En récidive légale

Auteur(s)
Xavier Azalbert, France-Soir
Publié le 13 février 2024 - 19:00
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Assemblée nationale
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F. Froger / Z9 pour France-Soir
Bonne surprise au Palais Bourbon : l'Assemblée a rejeté dans la soirée du 13 février l'article 4 de la loi sur les dérives sectaires.
F. Froger / Z9 pour France-Soir

Alors que nous mettions la dernière main à l’éditorial ci-dessous, nous apprenions que l’Assemblée nationale avait rejeté l’instauration du délit « de provocation à l’abandon de soins ou à l’abstention des soins ».

Une coalition des oppositions a réussi à faire supprimer le fameux article 4 de la loi sur les dérives sectaires par 116 voix contre 108.

L’article 4 de cette loi a donc été supprimé. Le rapporteur Renaissance du texte, Brigitte Liso, a osé dénoncer un « vote scandaleux ». L’Assemblée nationale n’a pourtant fait que suivre le Sénat, auquel le texte avait été soumis à la fin 2023 et qui avait également rejeté l’article 4.

Les débats sur le projet de loi reprendront ce mercredi après-midi 14 février.

La liberté d'expression ne se contrôle pas.

EDITO - Le gouvernement avait déjà tenté d'introduire dans la norme cette infraction pourtant manifestement contraire à l'idée même de liberté d'expression. Liberté d'expression qui doit être effective dans une société qui se dit démocratique.

Comment ? En luttant, par exemple, contre la propagande étatique. En s'opposant aux versions officielles livrées par l'Etat. Un Etat qui, s'il interdit que cette vérité soit contestée publiquement, peut être considéré totalitaire.

On a visé les voix qui, durant la crise Covid, se sont élevées contre la vérité officielle. Une vérité dont la fausseté, sur tous les points ou presque, a été démontrée depuis, mais que pourtant le gouvernement s'est employé à imposer à l'époque, avec l'aide de tous les médias de propagande et à grands renforts de menaces, pressions et répressions. Des actes rigoureusement illégaux, qui, du coup, ont été et continuent d'être l'objet de centaines de milliers d'actions en justice, procédures en contestation des sanctions disciplinaires contre les professionnels de santé et autres résistants à l'arbitraire de la pensée unique.

C'était le 15 novembre 2023. J’en avais fait un édito : "Pas de silence d'agneaux".

Cette infraction gravissime, faite au caractère démocratique que l'article 2 de la Constitution confère à la République française, était intervenue par l'entremise d'un projet de loi dont le but avancé était formulé comme suit : "Renforcer la lutte contre les dérives sectaires".

Eh bien, le gouvernement vient de remettre cela. Avec le même intitulé.

L'examen de ce projet de loi est inscrit au rôle de l'Assemblée nationale à ses audiences des 13 et 14 février 2024. Depuis hier, donc, les députés en débattent.

Histoire de nous permettre d'en débattre, nous aussi — moi, en vous donnant mon avis, vous, en faisant état du vôtre dans les commentaires —  voici d'abord le contenu de l'article de ce projet de loi par lequel le gouvernement veut opérer son forfait, ce fameux article 4 :

Article 4 : création d’infractions réprimant la provocation à l’abandon ou l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne à un risque grave ou immédiat pour sa santé.

Rétablissement de l’article et donc des nouvelles infractions de provocation à l’abandon ou l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elle expose la personne à un risque grave pour sa santé. La caractérisation de ces nouveaux délits nécessite de rapporter la preuve des quatre critères cumulatifs.

Comme d'habitude (wokisme, transhumanisme, consentement sexuel présumé de l'enfant, etc.), vous remarquerez que tout cela est, paraît-il, réalisé au nom du progrès...

Désolé M. Macron, M. Attal, M. Darmanin, M. Dupont-Moretti, mais vous ne me verrez certainement pas manger de ce pain-là.

Si cet article est adopté, la loi dont le Parlement va accoucher ne consistera en rien en un progrès pour notre société, bien au contraire ! Il s'agira même d'une régression. Une régression terrible, catastrophique pour la démocratie et, surtout, irréversible.

En effet, la loi est par essence la version officielle de la vérité juridique.

Or, si un tel article de loi est adopté, en France, quelle que soit la matière concernée, nul ne pourra plus contester la vérité imposée par la propagande étatique, comme étant la vérité "tout court", sans encourir la radiation professionnelle, de lourdes amendes ou la prison.

En français populaire, cela porte un nom : obscurantisme. Ou encore dictature.

Donc, pardon de devoir insister, passer du pays des Lumières à dictature, cela ne consiste pas en un progrès, bien au contraire. Au regard d'absolument toutes les dispositions de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, cela constitue même une sacrée régression. "La solution" pour ceux pour qui le principe de la République ("Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple") apparaît comme l'insulte suprême faite à leur soif de pouvoir. Une soif de pouvoir légitime, selon eux, puisque, étant pathologique, elle est par nature impossible à étancher.

Tant à l'échelle du pays que pour chacun d'entre nous, le progrès, en vérité, c'est ceci : les avancées en matière de liberté, de partage des richesses et de qualité de vie, pour l'obtention desquelles le peuple français s'est battu avec courage et détermination, depuis 1789, uni derrière une devise chère à tous les citoyens : Liberté, Egalité, Fraternité.

Oui ! Le progrès, c'est ce que la France et les Français ont pu accomplir de grand depuis cette date, grâce à ce système étatique de construction des futurs citoyens qu'on appelait à juste titre l'Instruction publique. Ce système, à compter du début des années 1970, avait donné à la France un avantage extraordinaire dans bon nombre de domaines. Notamment les technologies innovantes. Mais pas que. En matière de justice et de cohésion sociales également. Dominé par l'idée de résultat et d'accomplissement d'un objectif, ce système avait permis de dompter l'énergie nucléaire, les voyages supersoniques, les sciences sociales, pour mettre en place un système de retraite et un système de santé uniques, que le monde entier nous enviait.

De tout cela, il ne reste plus rien. Macron & Cie ont contribué à tout détruire ou à tout brader à leurs amis ou collègues de la haute finance qui ont transformé nos services publics de jadis en sévices privés.

Des penseurs illustres sont de mon avis.  

Aristote a dit ceci à propos du progrès : "Le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous."

Victor Hugo, cela : "Le progrès est le mode de l'homme."

Et Émile Zola enfin : "Je crois que l'avenir de l'humanité est dans le progrès de la raison par la science."

Souvenez-vous. Emmanuel avait nommé son parti politique La République en marche. Diable !

Adopter cet article de loi sur les dérives sectaires reviendrait à mettre la République à l'arrêt. Pire qu'à l'arrêt. Ce serait partout la régression, le recul : du débat, des libertés, des acquis sociaux et du partage des richesses.

Et cet article de loi n'est pas non plus en conformité avec le nouveau nom du parti présidentiel, Renaissance, ni avec celui que l'ancien Premier ministre Edouard Philippe a créé : Horizons.

La Renaissance, ce n'était pas une limite donnée au raisonnement logique. 

Si cet article de loi est finalement voté, c'est l'obscurantisme et le relativisme que l'on remettra au centre du village.

Comment nos députés peuvent-ils reprendre à leur compte pareille idée ?

Pour ce qui est des droits de l'homme et du progrès, au sens noble du terme, la France est (était ?) regardée dans le monde entier comme un modèle. Dictature, obscurantisme, relativisme, fracture sociale totale : est-ce cela que les parlementaires français veulent afficher en tant que nouveau modèle ?

Hier encore, j'aurais répondu non à cette question, sans hésiter. Aujourd'hui, j'ai un doute. Un gros.

Je m'explique.

Le président de la République a avoué récemment miser sur l'éducation, afin d'éviter toutes les dérives. OK. Mais en faisant présenter un tel projet de loi à son gouvernement, il montre clairement que sa préoccupation n'est pas l'évolution et le progrès.

En tout cas, en ce qui concerne le peuple. Le Français moyen. Un Français pauvre dorénavant, à propos duquel Emmanuel Macron, en campagne présidentielle, avait dit, en avril 2017, pour expliquer pourquoi, après une séance de poignées de mains avec des électeurs à laquelle Monsieur avait dû s'astreindre, il lavait les siennes frénétiquement  dans l'illustration parfait d'un "quand je serre la main d'un pauvre, j'ai l'impression d'être sale tout le reste de la journée."

Lorsqu'on est certain de mettre la France sur de bons rails, on n'a pas besoin d'une loi anti-progressiste qui génèrera de nombreux biais d'autorité.

À l'inverse, quand on la place, la France, sur de mauvais rails, on se sent obligé d'emprisonner la liberté d'expression. A fortiori, lorsque c'est délibérément qu'on l'envoie, la France, droit dans le mur....

Avec cet article de loi scélérat, nous avons la démonstration éclatante que nous sommes en marche vers la dictature, ce "Parce que c'est notre projet" dont Emmanuel Macron a fait état, lors de la campagne présidentielle de 2017, dans un hurlement qui demeure perçu partout dans le monde comme un délire psychopathique.

À moins bien sûr que cette loi ne se retourne contre certains, comme certains fact-checkers par exemple, qui ont signé un contrat d’arrangement constant avec la vérité. Ou alors l’ex-ministre de la Santé Rousseau qui avait osé déclarer que les vaccins ne déclenchaient pas d’effets secondaires. Cela lui avait valu plusieurs plaintes. Certaines n’ont toujours pas, à ce jour, été rejetées.

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