JFK  : L’Enquête (2021) d’Oliver Stone

Auteur(s)
Yannick Rolandeau*, pour France-Soir
Publié le 25 juillet 2023 - 11:15
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JFK
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Photo de Florida Memory sur unsplash.com
John Fitzgerald Kennedy a été assassiné le 22 novembre 1963 à Dallas (Texas). Il fut le 35e président des États-Unis.
Photo de Florida Memory sur unsplash.com

CINÉMA - Le meilleur du cinéaste Oliver Stone se situe dans ses films critiques de l’histoire politique américaine comme Platoon (1986), Wall Street (1987), Né un 4 juillet (1989), JFK (1992), Nixon (1999) ou Snowden (2016) avec des documentaires comme Une autre histoire de l'Amérique (2013), Conversations avec Monsieur Poutine (2017) et Revealing Ukraine (2019) dont il n’est que producteur pour ce dernier. Le cinéaste ajoute donc un documentaire intitulé JFK : L’Enquête (2021) à sa fiction, JFK, qui était basée sur le livre On the Trail of the Assassins du procureur Jim Garrison (connu pour avoir lancé une enquête sur l'assassinat du président John F. Kennedy).

Incohérences massives

Oliver Stone est sans doute l’un des cinéastes américains les plus incisifs. Le procureur interprété par Kevin Costner à la fin de JFK met les pieds dans le plat par une conclusion qui détonne par rapport à l’accusation permanente de complotisme de nos jours :

"Le complot qui a tué Kennedy fut élaboré au plus haut niveau du gouvernement, exécuté par des guerriers fanatiques et disciplinés de l'appareil clandestin du Pentagone et de la CIA. Parmi eux, Clay Shaw, ici présent. Ce fut une exécution publique, couverte par des sympathisants dans la police de Dallas, le Secret Service, le FBI et la Maison-Blanche, en remontant jusqu'à J. Edgar Hoover et Lyndon Johnson, complices par assistance."

Un patriote doit être prêt à défendre son pays contre son gouvernement, met-il dans la bouche du procureur, citant un citoyen.

Au début de ce documentaire dense et complexe demandant une attention accrue, Oliver Stone rappelle le contexte et l’assassinat puis interroge plusieurs experts de toutes sortes suite à de nouveaux documents. Le House Select Committee on Assassinations (HSCA) a réinterrogé les témoins. Des incohérences massives ont mis à mal le rapport Warren. Les nombreux enregistrements ont été considérés comme trop explosifs pour être rendus publics et devaient rester scellés jusqu'en 2029, mais une loi visant à élucider plusieurs assassinats dont celui du Président John F. Kennedy a fourni des fonds. L'Assassination Records Review Board, l'ARRB, s’est formée. Plus de deux millions de pages de documents déclassifiés sont hébergées aux Archives nationales dans le Maryland, et depuis le public est libre d’y accéder.

Rappelons quelques faits. Le 22 novembre 1963, le Président John F. Kennedy est assassiné à Dallas. On arrête Lee Harvey Oswald, 24 ans, qui est tué 48 heures après par Jack Ruby dans les garages du quartier général de la police de Dallas, en direct, devant les journalistes et sous les yeux de millions de téléspectateurs alors que la police s'apprêtait à le transférer vers la prison du comté. Le nouveau président, Lyndon Johnson, nomme une commission composée de sept Américains éminents pour enquêter sur l'affaire : Earl Warren, juge en chef des États-Unis, Richard B. Russell, sénateur de la Géorgie, John Sherman Cooper, sénateur du Kentucky, Hale Boggs, représentant de la Louisiane, Gerald R. Ford, représentant du Michigan, John J. McCloy, conseiller présidentiel et… Allen W. Dulles, chef de la CIA. Dans sa conclusion, la Commission Warren se limite seulement à trois tirs : trois douilles d’un fusil ont été trouvées dans un bâtiment au cinquième étage du dépôt de livres scolaires où Lee Harvey Oswald travaillait. Ce dernier a assassiné le président Kennedy. Il l'a fait seul. Il ne faisait pas partie d'une conspiration, nationale ou étrangère. Puis, douze ans plus tard, le film de l'assassinat tourné par le fabricant de robes, Abraham Zapruder, est montré au public.

Photos de l’autopsie falsifiées, autres photos truquées, témoins ou témoignages gênants écartés, documents détruits ou mystérieusement disparus, tout semble avoir été fait pour légitimer la thèse d’un tueur isolé. Une fois encore, plus on entre minutieusement dans les détails des faits, plus on s’éloigne de la version simpliste et falsifiée propagée par les médias ou la version officielle. Même si le documentaire étudie chaque point de cet assassinat avec un luxe de détails qu’il n’est pas possible de retracer en entier, il est dommage en passant qu’il ne se soit pas intéressé à Jack Ruby, l’assassin de Lee Harvey Oswald et qu’il n’interroge pas la falsification du film de Zapruder comme le prétend Douglas Horne, interviewé dans le documentaire, membre du Conseil d’examen de l’ARRB. Prenons néanmoins quelques points.

La balle "magique"

Qui a tiré les coups de feu tuant Kennedy ? Les enregistrements montrent que le premier tir a manqué sa cible et que le dernier a touché le président à la tête, performance que les experts du FBI furent dans l'incapacité d'égaler en tirant sur une cible fixe. Rappelons que le procureur Garrison indique qu'Oswald a fait l'objet d'un test au nitrate établissant qu'il n'avait tiré aucun coup de feu récemment, résultat révélé dix mois plus tard après le rapport Warren. Comment peut-on expliquer qu’une seule balle puisse toucher deux victimes et faire autant de dégâts ? Elle serait entrée dans le dos de Kennedy et ressortie par son cou, puis se serait logée dans le dos du gouverneur Connally à l’avant de la voiture pour traverser son poignet et finir sa course dans sa cuisse. C’est Arlen Specter, de l'école de droit de Yale, qui a donné naissance à la théorie de la balle unique ou "magique" (CE-399).

Est-ce que la CE-399 était la même balle qui a été trouvée sur le brancard ? La "balle magique" fut retrouvée intacte par Darrell Tomlinson, mécanicien au Parkland Memorial Hospital, sur le brancard ayant transporté le gouverneur Connally. D'après la Commission Warren, la "balle magique" aurait glissé de la cuisse du gouverneur. On apprend que cette balle serait passée entre plusieurs mains. Comment Robert Frazier, enquêteur principal au FBI, peut-il recevoir la balle à 19h30 d'Elmer Lee Todd, alors que ce dernier n'a pas été en sa possession avant 20h50 ?

L'autre problème est l'absence de dommages de la balle. Le docteur Joseph Dolce qui a travaillé pour la Commission Warren a lui-même tiré avec le fusil original sur des cadavres. La pointe de la balle était écrasée. Le témoignage de Dolce ne figure pas dans le rapport final. D’autres aspects sont troublants. Si le fusil commandé par Oswald sous le pseudonyme d'Alex Hidell à Chicago n’est pas celui qu’il a reçu, la photo où le lieutenant Carl Day du Département de la police de Dallas sort le fusil du dépôt de livres montre que la sangle est sur le côté gauche de la crosse alors que celle sur les photos d’Oswald par sa femme dans l'arrière-cour est sur le bas. Les trois photos prises d’Oswald tenant un fusil montrent sur la première une bague à l'annulaire de la main droite alors que sur la troisième la même bague est à l'annulaire de la main gauche. Les photos ont-elles été truquées ? Sebastian Latona a essayé de relever les empreintes sur le fusil, la crosse et/ou le canon et a témoigné à la Commission Warren qu'il n'a trouvé aucune empreinte utilisable. Mais le lieutenant Day à Dallas a dit qu'il avait trouvé une empreinte partielle de paume sur le côté gauche et une autre sous la crosse et sur le canon.

Oswald aurait tiré trois coups de feu. Il a ensuite jeté l'arme sur le côté, et a descendu les six étages de l'escalier. Victoria Adams travaillait au quatrième étage du Texas School Book Depository et connaissait Oswald. Elle s'est enfuie par l'escalier pour aller dehors, mais n’a pas croisé Lee Harvey Oswald. Elle a orienté David Belin, avocat de la Commission Warren qui l'interrogeait vers Sandra Styles, une collègue de travail qui a descendu les escaliers avec elle. Il a refusé. Une autre personne, Dorothy Garner, a, elle aussi, été en ce sens. En 1999, un document dans les Archives nationales supprimé pendant 35 ans était une lettre écrite par l'assistante du procureur des États-Unis, Martha Jo Stroud qui transmettait le témoignage de Vicki à J. Lee Rankin, patron de la Commission Warren à ce moment-là. Dorothy Garner s’était tenue avec elle à la fenêtre, a vu Vicki descendre les escaliers, l’a suivie sans jamais voir Oswald. Ce témoignage corroboré par deux autres témoins indique qu'Oswald n'était pas au sixième étage au moment de la fusillade.

Balle "magique" sans dommage, fusil ne correspondant pas avec celui d’un Lee Harvey Oswald absent dans l’immeuble, les problèmes s’accumulent. L'autopsie aurait dû être faite à Dallas par Earle Rose, pathologiste médico-légal, mais celui-ci a été poussé contre le mur et menacé. Le corps a dès lors été emmené hors de Dallas en violation des lois du Texas. Deux des principaux médecins, Dr. Malcolm Perry et le Dr. Kemp Clark, qui avaient essayé de sauver Kennedy à l'hôpital Parkland à Dallas ont tenu une conférence de presse. Ils ont tout d’abord déclaré que la balle venait de face étant donné que le président avait une blessure béante dans la zone occipitale pariétale. Mais Malcolm Perry s’est rétracté sous la menace d’un agent des services secrets, Elmer Moore. En 1970, Elmer Moore a révélé que l'inspecteur Kelley lui avait ordonné de parler avec Perry et de le convaincre de changer de version.

Le soir de l'assassinat, le corps de Kennedy est ramené à Washington. L'autopsie est réalisée au centre médical de Bethesda, une institution navale. Tous les meilleurs pathologistes médico-légaux aux États-Unis étaient à moins d'une heure de route ou de vol. Aucun d'entre eux n'a été sollicité. Les deux pathologistes de la Marine, James Humes et son associé, J. Thornton Boswell, n'avaient jamais fait une seule autopsie de blessure par balle. Ils ont demandé la permission de faire venir un expert. La permission a été refusée.

Preuve solide d'un tir de face... là où Oswald n'était pas

Tout se complique encore. Outre que la version de la balle a changé, deux agents du FBI, Frank O'Neill et James Sibert, ont assisté à l'autopsie et leurs propos ont été recueillis par Arlen Specter au début de 1964. Ni Sibert ni O'Neill n'ont été invités à témoigner à la Commission Warren. En 1997, leurs dépositions ont été déclassifiées et indiquent qu’ils ont vu les photos "impeccables" de la tête de JFK sans que celles-ci correspondent avec ce qu’ils ont vu à l'autopsie. Ce document, combiné avec quarante autres témoignages déclassifiés, constitue une preuve solide d'un tir de face, probablement derrière une palissade, là où Lee Harvey Oswald n’était précisément pas.

À ce propos, les photographies supposées du cerveau de Kennedy conservées aux Archives nationales ne seraient pas celles du vrai Kennedy. Il y avait le photographe attitré, John Stringer, mais celles que l’on voit actuellement seraient celles de Robert Knudsen, photographe de la Navy qui n'a pas été interrogé par la Commission Warren. Saundra Spencer qui a développé les deux séries de photos a déclaré qu’il y avait une grande différence entre celles où Kennedy paraissait avec un cerveau intact avec celles où il lui en manquait la moitié. Autre preuve qui met en doute l'authenticité des photographies du cerveau aux Archives nationales. Les théories de la conspiration sont maintenant des faits de conspiration, dit Oliver Stone.

Le parcours de Lee Harvey Oswald est aussi fort étrange. Il a déclaré n’avoir tiré sur personne et n’être qu’un bouc émissaire. L'avocat Mark Lane qui a essayé de le représenter a été refusé par la Commission Warren. À l'âge de 17 ans, Lee Harvey Oswald rejoint le corps des Marines. Un an plus tard, il est envoyé dans l'une des bases américaines les plus secrètes du monde, Atsugi au Japon. D'ici, la CIA opère des vols d'espionnage au-dessus de la Chine en utilisant des avions de reconnaissance U-2. Alors que Lee Harvey Oswald était un Américain droit et honnête lorsqu'il était jeune, il a été dépeint plus tard comme un amoureux de Castro et de l’URSS. Au printemps 1963, Oswald a commencé à distribuer des pamphlets pour le comité Fair Play for Cuba, un groupe pro-Castro, localisé à 544 Camp Street, un bureau dans le centre-ville de la Nouvelle-Orléans près de ceux de la CIA. Il y avait aussi la maison du Conseil Révolutionnaire Cubain, le principal groupe anti-Castro dans le même immeuble !

Était-il un provocateur ? Un agent double ? Au printemps 1963, Oswald a commencé à fréquenter des hommes "étranges". Notamment David Ferrie qui avait été avec Oswald dans la Civil Air Patrol en 1955, et qui était un anticommuniste extrême. Il était formateur de pilote pour la CIA dans sa guerre secrète contre Cuba. Oswald était impliqué dans ces activités de formation d'exilés cubains avec Ferrie et a fréquenté Guy Banister, un extrémiste de droite proche du FBI, de la CIA et du parti nazi américain. C’est ce dernier qui a donné à Oswald son bureau au 544 Camp Street.

Destruction de documents importants

La Commission Warren a émis l'idée qu'Oswald était un communiste, citant son voyage en URSS en 1959. Au Département d'État, Otto Otepka, un agent de renseignements, signale que certains de ceux qui partaient étaient de faux transfuges, en fait assignés par la CIA pour recueillir des renseignements derrière le rideau de fer. Or, Oswald était sur la liste d'Otepka. La demande d'Otepka a été transmise à James Angleton, chef du contre-espionnage qui a ordonné qu'il n'y ait aucune recherche sur Oswald. Le directeur adjoint de la CIA, Richard Helms, a juré devant la Commission Warren que l'agence n'a jamais eu de contact avec Oswald. En fait, les dossiers de l'ARRB montrent qu'Angleton et la CIA recevaient des rapports sur Oswald jusqu'à une semaine avant l'assassinat.

Au FBI, un arrêt a été placé sur les dossiers d'Oswald, ce qui signifie que personne ne pouvait demander ou ajouter un document sans passer par la division espionnage du FBI. Le 8 octobre 1963, un agent du FBI, Marvin Gheesling, a retiré ce statut du dossier d'Oswald diminuant son profil de menace quelques semaines avant l'assassinat. Fait troublant, car quand un cortège présidentiel passe par un itinéraire particulier, tout suspect doit être retiré du parcours. Cette action au FBI n'a pas eu lieu de manière isolée. La même chose est arrivée à la CIA au même moment.

En janvier 1995, les services secrets ont commencé à détruire des documents importants, destruction référencée dans le rapport final de l’ARRB. Il s'agit de documents qui concernaient les voyages que Kennedy avait faits à l'automne 1963 avant de se rendre à Dallas. Peu de gens savent qu'il y a eu au moins deux complots antérieurs pour tuer Kennedy. Dont celui de Chicago le 2 novembre avec notamment un certain Thomas Arthur Vallee qui n’a été arrêté que quand Kennedy a annulé son voyage, le 2 novembre à 10 heures du matin. Étranges similitudes. Vallee est un ex-Marine comme Oswald affecté en Extrême-Orient dans une station liée à la CIA où il a formé des exilés cubains au combat. Oswald a aussi proposé de le faire. Ce dernier a été déplacé de la Nouvelle-Orléans à Dallas en octobre pour être là juste au bon moment, dénichant un travail dans l’immeuble d’où il est supposé avoir tiré. Vallee, lui, a été déplacé, en août, de Long Island à Chicago pour être là à temps pour le cortège.

Rappelons que le HSCA, en 1978, a conclu à une défaillance dans la protection du président comme l'interdiction de faire emprunter au véhicule présidentiel des virages d'un angle supérieur à 90° afin d’éviter une réduction trop importante de la vitesse, ou encore de n'avoir pas respecté les règles de sécurité avec agents sur les toits, fenêtres fermées des bâtiments sur le parcours.

Liens avec le Viêt-nam

Tous ces faits plus que troublants se placent dans le contexte de l’époque. Et le documentaire passe à une dimension plus large où nous tenons les éléments principaux de l’assassinat du Président. La commission de révision a déclassifié de nombreux documents concernant les plans politiques de Kennedy. Il travaillait sur un retrait américain du Viêt-nam, une prochaine visite d'État en Indonésie en 1964, favorisait une démocratie indépendante et unifiée au Congo, une politique équilibrée au Moyen-Orient avec Nasser, une normalisation des relations avec Cuba et une détente avec l’URSS allant jusqu'à leur proposer une mission commune sur la lune. Une politique qui faisait dérailler les plans du Pentagone et de la CIA.

Kennedy a signé le plan d'invasion de la Baie des Cochons à la condition que si l'Amérique fournissait armes et équipements, il n’y ait aucun Américain dans le débarquement. L'invasion a été un désastre comme on sait. Dulles, chef de la CIA, pensait que Kennedy serait malléable, mais ce dernier a tenu bon, sachant que ses conseillers militaires et du renseignement lui ont menti à plusieurs reprises notamment à propos d'un coup d'État militaire en France qui visait à renverser le Président Charles de Gaulle. En 1959, la CIA avait discuté de son renversement. Kennedy l’a dit à l'ambassadeur français :

"Je n'ai pas le contrôle total, cependant, de l'ensemble de mon gouvernement. Je n'ai pas le contrôle de la CIA et je ne peux pas parler pour ce qui se passe là-bas."

Aveu stupéfiant. Autre fait. En 1960, le Congo a obtenu son indépendance vis-à-vis de la domination coloniale belge et a procédé à une élection démocratique. Dans le désordre de la transition, les Belges, soutenus par l'Angleterre et la France, ont cherché à éliminer son Premier ministre, Patrice Lumumba. Eisenhower a donné le feu vert pour son assassinat. Avec l'appui des renseignements et des armes britanniques et américaines, les forces du colonel Joseph Mobutu capturent le président Lumumba au début décembre 1960. Dag Hammarskjold, le Secrétaire général des Nations Unies, appelle Kennedy, président juste élu et lui demande d'intercéder pour que Lumumba soit libéré de prison. Lorsque Kennedy intervient, Lumumba est assassiné. Le président est informé par son ambassadeur à l'ONU, Adlai Stevenson. Peu de temps après, Hammarskjold trouve la mort dans un mystérieux accident d'avion.

On se souvient que les chefs d'état-major interarmées avaient présenté un plan à Kennedy, appelé Opération Northwoods, où la CIA prévoyait secrètement des actes terroristes pour les mettre sur le dos de Castro et justifier ainsi des bombardements et une invasion de Cuba. Kennedy a refusé. Face à tous ces coups bas, le Président veut réduire l’influence de la CIA et la morceler. Il demande à Allen Dulles et à ses deux principaux conseillers, Richard Bissell et le Général Cabell, de partir avant la fin de l'année. Ironie du sort, Allen Dulles fera partie de la Commission Warren.

Et il y a bien sûr le Viêt-nam. Les conseillers militaires de Kennedy font pression sur lui pour envoyer des troupes. Une fois président, Kennedy s’y refuse, suite au rapport de son ambassadeur en Inde, John Kenneth Galbraith. McGeorge Bundy, conseiller à la Sécurité nationale, avait rédigé un mémorandum, le National Security Action Memorandum (NSAM 273). Alors que le corps de Kennedy est dans le cercueil, le nouveau président Johnson change le NSAM 273 en une nouvelle version impliquant totalement les USA au Viêt-nam. D’après la commission d'examen, les preuves indiquent que Johnson était pleinement conscient des plans de retrait de Kennedy. La Résolution du golfe du Tonkin avait donc été rédigée avant même l'incident, prétexte pour que les États-Unis intensifient leur effort dans la guerre. Peu de temps après, Robert Kennedy, frère du Président, est assassiné en 1968, la même année que Martin Luther King.

JFK : L’Enquête (2021) d’Oliver Stone, tout comme son film, JFK, demeure un élément important dans ce qui sous-tend les événements politiques dont on n’aperçoit bien souvent que l’écume dans les médias et indique la voie à toute recherche de la vérité. En cela, les intellectuels américains ont bien plus de pertinence dans leur enquête que ceux en France si l’on a lu JFK and the Unspeakable, Why He Died and Why It Matters de James W. Douglass, Mary’s mosaic de Peter Janney et bien entendu les cinq volumes de Doug Horne intitulé Inside the Assassination Records Review Board.

La morale de cette histoire politique célèbre invite à conclure que Lee Harvey Oswald n’est pas l’assassin du Président Kennedy et que celui-ci a été victime d’un complot couvert par les plus grandes instances de la CIA au FBI en passant par le Pentagone. Dans quel but ? Sans doute pour contrecarrer sa politique de retrait du Viêt-nam entre autres, mais pour lancer la machine de guerre qui va avec.

Assassiner un Président en plein jour, c’était envoyer un signal fort à tous ceux qui voudraient entraver une telle politique qui a vu les États-Unis répandre leur hégémonie à travers des dizaines de guerres directement ou indirectement jusqu’à aujourd’hui, dont l’Ukraine, le tout au nom de la démocratie.

  • Yannick Rolandeau est scénariste, cinéaste, professeur et auteur.

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