Donald Trump pourra-t-il éviter la cohabitation en novembre 2024 ? (Partie 2)

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Anthony Lacoudre pour France-Soir
Publié le 10 janvier 2024 - 20:30
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Elections 2024 Anthony Lacoudre Partie 2
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Tannen Maury / AFP
Trump : la présidentielle en point de mire. Mais pour ce qui est d'avoir une majorité républicaine au Congrès, ce sera une autre paire de manches...
Tannen Maury / AFP

Grand favori de la prochaine présidentielle américaine, Donald Trump doit-il se préparer à une cohabitation avec les démocrates ? Difficile de prévoir le résultat de l’autre scrutin du 5 novembre 2024 devant renouveler le Congrès...

Suite et fin de la tribune d’Anthony Lacoudre sur ces élections essentielles du prochain automne. 

Comme mentionné dans la première partie de cette tribune, il est primordial pour Donald Trump de posséder une majorité dans chacune des deux chambres du Congrès. Or, rien n'est acquis à ce sujet. En effet, si la situation est plutôt favorable s'agissant du Sénat, il est beaucoup plus difficile de prédire à ce stade ce qu'il adviendra pour la Chambre des représentants.

Les démocrates possèdent actuellement une majorité de 53 sénateurs (contre 47 sénateurs républicains). Trente-quatre sièges de sénateurs (qui ont été élus en 2018) seront donc à pourvoir en novembre 2024. En parallèle, 28 sénateurs démocrates et 38 sénateurs républicains resteront en poste (élus en 2020 ou en 2022). Force est de constater que la carte électorale de cette année est particulièrement favorable aux républicains.

Au minimum 50 sénateurs garantis...

Le Grand Old Party (Parti républicain) est effectivement assuré de remporter les sièges de sénateurs du Dakota du Nord, Floride, Indiana, Mississippi, Missouri, Nebraska (deux sièges), Tennessee, Texas, Utah, Virginie-Occidentale, Wyoming, ce qui correspond à un total de 12 sénateurs venant s'ajouter aux 38 sénateurs républicains dont le siège n'est pas en lice. 

Autrement dit, le parti de Donald Trump est assuré d'obtenir 50 sièges au lendemain des élections sénatoriales du mois de novembre 2024, ce qui lui garantit le contrôle de la chambre haute. Dans le cas où Donald Trump serait élu, son vice-président serait donc autorisé à voter pour départager d'éventuels blocages à 50/50 entre sénateurs démocrates et républicains (Vote to break ties). 

C'est du reste exactement la situation dans laquelle s'est trouvé Joe Biden après son élection à la présidence en 2020, le Parti démocrate possédant 50 sièges au Sénat. La vice-présidente Kamala Harris eut l'occasion à 33 reprises de jouer le rôle du 101e sénateur depuis lors (ce qui constitue un record historique).

Cela dit, il est plus que probable que le Parti républicain n'aura pas besoin de recourir à ce mécanisme constitutionnel. Le parti devrait, en effet, remporter plus de 50 sièges au Sénat, en ajoutant à la liste précédente les sièges du Montana et de l'Ohio. 

On rappellera, à ce titre, que Donald Trump est arrivé en tête dans le Montana avec plus de 20 % de voix d'avance sur Hillary Clinton en 2016 et plus de 16 % de voix d'avance sur Joe Biden en 2020. Quant à l'Ohio, Trump y a gagné en 2016 et 2020 avec plus de huit points d’avance.

Certes, les électeurs qui ont voté pour Trump dans ces deux Etats ne sont pas nécessairement des républicains "pur souche" et la personnalité ou l'ancrage local des candidats jouent nécessairement un rôle, mais la probabilité que Trump emporte dans son sillage les sénateurs républicains reste assez forte. 

Il fut un temps où étaient monnaie courante aux Etats-Unis les split tickets, c'est-à-dire lorsque des électeurs n'hésitaient pas à voter pour un président d'un parti et pour un sénateur du parti de l'opposition. Dans les années 1980, pas moins d'une quinzaine d'Etats se trouvaient dans cette situation. Mais, dans un contexte de bipolarisation de plus en plus marquée, ce phénomène s'est raréfié au fil du temps, pour se réduire à une dizaine d'Etats dans les années 90, à six Etats dans les années 2000, aucun en 2016 et un seul en 2020.

En Arizona, remporté par Trump en 2016 avec 3,5 % d'avance, mais perdu de très peu en 2020, le candidat conservateur aurait toutes ses chances, notamment s'il est confirmé que les démocrates présentent deux candidats (en raison de la dissidence de l'actuelle sénatrice Kyrsten Sinema qui a annoncé son intention de concourir comme candidate indépendante).

Les républicains pourraient même remporter des sénateurs supplémentaires dans le Michigan, le Nevada, en Pennsylvanie ou dans le Wisconsin. 

En tout état de cause, si Joe Biden venait finalement à gagner l'élection présidentielle de 2024, il suffira que le Parti républicain s’adjuge le siège de sénateur de l'Arizona, du Montana, ou de l'Ohio pour obtenir une majorité de 51 sénateurs, ce qui lui permettra de bloquer l'agenda législatif du locataire de la Maison-Blanche. 

Une issue incertaine à la chambre des représentants

Contrairement au Sénat, la victoire du Parti républicain n'est pas du tout garantie à la Chambre des représentants, composée de 435 élus (la majorité est donc atteinte avec 218 sièges). Depuis les élections de mi-mandat de novembre 2022, les républicains détiennent une courte majorité de 222 sièges. Il suffit donc aux démocrates de maintenir leurs 213 élus actuels et de remporter 5 nouveaux sièges pour avoir la majorité en novembre 2024.

Les prédictions actuelles donnent 202 sièges pour les démocrates et 208 sièges aux républicains, l'incertitude planant sur 25 sièges. Ceux-ci vont déterminer la future majorité de la chambre basse. La plupart de ces 25 circonscriptions se situent en Californie, dans le Michigan, à New York, dans l'Ohio et en Pennsylvanie.

Le phénomène évoqué de raréfaction des split tickets concerne également la chambre basse. Dans les années 1980, on dénombrait en moyenne 160 sièges à la Chambre des représentants correspondant à des split tickets, ce nombre ayant été réduit progressivement à une centaine dans les années 90 puis à 70 dans les années 2000, une vingtaine dans les années 2010, et 18 en 2020 et 2022 (tous des républicains élus dans des circonscriptions remportées par Joe Biden, dont 11 en Californie et à New York). Les stratèges du Parti démocrate vont immanquablement concentrer tous leurs efforts pour récupérer ces 18 sièges perdus en terres démocrates. 

Les divers instituts qui travaillent sur la question donnent à ce jour 52,5 % de chance aux républicains de conserver leur majorité à la Chambre des représentants, avec une majorité de 219 sièges, ce qui correspondrait à une majorité d'une seule voix pour le Grand Old Party ! (voir par exemple www.racetothewh.com/house ou encore www.270towin.com dont les précédentes prédictions se sont révélées justes). 

En réalité, à 10 mois des élections, personne n'est sûr de rien concernant la chambre basse. Il est tout à fait concevable que nous assistions en novembre 2024 à une victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle (il serait alors le premier président à exercer deux mandats non consécutifs depuis le démocrate Grover Cleveland en 1892), assortie d'une victoire des républicains au Sénat et d'une victoire des démocrates à la Chambre des représentants, ce qui placerait Donald Trump en cohabitation. Ironie de l'histoire, il se retrouverait alors exactement dans la même situation que Barack Obama au lendemain de sa réélection en 2012.

Anthony Lacoudre est avocat et exerce à New York. 

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