine du mot dys est empruntée au grec δυσ. Dys signifie négation, mais veut également dire malformation, difficulté, mauvais, erroné, etc.

Dys donne une valeur péjorative aux mots qui l'ont pour racine, notamment dans le domaine médical. Lorsque dys est employé seul, il fait référence aux troubles de l'apprentissage ayant dys pour préfixe (raison pour laquelle on les appelle les troubles dys).

Selon un article de 2019 de l’Inserm, 15 à 20 % des élèves sont confrontés à des troubles de l’apprentissage, et 5 à 7 % des enfants ont un trouble de l’apprentissage. "Trouble de l’apprentissage" est une expression qui elle-même peut être... troublante, puisque l’apprentissage est une base du secteur de l'artisanat. Ainsi, les élèves doués dans l’apprentissage scolaire intellectuel qui présentent des problèmes avec l’apprentissage de métiers manuels sont-ils victimes des troubles d’apprentissage ? Ne dit-on pas de certains d’entre eux qu'ils sont gauches ou maladroits ? Il conviendrait donc de qualifier la notion d’apprentissage afin d’éviter toute connotation péjorative.

La dys la plus connue est la dyslexie, définie comme un trouble de l'acquisition de la lecture et de l’orthographe, et classée comme maladie neurologique. L’état actuel de la science fait état de nouvelles avancées sur des facteurs génétiques qui seraient à l'origine de ce trouble.

"Trois études conduites par un consortium mondial et publiées dans les revues Molecular PsychiatryPNAS et Nature Genetics mettent à jour plusieurs dizaines de gènes associés à la dyslexie et aux compétences en lecture. Ces analyses effectuées sur un nombre important de participants ont permis de détecter les premières variations génétiques associées à la dyslexie et aux compétences en lecture dans des gènes impliqués dans le développement d’aires cérébrales impliquées dans le langage" (source : CNRS)

D’autres recherches étudient un lien avec le microbiote.

Un récent sondage d'Opinion Way (2022) commandé par la société Lily for Life (fabricant d'une lampe spéciale pour dyslexiques), nous dit que 6 à 8 % des élèves présenteraient un trouble dys. Cependant, 58 % des Français interrogés ne se sentent pas bien informés à ce sujet. Je les comprends. On peut aussi légitimement se demander pourquoi l’Éducation nationale accouche "très beaucoup vachement" d'autant de dyslexiques...

L'entrepreneur Charles Gave a fait sienne la théorie selon laquelle le principe de fonctionnement de l'Éducation nationale depuis 40 ans consiste à produire délibérément des incultes, ignorant les savoirs primordiaux qu'il y a lieu de maîtriser : lire, écrire, compter, parler français. D'où le terme qu'il a forgé et substitué à celui de démocratie pour spécifier ce qu'est devenue la France aujourd'hui : une "médiocratie".

Pire : les "dysciples" de Charles Gave ajoutent que cette dégénérescence affecte toute l'administration, à tel point qu'on est là encore en droit de se demander si ce n'est pas le gouvernement qui organise des dysfonctionnements... Reste que les électriciens électrifient, les plombiers raccordent et les boulangers pétrissent la pâte. Autant de métiers manuels vers lesquels les élèves ne satisfaisant pas au niveau requis par l’Éducation nationale, basé sur le quotient intellectuel, sont rapidement orientés... Pour autant, avoir fait de hautes études n’a jamais garanti le succès ni la capacité à prendre la bonne décision. Encore faut-il avoir un peu de bon sens et de sens critique. Didier Audebert, journaliste, a même proposé le quotient d’utilité comme métrique additionnelle, voire alternative, dans son livre (Quotient d'utilité - Devenons chaque jour plus utile !, Guy Trédaniel, 2021).

Qui, in concreto, est juge de ce qui est correct ou dys ? La norme. La norme établie. Dès lors, puisque lui-même répète à tout bout de champ qu'il est hors norme, Emmanuel Macron peut être considéré comme dys. Mais dys quoi ?

Beaucoup de ses opposants les plus farouches pensent qu'il est "dystout". Et force est de constater, le bilan du président Macron est catastrophique dans beaucoup de domaines. En témoigne l’augmentation des prix qui crée des disparités croissantes entre les classes sociales.

Macron le "dystout" : tout l'inverse d'un Richard Branson, un dysrigeant, fondateur du groupe britannique Virgin, qui a fait de sa dyslexie un atout : la pensée dyslexique. Comme le rapportait une étude réalisée par Made by Dyslexia, les Anglo-Saxons sont d’ailleurs en avance dans l’implication des dys dans leurs services d’intelligence afin de contribuer à la résolution de problèmes complexes de par leur visualisation et la reconnaissance des formes.

Le site Dys-positif.fr recense même les dys célèbres : se côtoient dans ce brillant club Winston Churchill, Steven Spielberg, Albert Einstein, Johnny Hallyday, Tom Cruise, Agatha Christie ou Léonard de Vinci.  Néanmoins, si les anglo-saxons ont trouvé leur dysrigeant, il manque toujours à l'appel en France, et ce, malgré le récent avis de recherche pour un livre à paraitre, "Dys, Osez briller". 

Serait-ce parce que ce qui est considéré comme un dysfonctionnement par la norme est effacé des CV des dirigeants qui essaient de masquer leur condition dès l’âge adulte ? Ou serait-ce parce que notre éducation n’accepte que des gens qui répondent aux normes en vigueur ? Au risque de devoir mettre en place par la suite des programmes de responsabilité sociale et d’intégration, les "outliers", ceux qui sont en dehors de la norme, à plusieurs écarts-types de la moyenne, sont très souvent montrés du doigt. Durant la crise sanitaire récente, les "dys-normes" étaient traités de complotistes, de "dys-intelligents", et pourtant l’histoire leur donne raison sur bien des points. Était-on dans une dystopie lorsque Pythagore et Aristote émirent leur hypothèse que la terre n’était pas plate et éclairèrent la science ?

Le livre "Dys, Osez briller" pose cette question légitime : n’est-il pas temps en France de poser un autre regard sur la dyslexie dans les organisations ? 

dys

On prête aux personnes atteintes de ce trouble des qualités d’innovation et de créativité qui seraient bien utiles à l’heure où le progrès est chez nous à l’arrêt. Et par là même d'éviter une stigmatisation à tout bout de champ des gens qui s'opposent tel que l'on a pu le constater au cours des trois dernières années : entre les antis et les nantis, seule la lettre n les sépare ! Dans la physique du magnétisme, les opposés s'attirent (le + attire le -) et les semblables se repoussent.  Accepter la diversité des points de vue, des compétences permet d'assurer que toutes les fonctions sont bien remplies dans la société. 

Pour conclure avec l’actualité et le retour de la Covid et son variant Eris, rappelons qu'en 2005 la planète naine Eris avait vu sa lune nommée Dysnomie. Dysnomie était la déesse grecque, fille d'Eris qui signifie désordre social, civil et institutionnel. Elle était couramment accompagnée de l’Injustice (Adicie), de la Fatalité (Até) et de la Démesure (Hybris).

J'imagine que vous m'avez compris... non pas cinq sur cinq mais dix sur dix...

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